Tout est dans le titre du sujet : programme composé exclusivement de la première symphonie de
Mahler, par l'Orchestre Divertimento, dirigé par Zahia Ziouani, au Théâtre du Rond-Point. Informé de ce spectacle grâce à une publicité dans le métro... c'est dire si la diffusion est éloignée des canaux habituels (je m'estime plutôt bien informé, vu la quantité de messages reçus), concert qui n'était mentionné ni dans la revue Cadences, ni dans le fameux agenda Carnets sur sol.
Je m'y suis rendu par curiosité, adorant cette symphonie jusqu'à la vénération, et aussi pour le plaisir de tester l'acoustique, d'entendre de la musique dans cette salle devant laquelle je passe tous les jours, et que j'avais envie de visiter à nouveau. Concert totalement complet, et dont je me demande comment il s'est rempli (abonnements du théâtre ? invitations ? car beaucoup de monde semblait connaître un musicien...). C'était assez cher, et en tarif unique (40 €). Public de ploucs, composé principalement des riches du quartier (j'habite le quartier aussi, donc ce n'est pas un jugement de valeur), absolument pas familiers des usages du concert classique. Les gens se connaissent, et discutent à haute voix entre les rangs, avant le début du spectacle, entre-soi assez pénible où la musique n'est qu'un prétexte à une sortie, et non une finalité propre.
Concert plus ou moins mis en scène, avec un comédien figurant
Mahler, intervenant avant chaque mouvement, pour quelques mots. C'était assez habile, même si les textes ne disaient pas grand chose sur le fond. Pour le public non informé, c'était sûrement intéressant d'apprendre qu'il s'agit d'une évocation de la nature, puis de valses (même s'ils s'agit en fait de Ländlers, mais bon...), puis de Frère Jacques en version marche funèbre, ainsi de suite... Plusieurs grands panneaux avec des diffusions d'images censées illustrer la musique : dans l'ensemble, ça ne fonctionnait pas trop, avec des images caricaturales (oh la belle forêt, oh le beau tableau, oh la belle vague furieuse...), intercalées de partitions qui ne correspondaient même pas à ce qui était joué, le tout avec des animations PowerPoint... L'idée était louable, mais trop maladroitement mise en œuvre pour en faire un argument de vente comme c'était le cas sur le site. De plus, le grand panneau situé en fond de scène, entre les cuivres et les percussions a beaucoup gêné l'acoustique.
Acoustique très sèche et plutôt intéressante dans ce théâtre ! Plateau débarrassé de tout décor, où l'on découvre deux grands poteaux qui gênaient plus ou moins la disposition de l'orchestre, et finalement pas si profond. Difficile de se placer dans ce théâtre tout en gradin, sans balcon ni hauteurs (j'aime être à la fois tout près et en hauteur, donc impossible ici). A part un voisin qui respirait comme une cafetière, public sage, qui a adoré pouvoir applaudir entre les mouvements (mais, c'était admissible hier, vu que chaque interruption permettait au comédien de revenir sur scène).
Musicalement, je suis très partagé. Côté moyens, il y avait de grosses lacunes : mise en place un peu brouillonne, niveau des musiciens parfois pas au rendez-vous, instruments très mauvais et mal accordés (je pense au pupitre de violoncelles, vraiment horribles)... on a eu un triangle qui n'a pas réussi à jouer une note particulièrement importante dans le premier mouvement, des cors atroces avec des canards tout du long, avec des traits qui réussissaient l'exploit de ne pas mettre une seule note correcte... Et pourtant, ils ont réussi à m'emporter, à me saisir, dans de fugaces instants. La magie a opéré plusieurs fois, preuve qu'il y avait du bon, du sublime et du sincère dans leur démarche. Comme disait Mickt, il faut du cran pour s'attaquer à cette symphonie ! Ils ont eu ce cran, et ils ont relevé le défi avec bravoure. Ce que je peux reprocher de plus violent, c'est finalement le manque d'idées : interprétation laborieuse certes, mais c'est pardonnable ; ce qui l'est moins, c'est d'avoir choisi de jouer cette œuvre, alors que l'interprétation n'apportait rien de nouveau, pas d'idée, pas de passion particulière, pas de lecture, et peut-être pas assez d'âme finalement. Avoir dépensé autant d'énergie à livrer une prestation aussi rude techniquement, quand ça n'est pas au service d'une lecture originale, c'est presque du gâchis !
Mais, bref, il y a eu de très beaux moments, et je me suis surpris à frissonner plusieurs fois, preuve que la sauce a pris et qu'il y avait du beau dans cette soirée, essayons de rester focalisés là-dessus !
Chef et orchestre très applaudis, public incité à se lever par le gars qui a distribué un bouquet de fleurs : standing-ovation un peu forcée, mais public visiblement ravi. Chef en nage et toute rouge, assez touchante.
Accueil 