Et bien? personne? Bon, alors je me lance...
Semele : 04/12/2011
Salle Pleyel, Paris
Semele : Cecilia Bartoli
Jupiter : Charles Workman
Juno : Hilary Summers
Athamas : Christophe Dumaux
Ino : Liliana Nikiteanu
Iris : Jaël Azzaretti
Cadmus/Somnus : Brundley Sherratt
English Voices
Orchestra La Scintilla an der Oper Zürich
Direction : Diego Fasolis
Bartoli à Paris, je n'allais pas rater ça !! Même si Haendel n'est pas ma tasse de thé, je m'étais précipité pour prendre une place, comme beaucoup de monde si on en juge par le taux de remplissage !
Un petit mot sur l’œuvre... De Haendel, je ne connais à peu près que Alcina, qui sans me passionner, me diverti pas mal si les interprètes sont engagés et assez impressionnants techniquement. Du coup, c'est la deuxième œuvre que je découvre et je reste assez mitigé. Sans les éclats flamboyants d'Alcina, l’œuvre reste trop marquée oratorio à mon goût, avec des ensembles qui n'ont rien de bien passionnants et des chœurs qui sonnent plus pour moi comme une chorale religieuse qu'un vrai chœur d'opéra. Bien sûr, quelques airs sont magnifiques, mais je n'ai pas été emporté par la construction. Certains passages ont été plutôt longuets alors que d'autres sont très chouettes !
Question orchestre, un beau son, avec de l'allant, des nuances... En bref, rien à redire de ma part. Idem pour les chœurs, qui de plus impressionnent pas leur union et leur volume malgré le faible effectif.
La distribution ici réunie est assez impressionnante. Déjà, la majorité jouent véritablement leurs rôles malgré la version de concert.
Brundley Sherratt reste très en retrait dans le rôle de Cadmus, mais impressionne en Somnus. La voix est ronde, caverneuse sans en être sinistre. A certains accents et par la longeur de souffle et de voix, j'ai pensé à Kurt Moll ou Gotlob Frick. Vraiment magnifique dans ce rôle assez court, mais bien plus gratifiant que Cadmus.
La légère déception pour mois est Liliana Nikiteanu. Elle montre une belle technique, un timbre assez rond et chaud. Mais malgré cela, je n'arrive pas à croire non seulement à son personnage, mais aussi à sa façon de négocier les passages les plus graves de sa partie. Sans totalement décevoir, elle reste un cran en dessous des autres chanteurs à mon goût.
Dans le très court rôle d'Iris, Jaël Azzaretti est splendide. Jouant à merveille son rôle, dansant presque sur scène, elle nous fait profiter de son timbre clair et superbe, avec sa technique supérieure. Déjà entendue il y a quelques mois, je l'ai vraiment découverte ici. Vraiment superbe !
Autre très belle découverte, Hilary Summers est assez épatante. Déjà, la voix de contralto est superbe. Ensuite, la composition de Juno tire vers le comique, mais avec un tel aplomb et sans vulgarité, qui fait qu'elle vole une partie de la soirée. Si la voix ne semble pas totalement libérée (on sent par moments la voix un peu étouffée), on peut admirer le timbre, la composition et l'impact vocale. Grande découverte et grand plaisir là aussi !
Christophe Dumaux chante Athamas. J'avais été impressionné dans Akhmatova par sa projection pour le type de voix, mais j'ai là été quelque peu déçu... Toute la première partie le montre assez terne, ne se libérant véritablement que dans les aigus. Par contre, le final le montrera magnifique avec un air enlevé avec brio et une voix ayant un certain impact. La voix en elle même reste magnifique.
En Jupiter, Charles Workman est vraiment splendide ! Après sa forte impression dans les deux rôles de Bayan et Finn de Ruslan et Ludmila au Bolshoï, il confirme vraiment l'artiste qu'il est. Bénéficiant d'un timbre très "anglais" si on peu dire (légèrement blanc, droit et un peu métallique), il se joue de la partition, donnant tous les sentiments du dieu. Au sommet de sa prestation, l'air "Where'er you walk" le montre en artiste complet, variant chaque couplet non seulement d'un point de vue notes, mais aussi du point de vue intensité. La dernière reprise par exemple est proposée avec une prise de risque maximum puisqu'il la chante de manière très allégée tout en conservant son timbre intact. Alors on passera sur les quelques accros lors des prises de notes, pour saluer un immense ténor qui ne m'avait pas encore totalement convaincu !
Enfin, Cecilia Bartoli... Elle était la cause principale de ma venue. Et au final, elle le méritait. Sa technique est toujours aussi impressionnante et montre bien que le studio ne trompe pas. Son grand air plein de coquetterie est proposé avec des risques et une intelligence rare. Allégeant, piquant, trillant, le tout avec des trouvailles superbes composant du coup une Semele capricieuse et vaniteuse, mais aussi jeune et belle. Vraiment ce plan là est à saluer. Légère déception par contre du point de vue de l'impact de la voix. Oscillant principalement entre piano et mezzo-forte, on n'entend que très très rarement une note qui dépasse ce niveau. Lors de la rage contre Jupiter, on ne croit pas aux sentiments, car la voix reste en quelque sorte bloquée et n'explose pas. Par contre, du point de vu étendue vocale, Bartoli reste impressionnante. Donc vraiment très intéressant, mais ce manque d'impact est dommage. Si elle roucoule de manière remarquable (le terme n'est pas du tout péjoratif!), il lui manque maintenant cette fureur. Après, on pourra aussi prendre en compte cette accoustique qui peut être très difficile pour certaines voix (Workman passait magnifiquement, mais Dumaux non...)
Au final, ce sont plus les chanteurs en eux-même qui m'ont fait passer une bonne soirée. Je reste toujours aussi sceptique face à Haendel...
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Les Carnets d'Erik, le retour!