Programme :
Hannah Eisendle : Heliosis (création française)
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n°24
Antonín Dvořák : Symphonie n°7.
Distribution :
Orchestre Symphonique de la Radio de Vienne
Marin Alsop, direction
Gabriela Montero, piano.
Agenda de la semaine très chargé, j'ai été tenté d'annuler cette soirée. J'ai bien fait de m'abstenir : charmant concert ! Réservé pour le plaisir de revoir Marin Alsop en salle, qui me touche à chaque fois, dans un programme où l'on retrouvait la belle symphonie de
Dvorak ! Je n'attendais pas grand chose des deux autres pièces, ayant déjà eu une over-dose de Mozart récente, mais toujours curieux des créations dégotées par Alsop, grande connaisseuse du répertoire contemporain, qui m'a toujours donné à entendre des pièces intéressantes. Ravi de revoir cette pianiste que j'admire depuis plus de quinze ans, même si je pensais que ce concerto ne lui permettrait pas de briller.
Salle bien mal remplie, la notoriété des interprètes n'est pas encore acquise à Paris : ils me semblent plus reconnus à l'étranger, Alsop évidemment, mais aussi Gabriela Montero, entendue à la Seine Musicale à l'automne, devant une salle vide, et orchestre en danger de disparition... Dommage, mais je ne boude pas mon plaisir de ne pas avoir de voisinage direct ! Replacement les doigts dans le nez, et même trop de choix !
Eisendle : très belle et courte pièce, avec une introduction assez massive, et des développements passionnants, avec des timbres évoquant la canicule et les moiteurs de l'été. Compositrice ayant rédigé elle-même le programme de salle concernant son morceau, et elle en parle vraiment très bien !
- Développements figurant au programme de salle. :
Une pièce estivale, mais pas de ce bel été aux paysages dégagés sous un ciel radieux.
Sale, étouffant, poisseux comme de la suie. On se retrouve jeté en plein désert. Le soleil
cuit les dunes de sable et les cairns dentelés. Une chaleur à couper le souffle engourdit
et étourdit. Notre présence éminemment lucide tente de réagir. Les sens surchauffés, la
conscience dédoublée – contrôle de la concentration et injonction à ne pas se laisser
aller. Raidissement comme dans un corset ou bascule dans la perte de contrôle.
L’ouverture nous propulse au milieu d’un paroxysme de nuances. Le matériel rythmique
explose. Des rythmes variés expriment l’inflammation des sens dans un vacillement entre
parfait éveil et capitulation exténuée. Une étincelle de poussière dans le vent mauvais,
une lame brûlante sur les pistes d’asphalte. La structure rythmique avance, implacable,
poussée sans relâche par l’incandescence. Tel un mouvement perpétuel, mécanique.
Soudain de ce point culminant tout s’effondre, laissant la place à une stupéfaction évi-
dente. La machine continue à bouillonner, plus souterraine, secouée de petites éruptions.
Dans ce paysage désertique, la responsabilité de la topographie sonore est confiée
aux cordes qui rendent plus sensible encore l’intensité du soleil en jouant sur et derrière
le chevalet. Dans l’intervalle, un soliloque chuchote et siffle. Scintillement dans les hau-
teurs, ondoiement dans les profondeurs, violents contrastes entre stabilité rythmique et
interjections obliques. Extrêmes aigus au-dessus de glissandos profonds, boursouflures
d’accords compacts.
Telle la conscience qui se dédouble en cas de surchauffe, l’orchestre finit par se diviser.
Les tempos dérapent et s’écartent. Une ligne à l’unisson, quelques instruments demeurant
stables, d’autres « décollant ». Piu mosso. Incessant.
Mozart : tout à fait convaincu par ce concerto ! La pièce ? L'interprétation ? La tonalité mineure ? Beaucoup d'émotions, du contenu thématique captivant, belle construction, très loin de la musique décorative entendue récemment (concert Labèque notamment, mais également les concertos donnés dans les programmes précédents). C'est une œuvre que j'aurais plaisir à réentendre, ce qui constitue la belle surprise de la soirée ! Belle improvisation dans le mouvement final. Piano extrêmement sonore, qui prenait beaucoup de place par rapport à l'orchestre, et tant mieux, cet équilibre
déséquilibré servait parfaitement la partition, au contraire des interprétations sur piano-forte (qui fonctionnaient bien elles aussi, mais dans un genre très différent).
Rappel : familière des improvisations, Gabriela Montero a pris le micro pour demander un thème au public, selon sa coutume. Petite gêne dans le public, personne n'osant se lancer. Quelqu'un a tenté de siffler un air, mais le brouhaha de la salle le couvrait sans cesse ; un voisin de mon bloc a chanté le thème de Mon manège à moi de Piaf, que la pianiste a utilisé pour son très beau rappel. Développements habiles, avec beaucoup de couleurs.
Dvorak : magnifique symphonie, notamment les premier et dernier mouvements. Le scherzo également, mais qui aurait mérité d'être plus dansant, plus scintillant. Gros frissons dans les thèmes du premier mouvement. Cette symphonie a un souffle épique, grâce notamment aux thèmes chantés par les basses, parfaitement souligné dans l'interprétation d'hier. Très belle interprétation, peut-être pas la meilleure, mais de la belle ouvrage !
Rappel contemporain non identifié, avec wood-block, beaucoup de percussions et un sifflet joué par le timbalier, qui a terminé l’œuvre de façon cocasse, Alsop se tournant vers le public pour montrer comment "éteindre le son".
Bilan très positif de ce concert, dont je suis rentré avec le sourire !