J'en reviens et, il faut bien l'avouer, je suis assez enthousiaste !
Déjà, l'entreprise de jouer un
Ring un peu "allégé" me semble très intéressante, comme l'a déjà plus amplement développé David, pour ses possibilités musicales et dramatiques différentes qui peuvent apporter un regard nouveau. Malheureusement, tout ça n'était pas forcément au rendez-vous dans cette version Rundel/Gindt.
Mon compte-rendu sera peut être incomplet parce que je n'ai pas pu assister à Siegfried, mais je compte bien me rattraper grâce à Arte Live Web.
Sur l'arrangement de Dove et Vick, j'ai trouvé l'ensemble extrêmement cohérent et bien réalisé : les coupures sont faites avec soin, ce qui fait qu'un néophyte ne les remarquerait même pas, et que quelqu'un d'un peu habitué au
Ring tel que moi les observe mais sans toujours pouvoir dire à quel moment s'est faite l'élision. Evidemment, il y a quelques pages dont l'absence ou la brièveté sont assez douloureuses, comme la montée des dieux au Walhalla, la fin de l'acte I de la Walkyrie, le voyage de Siegfried sur le Rhin, la mort de Siegfried... Des petites déceptions, mais ce sont des détails, et parallèlement la plupart des pages importantes ont été gardées dans leur intégralité (les adieux de Wotan, l'immolation etc).
L'orchestre réduit à un par pupitre (hormis les cors) sonne très bien, augmenté d'un petit orgue pour le liant, si bien qu'on a quasiment l'impression d'avoir affaire à un orchestre normal, aux cordes un peu sèches. En tout cas, je n'ai pas trouvé que ça faisait "chambriste", dans les tutti on retrouvait la même plénitude sonore et un véritable impact physique (ce à quoi on n'est plus trop habitué) !
Ça a ses avantages et ses défauts... On garde l'orchestration et les couleurs de Wagner, donc c'est très beau, mais on ne découvre pas grand chose. C'est juste pareil, en plus petit. Mais l'important est que ça fonctionne, et c'est le cas !
Je n'ai pas trouvé que les musiciens manquaient d'implication, au contraire, certains traits aux cordes ressortaient de manière beaucoup plus expressive que d'habitude. Mais le problème venait, à mon avis, de la direction de Rundel : avec un tel effectif, le principal avantage était la liberté qui s'offrait aux interprètes, la possibilité de faire des choix inaccessibles aux énormes orchestres wagnériens. On aurait pu attendre davantage de souplesse, de contrastes, des recherches sur la partition. Malheureusement il n'y a rien de tout ça. Rundel dirige avec une raideur quasi métronomique (c'est criant dans certaines phrases comme le motif de la Compassion dans la Walkyrie, ou la "rédemption du monde" où tous les chefs mettent en général du rubato), et a des tempi souvent effrénés, autant dire que pour la poésie on repassera...
Mais bon, les équilibres sont bien respectés, et ça n'empêche pas à l'émotion de naître, fort heureusement.
Pour ce qui est des voix, j'ai été assez agréablement surpris !
Oui, il y a eu quelques défauts dans la distribution, mais on ne peut pas dire que certains chanteurs ont été engagés comme s'ils allaient chanter ça à Bastille. Pour les avoir tous entendus en live, aucun n'aurait pu chanter le rôle dans des conditions "normales", je pense que c'était vraiment une occasion spéciale pour chacun d'entre eux.
Au rang des belles découvertes, il y a la Brünnhilde de Cécile De Boever. La voix n'est peut être pas phonogénique, mais en salle c'est celle qui avait le plus d'impact et de projection, donc c'était assez impressionnant, elle passait l'orchestre sans problèmes. Il y avait certains défauts qu'on peut trouver chez les Brünnhilde grand format, mais globalement le timbre est assez beau, la diction correcte, et l'engagement certain.
En vrac aussi, superbe Fricka de Nora Petrocenko, Sieglinde de Jihye Son (j'adore ce timbre !), Siegfried de Jeff Martin, Alberich de Lionel Peintre, et j'en oublie...
Ivan Ludlow en Wotan, je ne sais pas trop quoi en penser, la voix est assez grise, prend du vibrato avec l'âge, mais c'est pourtant très maîtrisé et bien campé.
Au rang des déceptions, je crois qu'on peut mettre sans hésiter Marc Haffner pour son Siegmund un peu bourrin, la voix sombre et sans aigus, un vrai wagnérien mais sans les bons côtés. A peu près pareil avec le Loge de Fabrice Dalis, c'est dommage un bon ténor léger là dedans aurait pu être parfait.
Et puis il y a des curiosité comme Donatienne Michel-Dansac et Alexander Knop, respectivement Freia/Gutrune et Donner/Gunter, qui semblent avoir des très belles voix, mais qui ne parviennent même pas à passer l'orchestre réduit... Sans doute de très beaux chanteur de Lieder et mélodies.
Pour finir, la mise en scène bien sûr. Bon, en fait pas grand chose à en dire, c'est inintéressant et décoratif, assez moche parfois. Il y avait de quoi exploiter la théâtralité accrue de ce
Ring plus dense, mais non, c'est toujours ultra statique, on se croirait presque devant du Wieland Wagner (mal) modernisé.
Au final au beau projet, qui ne tient pas forcément toute ses promesses, mais qui valait tout de même le détour à mon avis, rien que pour l’expérience du
Ring en trois jours sans devoir aller à Bayreuth, et pour vivre Wagner dans une petite salle, sentir enfin son siège et tout son corps vibrer avec la contrebasse. En plus Wagner c'est merveilleux, quelque soit la manière dont c'est joué, alors pas de quoi bouder son plaisir.