ONP – Lohengrin – Soddy / Serebrennikov – sept.-oct. 2023

Opéra Bastille, du 23 septembre au 27 octobre 2023

Richard Wagner — Lohengrin

Heinrich der Vogler – Kwangchul Youn, Tareq Nazmi (23 sept.)
Lohengrin – Piotr Beczala
Elsa von Brabant – Johanni van Oostrum (23, 27 sept., 14, 18, 21, 24 oct.), Sinead Campbell Wallace (30 sept., 11, 27 oct.)
Friedrich von Telramund – Wolfgang Koch
Ortrud – Nina Stemme (23 sept. > 14 oct.), Ekaterina Gubanova (18 > 27 oct.)
Der Heerrufer des Königs – Shenyang
Vier Brabantische Edle – Bernard Arrieta, Chae Hoon Baek, Julien Joguet, John Bernard
Vier Edelknaben – Isabelle Escalier, Joumana El-Amiouni, Caroline Bibas, Yasuko Arita

Direction musicale – Alexander Soddy
Cheffe des Chœurs – Ching-Lien Wu
Mise en scène, décors, costumes – Kirill Serebrennikov
Décors – Olga Pavluk
Costumes – Tatiana Dolmatovskaya
Lumières – Franck Evin
Vidéo – Alan Mandelshtam
Chorégraphie – Evgeny Kulagin
Dramaturgie – Daniil Orlov

Orchestre et Chœurs de l'ONP

Le synopsis de la version Serebrennikov :

Prélude
Les mémoires d’Elsa

Acte 1 Le Délire :
Le plateau figure le monde intérieur et imaginaire d’Elsa, une jeune femme qui a perdu son frère à la guerre, et dont l’esprit est depuis troublé. Ce monde est rempli de démons, de chimères et autres visions infernales qui la tourmentent et l’effraient. Elsa entend inlassablement ces démons l’accuser de la mort de son frère. Elle n’aspire qu’au salut et à être délivrée de ses cauchemars. À la suite de frénétiques prières, un chevalier angélique et ses compagnons lui apparaissent. Ils lui promettent la paix et l’amour, à condition qu’elle ne demande jamais au chevalier son nom et son origine. Les démons sont vaincus. Elsa plonge dans un bonheur extatique.

Acte 2 La Réalité :
Partie 1 La clinique psychiatrique
En réalité, Elsa est détenue dans un service séparé de la clinique psychiatrique d’Ortrud et Telramund. Ce dernier a survécu à un violent choc d’obus survenu au combat il y a longtemps. Aujourd’hui, lui et sa femme travaillent avec des personnes physiquement et mentalement victimes de la guerre. Telramund est tourmenté, à la fois par l’état d’Elsa, ses propres maux et ses désaccords avec son épouse. Alors qu’il éprouve une étrange sympathie pour Elsa, Ortrud, elle, est surtout soucieuse que l’état de la jeune femme s’aggrave à cause de cette guerre qui dure depuis des années. Elle tente d’hypnotiser Elsa afin de la ramener à la réalité, en vain. C’est au contraire son propre état mental qui se trouve perturbé.

Partie 2 L’hôpital
L’action se déroule dans un hôpital sur la ligne de front, où se trouvent de nombreux soldats. Ceux qui ont guéri se préparent à être renvoyés au combat, et louent le roi Henri et le Protecteur sans nom. De nombreux blessés alités sont également présents. Tous ne survivent pas à leurs lésions ; les morts sont emmenés à la morgue. Les femmes soignent et pleurent les hommes. Ortrud guide Elsa autour de l’hôpital. En voyant les soldats, cette dernière se souvient de ses adieux à son frère. Il lui semble que ces hommes la remercient et la glorifient, elle et son Protecteur. Face à l’attitude véhémente des soldats, Elsa espère que la mort de son frère n’a pas été vaine. Telramund, quant à lui, tente de dissuader plusieurs généraux de partir pour une nouvelle guerre, mais personne ne l’écoute. Les hallucinations d’Elsa s’intensifient. Elle voit que son Protecteur la garde et chasse ceux qui tentent de la toucher. En même temps, elle essaie de comprendre qui il est exactement. Elle sombre dans le sommeil.

Acte 3 La Guerre :
Prélude
Appel à la guerre

La guerre bat son plein. Personne ne se souvient quand elle a commencé ni ne sait combien de temps elle peut encore durer. À la lisière du front, les femmes épousent leurs fiancés tant qu’ils sont encore en vie.

La clinique est détruite, et Elsa n’a nulle part où aller. Elle reste dans le seul service encore debout. Sa maladie mentale progresse, mais elle semble être heureuse avec son Sauveur. Il a promis de mener le peuple de Brabant à la guerre et à la victoire. Il vengera la mort de son frère ! Elsa lutte pour découvrir son nom... Une explosion survient. L’obsession disparaît.

Le champ de bataille se transforme en fosse commune. Alors que le peuple pensait que Lohengrin – c’est le nom du sauveur d’Elsa – les mènerait à la victoire, il n’y a plus de défenseur, plus d’espoir, et Lohengrin les quitte. Ortrud découvre son mari Telramund parmi les morts ; elle le pleure et maudit tout le monde. Elsa se meurt.

Merci, Mickt, de ces infos. Encore et toujours l'hopital psy... J'y vais le 14/10, en espérant que Beczala et Stemme soient encore en bon état. Je suis content que ce soit Soddy qui remplace Dudamel, meme si j'avais pris ma place surtout pour ce dernier, dont le Tristan m'avait bluffé. (Bon, je reverrai Dudamel dans Fidelio en mai...)

C'est le fameux coup double : les personnages sont dans un asile psychiatrique, et l'action se passe dans la tête de l'un d'entre eux (ici Elsa traumatisée par la guerre).

J'étais hier soir à la 2e représentation. Triomphe pour le phénoménal chef Alexander Soddy et pour l'orchestre, en état de grâce tout au long de la soirée. Sans doute le plus beau Prélude entendu en salle, concerts symphoniques compris, avec des cordes cristallines, une petite harmonie d'une très grande douceur, des cuivres bien compacts, parfaitement intégrés au magma global. Direction globalement très fluide et enflammée, avec un grand sens dramatique, on sent que les musiciens s'éclatent. A mon sens, c'était encore mieux qu'avec Jordan.

Tous les chanteurs sont excellents : Beczala puissant et lumineux, Stemme terrassante, très impressionnante, von Oostrum est une magnifique Elsa. Koch et Youn sont un peu moins percutants mais belle présence tout de même, tout comme Shenyang en hérault.

Chœurs splendides et parfaitement en rythme.

La mise en scène alterne le très bon (les belles images du Prélude, le décor impressionnant de l'Acte 1, les corps qui se relèvent dans l'Acte 2) et le moins convaincant (les vidéos qui permutent sans cesse dans l'acte 2, un acte 3 avec moins d'idées). Globalement, c'est très esthétique et il se passe toujours quelque chose sur scène, au risque de complexifier un peu inutilement le message et la lisibilité.

Salle bien remplie sauf aux places les plus chères, replacement très facile dans les premiers rangs du 1er balcon. Accueil enthousiaste pour tout le monde.

Merci pour le compte-rendu. Soddy peut avoir sa carte à jouer pour le poste de directeur musical.

J'y vais samedi, avec l'autre Elsa (Sinead Campbell Wallace).

J'y étais hier soir
J'ai tout aimé et surtout Beczala qui m'a tiré des larmes notamment au final (ce timbre, cette lumière dans la voix, cette technique superlative, ce phrasé, cet allemand ... et j'en passe) et Koch impressionnant de métier sans parler de Stemme en vraie sorcière qui est épatante
Je trouve que la mise en scène fonctionne assez bien
Choeurs en grande forme
Sans doute que pour Soddy et Elsa on pourrait trouver mieux même si l'orchestre sonne bien et les cuivres ont évité les canards mais les bois n'arrivent pas à entrer ensemble...
Une très très belle soirée tout de même sans aucun doute
En ce qui me concerne j'attends plus et mieux d'un directeur musical ...

Klaus Florian Vogt remplace Piotr Beczała ce soir.

Plateau superbe et tres homogene. Beczala annoncé souffrant a quelques aigus durs mais une voix superbe qui serait ideale ailleurs que dans le vaisseau Bastille, où tout le monde doit pousser sa voix. Idem pour Koch, chanteur tres classe mais qui doit un peu forcer sa voix. Stemme remplacée par l'excellente Gubanova, dont la voix est encore fraiche et ronde. Enfin van Ostrum excellente, voix jolie et projection facile.

Pas entierement convaincu par Soddy: tres bel orchestre, certes, mais il pousse les choeurs à chanter trop fort, ce qui est hélas un peu leur marque de fabrique, on le sait (avant l'arrivée de Mme Wu en tout cas).... Ca plait au publique mais c'est caricatural et facile. Quel dommage, les choers dans Lohengrin sont si beaux et essentiels.

La mise en scene finit par bien gacher les choses aussi. Je ne suis pas difficile en général, l'acte I passe bien, le II fonctionne malgré le coté grotesque et banal de l'hopital psy. Mais le III completement envahi par les videos de guerre glauques et largement HS, ca finit par faire trop.

Bref, un demi-succes pour moi....

Le probleme, c'est aussi que Lohengrin est plus long que l'Affaire Makropoulos et Lessons of Love & Violence (vus tous deux cette semaine) réunis....

En fait, je reve d'un Lohengrin avec les actes I et III (sic) enchainés, sans entracte, 2 heures total, au lieu du mastodonte de 4h30 avec le long tunnel du II. Il faudrait donner l'acte II en dernier, ca permettrait aux uns de partir tot et aux autres de tout entendre...

Patzak a écrit:

Il faudrait donner l'acte II en dernier, ca permettrait aux uns de partir tot et aux autres de tout entendre...

Tu as possiblement négligé la difficulté de la cohérence narrative.

Certes, avec un hôpsy, tout devient possible.

Le II contient quand même les plus belles pages chorales (et les rêveries nocturnes d'Elsa…) de toute la partition.

C'est du Wagner en somme : c'est objectivement beaucoup trop long, mais ça passe tout seul. J'y vais samedi.

DavidLeMarrec a écrit:

Patzak a écrit:

Il faudrait donner l'acte II en dernier, ca permettrait aux uns de partir tot et aux autres de tout entendre...

Tu as possiblement négligé la difficulté de la cohérence narrative.  

Le II contient quand même les plus belles pages chorales (et les rêveries nocturnes d'Elsa…) de toute la partition.

Haha!

Absolument, il y a des moments superbes dans II, mais je préfère invertir deux actes complets plutot que faire des coupes à la carte.

Je suis sur qu'un metteur en scene (friand des "flashbacks") va adopter cette idée un jour: remplacer la cohérence narrative par une incohérence choisie! Les paris sont ouverts sur le temps qu'il faudra attendre. Mais je revendique l'idée et je demanderai des droits!

[La cohérence narrative de certaines mises en scene récentes est déja de ce niveau amha...]

Patzak a écrit:

Absolument, il y a des moments superbes dans II, mais je préfère invertir deux actes complets plutot que faire des coupes à la carte.

Je comprends très bien !

Citation :

Je suis sur qu'un metteur en scene (friand des "flashbacks") va adopter cette idée un jour: remplacer la cohérence narrative par une incohérence choisie! Les paris sont ouverts sur le temps qu'il faudra attendre. Mais je revendique l'idée et je demanderai des droits!

Ça a déjà été fait ! Joseph en Égypte de Méhul par Pierre Jourdan en 1989 (ordre des numéros totalement bouleversés, avec narrateur intercalé pour combler les trous), Orphée et Eurydice de Gluck par David Alagna en 2008 (toutes les parties vocales concentrées au début, tous les ballets relégués à la fin), et je suis sûr qu'il en existe bien d'autres !

Navré pour les royalties.

Sinon le spectateur dispose de plus de deux heures pour aller dîner dans un quartier qui ne manque pas de restaurants. Do it yourself-Regie.

Vous oubliez l'essentiel: jouer les actes dans l'ordre c'est ringard et passéiste. Tout Regier qui se respecte s'est déja affranchi de ces vieux préjugés....

Alexander Soddy est cité par Le Figaro comme un candidat ayant une carte à jouer pour la succession de Dudamel. L'article raconte que le contact est bien passé avec les musiciens en répétitions (pour un résultat qui a mis tout le monde d'accord lors des représentations de Lohengrin).

Pour le reste, pas de nomination à attendre rapidement. Neef attend déjà d'être lui-même reconduit, sans doute début 2024, pour engager le processus de recrutement.
L'orchestre n'a pas officiellement son mot à dire, mais Neef aurait promis de ne pas nommer un chef qui n'a pas encore travaillé avec l'orchestre, ce qui exclurait Stutzmann, citée parmi les 8 candidats potentiels aux côtés de Soddy, Altinoglu ("le successeur naturel"), Mälkki, Viotti, Scapucci et Pascal.
Les musiciens confient également qu' "aucune des femmes qui les ont dirigés ne se distingue plus qu'une autre"

tomseche89 a écrit:

Stutzmann, citée parmi les 8 candidats potentiels aux côtés de Soddy, Altinoglu ("le successeur naturel"), Mälkki, Viotti, Scapucci et Pascal.

Oui, alors on peut exclure d'emblée les trois femmes, et je ne vois pas Viotti assumer de telles responsabilités à l'ONP, ce qui laisse donc Soddy, Altinoglu et Maxime Pascal.

Je mets une petite pièce sur Soddy. Direction explosive dans Lohengrin, il a une belle poigne. Il est arrivé en remplacement de Mallwitz pour Peter Grimes (dans lequel pour le coup je l'avais trouvé bon mais pas très caractérisé), il remplaçait Dudamel pour Lohengrin (Soddy devait lui diriger Don Giovanni) : c'est le candidat qu'on n'attendait pas et qui pourrait coiffer tout le monde au poteau.

Il a une formation de chef de chant et de Kapellmeister, il fait son chemin assez discrètement dans les grandes maisons depuis une dizaine d'années. Il serait disponible tout de suite, et pour moins cher que des noms plus ronflants. Pourquoi pas...

Quelle bonne idée que cette grève du 27 octobre ! Cela m'a donné l'occasion de voir cette oeuvre que j'avais vue une semaine auparavant, sans les élucubrations du metteur en scène.
Et c'était beaucoup mieux ! Certains artistes semblaient comme libérés. Wolfgang Koch en particulier, au début du deuxième acte, laissait éclater sa colère et sa rancoeur avec une violence absente de la mise en scène.
Idem avec Ortrud. Je me demande si les chanteurs ont eu le temps de travailler après l'annonce de la grève, car dans leurs duos (Telramund et Ortrud, Elsa et Lohengrin), la mise en place et leur jeu étaient crédibles.
Il est surprenant qu'on ressente beaucoup plus d'émotion avec cette mise en espace qu'avec la mise en scène.
Le chef lui-même m'a semblé plus déchaîné que la semaine précédente.
Et avec les choeurs, sublimes, tournés vers la salle, du premier rang, on en prenait plein les oreilles. C'était jouissif !
Alors à la prochaine grève, par pitié, prévenez à l'avance, je serai là !