Britten, les 5 canticles
Allan Clayton, ténor
Julius Drake, piano
George Humphreys, baryton
Christopher lowrey, contre-ténor
Olivia Jageurs, harpe,
Richard Watkins, cor
Dame Harriet Walter, récitante
Quelqu'un d'autre du forum y était
Très impressionné par l'effet que produit ces œuvres en concert, alors qu'elles sont écrites de façon si minimaliste, si chambriste...
C'est une musique qui par endroits est tellement simple, les textures tellement « vides », que l'interprète doit réellement se sentir à nu en jouant.
J'ai trouvé ça globalement magnifique.
J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans au début, j'avais en tête de Cyrille Dubois avec Anne le Gozec, ayant écouté ce disque quasi obsessionnellement à une période ( au point où la pièce et son interprétation étaient devenues une seule et même chose dans mon esprit ) et la proposition de Clayton/Drake était assez différente.
Pour pinailler un peu, je dirais que j'ai trouvé chez Clayton l'expression un plus "1er degré", il y avait moins de variété dans les inflexions, les phrasés. Les aigus ont quelque chose d'un peu blanc, pas toujours très à mon goût. Ce sont des choses que j'ai retrouvées par-ci par-là dans les pièces suivantes, mais j'ai été rapidement si absorbé par la musique et la poésie que c'est complètement passé au second plan.
La beauté de cette musique réside vraiment dans des micro-détails pas immédiatement perceptibles, tel inflexion mélodique, tel accord, tel détail prosodique, à côté desquels on peut trop facilement passer. Ce n'était pas le cas hier mais disons que j'aurai préféré quelque chose d'encore plus nuancé, plus ambigu.
Pour les pièces suivantes, j'étais plus dans le bain, et j'en ai vraiment profité.
Surpris par la rigueur rythmique de certains passages du V que j'avais toujours entendus dans les enregistrements de plus façon « récitatif », plus souple. Il faudrait voir sur la partition ce que demande Britten. En tout cas, musicalement c'est peut-être mon préféré des cinq. Très...
trouble. ( je ne sais pas comment dire autrement
)
Le III est étrange, des restes du langage du Tour d'écrou, mais comme poussé à son paroxysme.
Très étonnant également, le point culminant formel et émotionnel où la musique s'efface complètement pour ne laisser qu'une déclamation parlée a capella ( qui doit être délicate de ne pas faire sonner « mélodramatique », hier c'était limite d'ailleurs...
).
Très beau duo ténor-cor à la fin.
C'est tellement élémentaire qu'à la lecture seule ça peut avoir l'air pauvre, mais on entend bien plus que ce qui est factuellement écrit.
Il y a plein d'harmonies seulement sous-entendues. On reste suspendu à chaque note, dans l'attente de la suivante... C'est vraiment unique...
Abraham et Isaac était très émouvant, sans dramatisme ni pathos exagérés. La manière dont est retranscrite la voix de Dieu est évidemment une trouvaille géniale.
Britten a réutilisé tout ce matériel dans l'Offertoire du War Requiem, mais plus avec la même magie qu'ici.
Seul regret, j'aurai pu faire sans la récitante dont je n'ai pas trop saisi l'utilité puisque les textes étaient traduits avec la musique et que je trouvais osn ton un peu affecté. Mais bon, c'est peut-être tout simplement que je ne maîtrise pas assez l'anglais de Stilwell ou de T.S.Eliot pour en profiter...
Au final, un concert magnifique, les œuvres hantent longtemps après la fin.
Si vous ne connaissez pas ces Canticles, allez les écouter !