Avec le Concert des Nations et la Chapelle Royale de Catalogne.
Toujours un bonheur d'écouter la plus belle, la plus folle messe jamais écrite. (Écoutez quand même la Große Messe de Braunfels, pas mal non plus dans cet esprit…)
Et jouée sur crincrins et pouêt-pouêts avec Savall, que j'avais adoré dans Beethoven 2,3,4,5.
La surenchère folle de la fin du Gloria, avec ses modulations sans fin qui redéveloppent encore et encore le matériau à chaque fois qu'on croit le mouvement achevé, en empilant les fugues les plus extravagantes, est sans doute l'un des moments les plus saisissants (et irrésistiblement jubilatoires) de tout le répertoire.
De la même façon, mais dans un ton plus contemplatif, la relance éternelle de l'Agnus Dei, c'est quelque chose : on croit que c'est fini et premier solo de timbales, on croit que c'est fini et deuxième solo de timbales, on croit que c'est fini et troisième solo de timbales….
Cordes en effectif atypique : 3-4-4-7-9.
Pas facile de caractériser de façon générale cette lecture : j'ai trouvé que le Kyrie travaillait plutôt une ambiance religieuse (que dramatique), et au contraire que le Credo vif permettait un naturel prosodique très intéressant (la Parole redevient parole).
Le son de l'orchestre (où je ne repère quasiment aucun musicien en commun avec les fois précédentes) est toujours exceptionnellement chaleureux, mais le chœur (relativement nombreux considérant la taille de l'orchestre et l'usage d'instruments naturels) tendait à la recouvrir – et cela s'avère d'autant plus frustrant qu'on recouvre un orchestre exceptionnel par un chœur pas particulièrement incarné ou articulé (et avec aucune basse ?).
Sans doute lié à la salle également, les instruments naturels en petit effectif y sont structurellement défavorisés.
Même si Savall ne proposait pas de grande architecture (chaque effet semblait davantage traité séparément), ni de tension infinie, on devinait des mondes convoqués par les textures… mais on ne les entendait pas toujours dans ces conditions acoustiques.
En somme, toujours grisé de réentendre l'œuvre, très séduit par l'interprétation, mais conditions défavorables. Au Théâtre des Champs-Élysées ou dans une acoustique sèche du genre (ou au parterre, pour une fois ?), ç'eût été sans doute tout différent.
J'en profite pour remarquer à nouveau combien, pour un chef d'ensemble, il est au moins aussi important de savoir bien s'entourer que d'être techniquement compétent. Je ne voyais pas comment Savall pouvait avoir appris le métier de chef d'orchestre juste pour jouer une intégrale Beethoven, et j'avais été stupéfait de la qualité du résultat.
En l'observant hier, voyant qu'il donnait les départs en même temps que les musiciens jouaient la note, j'imagine que c'est vraiment d'une part le travail en nombreuses répétitions, d'autre part le choix de musiciens particulièrement bons qui fait toute la différence.
(C'est un peu le syndrome Équilbey, donc.)