Sigfrid KARG-ELERT - (1877-1933)

Je laisse le soin à Ysov d'en faire une présentation plus complète, mais plutôt que de s'éparpiller en 'playlist', ouvrons.

C'est un compositeur typique du postromantisme germanique "sérieux" (la veine de Rheinberger, de Reger, de Pfitzner), pas très jovial, pas très inventif non plus, qui a surtout contribué (bien qu'il ait également écrit, par exemple, du lied et de la musique chorale, documentés par le disque) à la littérature pour orgue, piano et harmonium.

ysov a écrit:

Sigfried Karg-Elert: Choral Symphonique sur ''Jesu meine Freude'' Introduction - Canzone - Fugue et Choral. Une des oeuvres majeures pour orgue de ce compositeur des pastels au point de le surnommer
''Le Debussy de l'orgue''. L'orgue utilisé de 5 claviers et 118 jeux, est un des plus impressionnant et beaux de la Firme Klais, pour la Cathédrale de Frankfurt.

DavidLeMarrec a écrit:

C'est amusant, je trouve ce compositeur extrêmement gris au contraire, du germanisme "béton". Pas aussi déprimant que Huber & Gasser, mais c'est un peu du Reger triste.

Le côté Debussy m'a totalement échappé, je l'admets.

ysov a écrit:

Grave erreur. Cette pièce sur le choral Jesu mein Freude, est sombre, inquiétante d'atmosphère étant donné le thème. Cependant, de nombreuses autres pièces sont au contraire joyeuses, voir même
burlesques a l'occasion. De plus son surnom de Debussy de l'orgue est associé évidemment avec plusieurs de ses pièces a caractère impressionnistes, comme ses pastels et autres miniatures.

Il est beaucoup plus éclectique qu'on pourrait le penser, a condition bien-sûr de prendre la peine de survoler toute son oeuvre organistique.

A titre d'exemple David, voici deux enregistrements disponibles pour l'écoute intégrale, contenant deux oeuvres importantes de ce compositeur, dont la première est Partita en Mi:

Que tu peux écouter ---- ICI

et l'autre pièce qui consiste en ses 9 pièces op.157:

Pour l'écouter ---- ICI

Tu verras que rien de GRIS est perceptible avec ces deux pièces.

ysov a écrit:

Grave erreur. Cette pièce sur le choral Jesu mein Freude, est sombre, inquiétante d'atmosphère étant donné le thème. Cependant, de nombreuses autres pièces sont au contraire joyeuses, voir même
burlesques a l'occasion. De plus son surnom de Debussy de l'orgue est associé évidemment avec plusieurs de ses pièces a caractère impressionnistes, comme ses pastels et autres miniatures.

Je n'ai pas écouté que Jesu meine Freude bien évidemment, pour émettre un avis global. Même les pastels du Lac de Constance, que tu évoques, sont d'un hiératisme menaçant à peine croyable pour soutenir un tel titre. Au demeurant, c'est la seule oeuvre de lui que j'aie trouvée intéressante à ce jour, et on y trouve, c'est vrai, des effets de registration, des figuralismes un peu plus proches de l'impressionnisme... mais vraiment pas de quoi parler d'orgue impressionniste tout de même, ça reste bien solidement ancré sur ses pieds.

Même les oeuvres plus badines, comme les Portraits Op.101 pour harmonium, sont d'une maladresse scolaire qu'on peine à croire : n'importe quel étudiant un peu chevronné pourrait faire des imitations stylistiques un peu plus justes et surtout un peu plus piquantes...

Je viens d'aller écouter la Partita en mi que tu as mise en lien. En effet, c'est moins sinistre, mais la couleur provient uniquement de la belle patine brillante de l'orgue utilisé, c'est bien uniforme... Et ça reste d'une écriture extrêmement stable et sage. Je n'ai rien contre, mais je ne trouve même pas ça inspiré...

Ce qu'on appelle un académique, sauf que souvent, les académiques sont vrais, alors qu'ici, ça fleure plutôt le sépulcre.


Voilà, c'était le message d'enthousiasme du jour.

Bien disons que du point de vue académisme, Karg-Elert est le Théodore Dubois allemand...

Pour ce qui est de la Partita en Mi, l'aspect ''Moins sinistre'' que tu perçois découle en réalité aucunement aux couleurs de l'instrument utilisé, mais également dans l'écriture. Certaines tournures évoquent
même le jazz!

En tous cas, si sépulcre se fait sentir, imagines du côté français, les Langlais, Alain, et cie?? L'odeur sépulcrale frise le concret!

Sigfrid Karg-Elert est régulièrement cité par Michel Fleury dans son ouvrage L'impressionnisme et la musique (Fayard) comme un des rares représentants germaniques de l'impressionnisme musical. Je n'ai pas le livre sous la main et je ne peux pas plus développer mais certaines de ses oeuvres faisaient l'objet d'une analyse. Il serait intéressant de s'y référer pour voir de quels cycles il s'agit (dans mon souvenir essentiellement des pièces pour harmonium : "Impression d'automne", etc.)

En effet, c'est un ouvrage assez intéressant. Ce n'est pas le fait qu'un compositeur allemand, toujours plus romantique de tradition qu'un compositeur français, sauf exception, comme Franck ou Vierne
influencés dans une certaine mesure du romantisme chromatique WAGNÉRIEN (encore l'Allemagne comme toile de fond ) sera conséquemment plus TORTUEUX, sépulcral que la légèreté moyenne
du compositeur français, aux mélodies plus simples ( ), faciles parfois et même naïves a l'occasion, cela contraste beaucoup.

Je ne suis pas en désaccord avec tout ça (la mise en relation avec Dubois, la relativité de la notion d'impressionnisme selon les milieux nationaux).

Mais ce n'est vraiment pas massivement et uniformément que Karg-Elert l'est, beaucoup de sa production n'en porte pas la moindre trace - et ce serait comme dire que les Debussy et Ravel du Prix de Rome sont impressionnistes.

Certes, l'aspect impressionniste y figure pas dans tous son corpus, mais le nombre est non négligeable, alors que c'est absent chez la plupart des autres compositeurs allemands. C'est pour cela que le
qualificatif ''D'impressionniste'' est justifié.

De plus, il faut pas confondre austérité, langage aride pour de l'académisme.

Les Portraits Op.101, si ce n'est pas de l'académisme, je veux bien écouter l'intégrale Glass.

Mais non, Glass a rien a voir, car c'est encore moins de l'académisme, c'est a peine de la musique, non en fait s'en est mais comme un disque bloqué répétant sans cesse.

Pour l'académisme de Karg-Elert, je réagis surtout au fait que tu sembles généraliser sur sa musique. Je me goure?

Je reprenais seulement ton parallèle avec Dubois que je trouvais intéressant (faire un parallèle de la même esthétique dans des univers nationaux différents, et observer les divergences), et je visais certaines pièces seulement.

Je ne le classe pas globalement comme académique, les Pastels (et même les chorals !) sont plutôt personnels tout de même. Après, je n'aime pas forcément tout dans son univers, mais rien à voir avec le fait qu'il soit singulier ou non.

En fait pardonnes-moi, car le parallèle avec Dubois fut pour te triturer, sachant que tu l'aimes beaucoup ce compositeur académique, car son corpus en est infiniment plus truffé que celui de Karg-Elert.

• Trio pour hautbois, clarinette et cor anglais en ré mineur, op. 49 n°1. Quintette pour instruments à vent en ut mineur, op. 30²
Csaba Klenyán (clarinette); Fruzsina Káli Fonýodi (hautbois), Ilona Csizmadia (cor anglais)¹; Lajos Rozmán (clarinette), Béla Horváth (hautbois), György Lakatos (basson), Péter Soós (cor)²
Budapest, VI.2002 & VI.2003
Hungaroton

C’est absolument délicieux et même souvent jubilatoire! Au-delà même de sa coupe formelle (Introduction - Double Fugue - Sarabande - Rigaudon et Musette), le Trio sonne comme de la musique baroque (un peu comme des Sonates en trio de Bach transcrites pour trio d’anches) qui, au détour d’un contrechant, se mettrait à moduler comme du Brahms tardif.

Quant au Quintette, il illustre avec un rare bonheur l’idée d’un romantisme tardif souriant - de beaux climats qui musardent entre un lyrisme généreux à peine voilé de mélancolique et une verve classicisante toute en clins-d’œil, une harmonie riche mais qui ne verse jamais dans le sinueux ou l’abstrus (on est un peu au-delà de Brahms, mais en-deçà de Reger ou de Schmidt) - et surtout le timbre tellement réjouissant de ces vents mitteleuropéens qui babillent!

(Ce qui est aussi étonnant, c’est à quel point on sent aussi la trace de l’orgue - que ce soit dans les équilibres des jeux d’anches ou les effets de «changements de registres.»)

Il y a sur Y T , deux sonates pour piano de Karg-Elert , la 3ème et la première qui méritent le détour.En dehors de l'harmonium, on ne trouve pas tellement de disques de ses oeuvres,, ou c'est souvent panaché . D'ailleurs je ne connaissais pas le disque dont tu parles.Il a l'air très alléchant.

gluckhand a écrit:

En dehors de l'harmonium, on ne trouve pas tellement de disques de ses oeuvres

Tu veux dire «en dehors de l'orgue», parce qu'en orgue, il existe au moins trois intégrales ou quasi (Engels chez Priory, Elke Völker chez Aeolus, Stockmeier chez CPO) et deux monographies par Fagius chez BIS. Alors que pour l'harmonium, je ne connais que l'intégrale CPO. (Pour le piano, il existe aussi une intégrale chez CPO.)
En musique de chambre, j'ai aussi trouvé une monographie chez Jecklin (je dois recevoir ça d'ici 15 jours); il existe aussi plusieurs références pour sa musique de chambre avec flûte (une anthologie flûte et piano chez Hungaroton, et deux intégrales, une chez Brilliant et une chez Naxos.)

Et je confirme: ce disque de musique de chambre avec clarinette est un vrai régal!

Benedictus a écrit:

gluckhand a écrit:

En dehors de l'harmonium, on ne trouve pas tellement de disques de ses oeuvres

Tu veux dire «en dehors de l'orgue», parce qu'en orgue, il existe au moins trois intégrales ou quasi (Engels chez Priory, Elke Völker chez Aeolus, Stockmeier chez CPO) et deux monographies par Fagius chez BIS. Alors que pour l'harmonium, je ne connais que l'intégrale CPO. (Pour le piano, il existe aussi une intégrale chez CPO.)
En musique de chambre, j'ai aussi trouvé une monographie chez Jecklin (je dois recevoir ça d'ici 15 jours); il existe aussi plusieurs références pour sa musique de chambre avec flûte (une anthologie flûte et piano chez Hungaroton, et deux intégrales, une chez Brilliant et une chez Naxos.)

Et je confirme: ce disque de musique de chambre avec clarinette est un vrai régal!

J'ai ce CD Jecklin et j'ai été un peu déçu ,par la Ière oeuvre du disque,La Suite pointillistique et j'ai pas insisté. A réécouter.
Les CD des deux sonates pour piano par Michael Zieschang sont vraiment pas faciles à trouver. JPC les offre seulement en offre numérique.La mort de Michael Zieschang, a fait que la 2ème sonate n'a pas vu le jour ,je crois.
J'ai un coffret CPO d'oeuvres pour harmonium, que j'ai toujours pas écouté.Et question oeuvres pour flûte et piano, on est plutôt bien  servi en enregistrements.Il y aussi un CD de mélodies qu'on voit de temps en temps.
Enfin,merci Bénédictus,pour tous tes renseignements.

Une réécoute :

Karg-Elert – Intégrale de l'œuvre pour orgue vol.12 : 3 Impressions, Hommage à Haendel, Partita n°1 – Stefan Engels (Proprius 2021)
→ Inclut les monumentales variations d'Hommage à Händel, qui se déploient lentement de façon assez spectaculaire.

Et une nouvelle écoute :

Karg-Elert – Intégrale de l'œuvre pour orgue vol.11 : Chorale Improvisations Op.65, Livre 6 – Stefan Engels (Proprius)
→ De petites merveilles organistiques, belles harmonies dans un style libre qui évoque en effet l'improvisation. Énormément de charme.

J'étais sceptique initialement devant ses pièces célèbres, mais depuis que je me suis lancé dans le fonds intégral, je tombe sur nombre de pépites. Pas des œuvres qui bouleversent ma vision du monde, mais de la très belle musique où affleure, effectivement, l'influence du figuralisme à la française, plutôt qu'un pur formalisme germanique.

La musique de chambre, dont le disque Hungaroton mentionné au-dessus, vaut vraiment le détour. (Et je suis impressionné par l'inspiration de haute volée de ses pièces monodiques, voyez par exemple la monographie pour saxophone parue chez MDG !)

DavidLeMarrec a écrit:

Une réécoute :

Karg-Elert – Intégrale de l'œuvre pour orgue vol.12 : 3 Impressions, Hommage à Haendel, Partita n°1 – Stefan Engels (Proprius 2021)
→ Inclut les monumentales variations d'Hommage à Händel, qui se déploient lentement de façon assez spectaculaire.

Et une nouvelle écoute :

Karg-Elert – Intégrale de l'œuvre pour orgue vol.11 : Chorale Improvisations Op.65, Livre 6 – Stefan Engels (Proprius)
→ De petites merveilles organistiques, belles harmonies dans un style libre qui évoque en effet l'improvisation. Énormément de charme.

J'étais sceptique initialement devant ses pièces célèbres, mais depuis que je me suis lancé dans le fonds intégral, je tombe sur nombre de pépites. Pas des œuvres qui bouleversent ma vision du monde, mais de la très belle musique où affleure, effectivement, l'influence du figuralisme à la française, plutôt qu'un pur formalisme germanique.

La musique de chambre, dont le disque Hungaroton mentionné au-dessus, vaut vraiment le détour. (Et je suis impressionné par l'inspiration de haute volée de ses pièces monodiques, voyez par exemple la monographie pour saxophone parue chez MDG !)

David,il y a sur YT, la première et la troisième sonate pour piano ,elles valent le détour, surtout la troisième.L'interprète est décedé et l'on a confié à un autre pianiste, d'autres pièces de piano, mais toujours pas ,de seconde sonate enregistrée.C'est bien dommage ,et c'est sûrement une perte musicale, vu le niveau et l'originalité des deux autres .Faut dire aussi,que le pianiste est remarquable.