Opéra-Comique : Le Roi d'Ys - Davin (25/03/2013)

Le Roi d'Ys : 25/03/2013


Opéra-Comique, Paris

Margared : Sophie Koch
Rozenn : Julianna Di Giacomo
Mylio : Sébastien Guèze
Le Roi d'Ys : Nicolas Cavallier
Karnac : Franck Ferrari
Jahel : Frédéric Goncalves
Saint-Corentin : Nika Guliashvili

Direction Musicale : Patrick Davin

Choeur de l'Opéra National Montpellier Languedoc-Roussillon
Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon


Le Roi d'Ys a été une des découvertes majeurs que j'ai faite il y a quelques années... c'était avec l'enregistrement studio de Cluytens. Écoutée de nombreuses fois, cette version est restée pour moi LA version, par rapport auxquelles toutes les autres se placent. Il y a bien eu l'enregistrement des représentations de Toulouse que j'écoute régulièrement, mais c'est toujours pour revenir à la version Cluytens et sa distribution de feu !! Du coup, ce soir à l'écoute du concert, j'ai malheureusement trop souvent comparé... et donc pas totalement profité de ma soirée. Pourtant, la prestation était vraiment très bonne !

L'orchestre dirigé par Patrick Davin montre toute la force de l'orchestre de Lalo. Si lors de l'ouverture, j'ai quelque peu tiqué sur certaines mollesses ou des attaques un peu imprécises. Mais au final, l'orchestre est très engagé, avec des cordes par exemple vraiment superbes et puissantes. L'orchestre donne toute sa puissance à la partition, avec vigueur et émotions. Vraiment une belle direction, qui demanderait peut-être juste un peu plus de tension à certains moments. Mais bon, ne chipotons pas !

Frédéric Goncalves en Jahel fait bien son boulot. Voix claire et belle diction.
Nika Guliashvili propose une voix impressionnante en Saint-Corentin, mais manque quand même de magnétisme pour cette apparition surnaturelle. Le montrer sur scène n'aide pas faut dire ! Ils auraient peu le faire chanter loin vu la projection...
Le Roi de Nicolas Cavallier est comme une évidence. La voix est à son aise à la fois dans le style et dans la tessiture. Ce Roi est presque un peu trop jeune, mais quelle stature !
En Karnac, Franck Ferrari nous refait la même prestation qu'à Toulouse il y a quelques années. La voix est très sombre, menaçante... mais la puissance est vraiment limitée, toujours avec ses aigus serrés qui ne sortent pas. Du coup, toutes les intentions tombent à l'eau et enlèvent la méchanceté au personnage. On est loin de ce que peut donner un Borthayre par exemple, qui lui possède la même noirceur mais avec cette morgue et des aigus éclatants !
Face à lui Sophie Koch possède bien le rôle inhumain à chanter qu'est Margared ! La voix est un peu poussée dans ses retranchements avec la tension qu'elle demande, avec des graves qui ne sont pas le point fort de la chanteuse... Mais à côté de ça, les aigus sont puissants et bien lancés. Alors qu'est-ce qui fait qu'il manque un petit quelque chose ? Tout simplement cette aisance souveraine qui se dégage de Rita Gorr. Cette noblesse et cette fierté qu'on entend dès les premiers mots. Ici, nous avons une Margared presque trop humaine à mon goût. Habitué à une personnalité beaucoup plus forte, je reste un peu sur ma faim avec cette vision plus humaine de la princesse. Mais ça reste quand même une prestation qui force le respect !
Annoncé malade, Sébastien Guèze se montre tout de même en bonne forme pour assurer la soirée. Le chanteur est toujours aussi sincère mais le timbre aussi ingrat et le manque de poésie pattant. Alors une mauvaise prestation ? Non... car avec ses moyens qui ne sont plus tout à fait aptes à rendre totalement justice au rôle (plus léger et poétique), il montre tout de même un Mylio aimant, brave et jeune. Bien sûr, Ismael Jordi qui était annoncé aurait donné une prestation géniale si on se réfère à ses prestations dans le Roméo et Juliette de Gounod par exemple.
Enfin, la grande inconnue de la soirée... Julianna Di Giacomo. A la lecture des rôles qu'elle a chanté (Norma, Leonora, Mathilde, Madame Lidoine...) on pouvait craindre une voix large... trop large pour Rozenn. Grande et belle surprise en découvrant un timbre frais sur une voix puissante. Elcairé d'un vibrato léger, sa voix se déploie avec aisance et délicatesse. Superbe technique qui lui permet de donner une vie et un frémissement bienvenu à Rozenn. Elle peut de plus luter à armes égales avec sa sœur. Loin d'une Rozenn fragile que pouvait nous montrer Janine Micheau, c'est une femme plus accomplie.

Avec donc des personnages plus vivants et moins "extrêmes", la distribution donne à entendre une œuvre sans doute moins héroïque que ce que j'ai l'habitude d'entendre. Mais du coup, je perds un peu de cette grandeur qui explose dans la version de Cluytens et qui me plait tant, cette vision presque wagnérienne qui lorgne vers Lohengrin.

En tout cas, un vrai plaisir d'entendre cette œuvre en vrai. Dommage que ce ne soit que dans une version de concert. On peut espérer qu'un jour l’œuvre retrouvera les planches scéniques de Paris. Après la très belle production de Toulouse, on peut espérer un jour que le Roi d'Ys revienne en grâce ! Et puis la belle découverte de Julianna Di Giacomo...

Aux saluts, on notera les huées pour Guèze qui me semblent assez déplacée. Bien sûr, ce n'est pas Vanzo (j'ai entendu des anciens dire : "J'ai entendu Mesplé et Vanzo moi!") mais après, sa prestation n'avait rien de mauvais ou de mal faite. Il fait avec sa voix et son timbre. On est loin de certains de ses excès ce soir.
Ovation bien sûr pour les deux femmes !

Beh tout le monde était allé voir un sempiternel Siegfried?


Et après, tout le monde va se plaindre que les programmations manquent d'imagination... on donne un opéra rarement joué à l'Opéra-Comique pour une soirée... et personne ou presque...
Savez pas ce que vous perdez! na!


(heureusement qu'on croise de gentilles personnes pour en parler sur place! )

Polyeucte a écrit:

(heureusement qu'on croise de gentilles personnes pour en parler sur place! )

Ah bon, il y avait des gens sympas à part toi ?

En tout cas, j'étais là moi aussi. D'accord avec Polyeucte sauf sur les réserves : à l'exception de Guèze (mais très correct, le rôle n'étant pas difficile et son refroidissement limitant les débraillements) et du choeur (un peu gris, peu intelligible, et même assez hululant du côté des femmes), tout était remarquable, pour ne pas dire superlatif.

A commencer par l'orchestre, engagé dans chaque note (j'ai trouvé au contraire l'ouverture, pourtant un simple pot-pourri, complètement exaltante). Je n'entends pas ce degré d'investissement chez les supposés grands orchestres, et le style était magnifique (sans parler des solos de clarinette affolants).

D'accord sur Ferrari, sauf que pour moi cela ne ruine pas du tout l'incarnation, même si le contraste entre l'émission "méchante" et la projection minuscule est effectivement étrange.

Même chose pour Koch, d'accord sur les points positifs, mais je ne vois pas de réserve à faire (alors même qu'une voix très couverte, lisse, homogène, sombre n'est a priori pas ce qui me séduit d'emblée).

En plus, malgré un livret aux déroulements un peu juxtaposés, la proportion de l'oeuvre est idéale pour être suivi sans frustrations ni longueurs. Et de la très belle musique, mais ce n'est pas une nouveauté.


, en somme.

DavidLeMarrec a écrit:

Ah bon, il y avait des gens sympas à part toi ?

J'en ai croisé une!

Citation :

En tout cas, j'étais là moi aussi. D'accord avec Polyeucte sauf sur les réserves : à l'exception de Guèze (mais très correct, le rôle n'étant pas difficile et son refroidissement limitant les débraillements) et du choeur (un peu gris, peu intelligible, et même assez hululant du côté des femmes), tout était remarquable, pour ne pas dire superlatif.

Ah oui, c'est vrai que les choeurs n'étaient pas parfaits... mais bon...

Citation :

En plus, malgré un livret aux déroulements un peu juxtaposés, la proportion de l'oeuvre est idéale pour être suivi sans frustrations ni longueurs. Et de la très belle musique, mais ce n'est pas une nouveauté.

Oui, c'est vraiment bien fait comme oeuvre... ça avance, sans temps mort, avec de beaux contrastes (personnellement, j'adore l'enchaînement des noces et du duo maléfique...)

Citation :

, en somme.

Oui!