Parler du compositeur et producteur américain d'origine galloise John Cale n'est pas si incongru que ça sur un forum de musique classique puisqu'il a été formé de façon plus traditionnelle que bien d'autres musiciens de rock (il a écrit très jeune une "Toccata dans le style de Khachaturian"). Etudes de musicologie au Goldsmith's College à Londres puis sous la houlette de Aaron Copland et Leonard Bernstein à New York, il est à cette époque marqué par des compositeurs d'avant garde comme son presque homonyme John Cage et La Monte Young (dont il intègre bientôt l'ensemble The Dream Syndicate) - Cale sait jouer de l'alto, de la guitare, de nombreux claviers et percussions...
De fil en aiguille, son attirance pour la musique répétitive et les happening le font rencontrer Lou Reed qui l'embauche comme (calamiteux... mais génial ;-)) bassiste dans le mythique groupe produit par Andy Warhol, le Velvet Underground (pour lequel il joue aussi de l'alto) avec lequel il signe deux albums (
Velvet underground and Nico et
White light white heat) devenu cultes par la suite...
Après avoir produit et participé à l'époustouflant premier album des Stooges (du pur punk rock 8 ans avant la lettre !!!) en 1969, il sort son premier album solo
Vintage Violence en 1970 - au style brouillon, le disque est mal accueilli et Cale n'a encore le "feu sacré" :
l'année suivante, il collabore avec le musicien minimaliste Terry Riley sur
Church of Anthrax, album assez ennuyeux et manquant encore de vraie personnalité, qui n'est pas non plus sa meilleure oeuvre.
The Academy in Peril (1972) dont la pochette est signée Andy Warhol, marque un vrai tournant, la veine symphonique de John Cale se fait beaucoup plus présente avec les emprunts à Cage ou d'autres musiciens plus classiques.
puis
Paris 1919 (1973) s'impose comme le premier véritable album accessible de John Cale, dans un style précieux mais plus rock et aussi plus mélancolique.
Le génie de Cale s'affirme nettement avec
Fear (1974), sur lequel participent Brian Eno et Phil Manzanera (ex-Roxy Music), premier volet de la "trilogie" des albums Island - parmi les plus violents et aussi parmi les plus influents de son auteur (qui fut l'un des pères du mouvement punk de 1977)
le groupe Siouxsie and the banshees reprendra plus tard l'excellent "Gun", et Cale signe ses premiers bijoux avec le sublime "Ship of Fools", le lyrique "Buffalo Ballet", le syncopé "Fear Is a Man's Best Friend" ou des balades comme "You Know More Than I Know" ou "The Man Who Couldn't Afford to Orgy" (qui fit d'ailleurs l'objet d'un single)
dans un style toujours plus rock, sort
Slow dazzle (1975) encore plus marqué et original
John Cale - ici vêtu de cuir sur la pochette tout comme d'ailleurs son guitariste Chris Spedding qui vient s'ajouter à l'équipe, surprend encore et l'album contient presque autant de pépites que l'album précédent : on peux citer le merveilleux "Mr. Wilson" (hommage au leader des Beach boys), la fantastique version d'outre-tombe de "Heartbreak Hotel" morceau popularisé par Elvis, la balade "I'm Not the Loving Kind" ou le fascinant "The Jeweller" (texte parlé sur une étrange musique répétitive jouée par Brian Eno)
La trilogie se termine avec le fou furieux
Helen of Troy (1975) , sommet rock rarement égalé en ce qui concerne la folie et la paranoïa (Cale va même jusqu'à endosser une camisole de force sur la pochette !!)
"Leaving It Up To You", "Engine", "Cable Hogue" et l'extraordinaire "I Keep A Close Watch" en constituent les pièces maîtresses...
John Cale connaît de sérieux problèmes avec l'alcool et ses prestations scéniques (dont le
Sabotage/Live - rare trace encore disponible actuellement, donne une petite idée...) sont de plus en plus chaotiques, le maxi 45T "Animal Justice" sorti sur un label obscur en 1977 en porte la trace malgré le fait qu'il contienne le magnifique "Hedda Gabler".
La décennie suivante inspirera moins Cale, reste l'étrange album minimaliste et glacé
Music for a New Society en 1982 :
qui contient la sublime et délicate "Chinese envoy"
Toujours en 1982, le groupe Bauhaus rend hommage à Cage en reprenant "Rosegarden Funeral Of Sores" - obscure face B d'un 45T de 1979...
Cale retrouve avec bonheur son ex-frère ennemi Lou Reed pour un hommage à Andy Warhol (décédé en 1990) dans
Songs for Drellaémouvant album de souvenir évoqué avec pudeur et humour par les deux compères.
Plus récemment, on retrouve John Cale en pleine forme sur le formidable live
Fragments of a Rainy Seasonoù il joue à l'homme orchestre entre guitare sèche pleine de nervosité, et ample piano Steinway évoquant les grands espaces...
Bref, un artiste rare... ;-)