Racha Arodaky

Rennais de naissance, et costarmoricain en vacances, je suis un exilé au Luxembourg !

Il y a plusieurs points sur lesquels je répondrai. Mais là encore, je n'ai pas le temps.

Juste dire, sans développer pour l'instant, que l'élément extérieur m'ayant perturbé (l'intérieur étant ma grippe !) fut la sonorisation du concert, à l'insu de la pianiste. Bref un bug dans l'organisation. Et ça changeait tout, du coup...

Vazen a écrit:

Si la Bretagne vous manque il faut y aller !

Je serais curieux de connaître cet élément extérieur si ça n'est pas indiscret bien sûr.
Le concert en lui-même m'a déçu. Et puis toute cette esbroufe autour... l'écran géant, le film, sa photo partout, les rappels pour le moins étonnants, surtout le dernier et la chanson avec la harpe celtique (misère... qu'est-ce que ça venait faire là ?), les remerciements. On sentait l'émotion de son côté, mais ça manquait de sobriété c'est le moins qu'on puisse dire. Un show à l'américaine.
Ses enregistrements sont excellents par contre.

Sonorisé, il était difficile d'apprécier à sa juste valeur le jeu d'Arodaky. On baignait dans des fréquences, des timbres qui mettaient à mal la moindre nuance, la moindre intention, que ce soit dans les passages lents, ou dans les rapides. Les attaques si nettes, si belles chez elles, claquaient avec une dureté de son gênante. Or une des particularités de la pianiste (et je n'en suis pas à son premier concert !) est de savoir maîtriser la puissance, afin qu'elle reste claire et musicale. Et je ne parle pas du bruit insensé de la climatisation...
Pour "l'esbroufe", c'est une question de sensation. Il faut, je pense, replacer cette soirée dans son contexte : il s'agissait d'un concert à part, autour du lancement de son cd, ce qu'elle fit aussi à l'Athénée pour son Haendel, fin 2009. La question de l'écran peut se discuter, mais selon moi pas sous l'angle d'un gadget : certaines personnes estimaient que cela perturbait l'audition en captant exagérément l'attention, d'autres en étaient ravies, remarquant qu'il compensait la mauvaise vision que l'on avait de la scène. De fait, étant placé au milieu sur un côté, je ne la voyais pratiquement pas ! Pour moi, ce n'est pas un problème, j'écoute très souvent les yeux fermés ou la tête penchée vers l'avant ! J'ai souvenir à Ambronay de quelques grands écrans télé disposés sur les côtés, afin d'apercevoir le choeur et les musiciens. Bref, il me semble que le côté pratique était évident, et bien filmé de surcroît, d'après ce que j'en ai vu par moments.
Le film en intro a divisé, il était peut-être mal intégré à la soirée (je l'aurais placé non pas juste avant qu'elle ne joue, mais plus nettement dans l'avant-concert, histoire de casser le bla-bla routinier de ces moments), mais ce n'était que 2 minutes... Les rappels font partie intégrante de la personnalité de la pianiste, et de son tempérament oriental : soirée où l'on invite, où l'on partage, où l'on donne. Selon moi, c'est un contresens de les considérer comme un show à l'américaine.
Pour rappel, en 2009 à l'Athénée, les bis furent aussi très contrastés. Ainsi, parmi les 4, il y eut dans un Haendel la participation de Fadhel Messaoudi, alternant chant classique arabe, oud et poème pendant qu'elle joue. De même, un "Do it again", un standard de Gershwin qu'elle chanta avec malice. Cela peut ne pas plaire, et pourtant m'apparut comme une complicité de fin de concert, simple et émouvante. On déboutonne sa chemise !
Même principe pour 2 des rappels à Wagram, avec le violoniste vénézuélien Alexis Cardenas, ou pour l'interprétation d'une chanson de la pianiste avec une harpiste celtique. J'ai aimé, je me sentais "invité". Et puis quoi, cela change tellement des bis attendus, ... ou de leur radinerie parfois. Tu reconnais que son émotion était sincère, et c'est en effet ce que j'ai retenu. Je m'y suis laissé aller, je ne l'ai pas regretté, comme dans un voyage où l'on prend le temps d'être surpris.

L'écran salle Wagram, d'où j'étais placé.

Un ami m'a envoyé une critique du Bach d'Arodaky. A le lire, je me dis qu'elle est beaucoup plus claire et parlante que la glose de nombre de celles des magazines spécialisées...

"Première Partita

Prélude : de la grâce, et ce mot-là reviendra souvent. Les trilles ont une couleur particulière, elles servent de ressort à la légèreté qui les suit. Et puis la grosse main gauche pour finir, qui rappelle que Bach c'est Bach.
Allemande : de la grâce sans aucune mièvrerie (il y a pourtant un piège, avec ce passage très harmonique, chantant facile).
Courante : force et puissance sans lourdeur.
Sarabande : elle est religieuse, sans la gravité qui la rendrait pénible, toujours cette légèreté. Racha évite la raideur.
Menuet I et II : un peu plat, peut-être. On dirait du Rameau.
Gigue : superbe ! brillante !

Deuxième Partita

Sinfonia : bien maîtrisée, pas d'outrance dans le côté dramatique de l'ouverture.
Allemande : superbe ! Emouvante, malgré une trille légèrement écorchée, hu hu !
Courante : un tout petit peu de confusion au tout début (trop de pédale ?) pour cette partie difficile. La reprise du thème est plus réussie, claire.
Sarabande : grande clarté, encore une fois, qui donne du chant et de l'aisance.
Rondeaux : enlevés ! Très beaux.
Capriccio : grandiose ! Une apothéose de couleurs et de danse.



Troisième Partita

Fantasia : un toucher parfait. La musique avance sans ostentation, avec humilité.
Allemande : beaucoup de délicatesse ici aussi dans le toucher, comme une retenue, une pudeur.
Courante : leste, claire, dégourdie.
Sarabande : suffisamment mystérieuse. Très belle main gauche, tellement sûre !
Burlesque : avec quelle aisance Racha se sort de cet enchevêtrement de trilles folles ! On retrouve la truculence du Scarlatti.
Scherzo : même chose ici, on se rappelle Scarlatti.
Gigue : chantant juste comme il faut, Racha évite un piège. Intelligence de montrer de la retenue exactement là où il faut.

Si Gould faisait comprendre Bach, Arodaky le fait chanter.



Les quatre intermèdes sont mystérieux, religieux. Racha excelle dans ces mouvements lents, elle fait sonner autrement le clavier baroque, c'est un vrai bonheur."

Vazen a écrit:

Le concert en lui-même m'a déçu. Et puis toute cette esbroufe autour... l'écran géant, le film, sa photo partout, les rappels pour le moins étonnants, surtout le dernier et la chanson avec la harpe celtique (misère... qu'est-ce que ça venait faire là ?), les remerciements. On sentait l'émotion de son côté, mais ça manquait de sobriété c'est le moins qu'on puisse dire. Un show à l'américaine.

Non, un show à l'armoricaine...

A l'armoricaine, non, pas un show, mais simplement du pianoz !

C'est un peu ce que je me tue à répéter partout !

Toujours aucune critique du Bach sorti en novembre dans le Diapason de mars.
Quelle bande de .... !

Excellente critique du Bach dans le Diapason d'avril. Heureux d'y lire ce que j'ai toujours ressenti (et défendu !) concernant son jeu, à sa singularité.


Singulière parmi les pianistes de sa génération, Racha Arodaky cultive comme son maître Murray Perahia une affinité profonde avec les compositeurs baroques.
Singulière, car elle semble davantage inspirée par un monde intérieur que par les styles d'interprétation dominants. Ici, point d'opposition marquée entre legato et staccato, aucun effet surprenant. La compréhension des textures la guide avec sûreté dans le passage du clavecin au piano moderne, ce qu'atteste la courante de la Partita 3 dansant sans gesticulation ni mièvrerie, comme une sinueuse sarabande où le soutien du timbre n'est plus que chant. Il n'est pas si fréquent d'atteindre une telle clarté dans la caractérisation, exempte de la moindre affectation. D'autant que le sens de la pulsation n'appelle aucun reproche (Capriccio).
On est à des années-lumière du Bach dénervé d'un Tharaud, de la poésie univoque de Dinnerstein, des formes vides d'un Gurning ou du laboratoire bouillonnant de Pienaar (pour s'en tenir à 4 propositions récentes). Arodaky nous évoque plutôt l'évidence lumineuse de Marcelle Meyer.
L'élégante tension de ces partitas alterne agréablement avec plusieurs transcriptions. L'une est signée Cortot, immense figure dont l'approche stylistique de Bach trouve chez notre interprète un écho particulier.
Philippe Ramin.

http://www.vosgesmatin.fr/actualite/2012/06/17/le-bois-de-rose-et-le-piano

Elle donnera un récital en l'abbaye Saint Martin de Ligugé le 1er Juillet prochain dans le cadre du festival chemins de musique

Citation :

22 août 14 09:54:16 GMT+02:00
Xavier DESVAUX dit:

J'ai eu la chance de l'écouter hier soir (21/o8/2014) en concert, et je confirme en tout point cette évaluation. J'ai été enthousiasmé par cette très grande artiste, dont le nom m'était totalement inconnu. Elle a annoncé qu'elle était en train d'enregistrer un album de chansons, et nous avons eu la chance d'en écouter une. Elle est en outre extrêmement sympathique, comme j'ai pu le constater lors de sa séance de dédicaces. Elle va dorénavant figurer en bonne place dans ma discothèque.

J'étais aussi à ce concert, 30 mois que je ne l'avais pas entendue... Exceptionnel.

Un album de chansons?

droopy a écrit:

Citation :

22 août 14 09:54:16 GMT+02:00
Xavier DESVAUX dit:

J'ai eu la chance de l'écouter hier soir (21/o8/2014) en concert, et je confirme en tout point cette évaluation. J'ai été enthousiasmé par cette très grande artiste, dont le nom m'était totalement inconnu. Elle a annoncé qu'elle était en train d'enregistrer un album de chansons, et nous avons eu la chance d'en écouter une. Elle est en outre extrêmement sympathique, comme j'ai pu le constater lors de sa séance de dédicaces. Elle va dorénavant figurer en bonne place dans ma discothèque.

J'étais aussi à ce concert, 30 mois que je ne l'avais pas entendue... Exceptionnel.

Droopy . Ou disable étais tu passé ?

Un 2ème enfant est né en 2012, Brieuc... Et je m'occupe des 2 à plein temps. De plus, en 6 mois, j'ai perdu mes parents et 2 soeurs. Bref, ma vie a bien changé, style zombie.

A part ces menus détails (...) sur l'absurdité de la vie, cela fait longtemps qu'elle prépare un album pop. Ce n'est pas un sacrilège... Et son prochain cd piano sera consacré à Duphly... qui le mérite bien !

droopy a écrit:

Un 2ème enfant est né en 2012, Brieuc... Et je m'occupe des 2 à plein temps.

Ca c'est plutôt une très bonne nouvelle

droopy a écrit:

De plus, en 6 mois, j'ai perdu mes parents et 2 soeurs. Bref, ma vie a bien changé, style zombie.

C'est beaucoup moins drôle ça . Mes condoléances

droopy a écrit:

cela fait longtemps qu'elle prépare un album pop. Ce n'est pas un sacrilège... Et son prochain cd piano sera consacré à Duphly... qui le mérite bien !

Plein de projets en perspective; tant mieux pour Arodaky

droopy a écrit:

A part ces menus détails (...) sur l'absurdité de la vie,

Félicitations et condoléances, même si nous ne nous connaissons pas.

droopy a écrit:

cela fait longtemps qu'elle prépare un album pop. Ce n'est pas un sacrilège... Et son prochain cd piano sera consacré à Duphly... qui le mérite bien !

Il n’y a pas de sacrilège: elle a le droit de faire ce qu’elle veut. C’est simplement que ça ne m’intéresse pas (si ç’avait été du chant traditionnel syrien et non de la pop, là, oui, j’aurais été preneur). Mais le Duphly, oui, ça me tente (ne serait-ce que par curiosité: comment peut-on jouer Duphly au piano? à quoi cela ressemble-t-il?)

Enfin... j’y vois tout de même un autre problème, en tant qu’auditeur. Soit ce disque pop se vend mieux que ses disques de piano (et c’est tout le mal qu’on lui souhaite), et alors je redoute un changement de carrière. Soit il se vend autant ou moins bien que ses disques de piano et là, dans la mesure où cette artiste autoproduit ses disques, j’aurai du mal à m’empêcher de penser que le temps et l’argent investis dans ce projet auraient pu bénéficier à... je ne sais pas, moi, un autre récital Mendelssohn, ou Scarlatti, ou Bach (les disques de Racha Arodaky que j’ai préférés), ou à une nouvelle découverte (Pancrace Royer au piano?)

Bonsoir, lorsque rien n'arrive, tout peut arriver ! Le cd Duphly sortira cette année, son disque pop aussi, ainsi que something different, hors musique !