J'y reviens plus longuement.
- côté mise en scène : Serban a été très inspiré par l'ultime chef d'oeuvre de Puccini; ça vit, ça bouge et ça danse de tous les côtés. D'autre part il utilise judicieusement le corps de ballet qui intègre avec la rigueur qui le caractérise quelques pas de Tai Chi Quan. Les costumes et les décors plongent le public dans une Chine intemporelle
- sur le plateau vocal : Lise Lindstrom campe une Turandot glaciale, cruelle impitoyable; la princesse déstabilisée par la victoire de Calaf qui résoud les trois énigmes qu'elle lui pose, perd toute assurance et, inconsciemment s'ouvre à l'amour. Dès l'air d'entrée du second acte "In questa reggia", Lise Lindstrom donne le la, chantant avec fermeté et une parfaite maitrise de son instrument. La soprano américaine connait parfaitement le rôle, qu'elle ballade depuis des années sur les plus grandes scènes lyriques internationales, et fait passer la princesse par des sentiments contradictoires très forts passant de la haine de tous les hommes à la peur d'un seul et de l'espoir à l'amour. A aucun moment Lise Lindstrom ne donne l'impression de forcer; elle se glisse dans la peau de Turandot telle l'athlète dans le fleuve au moment de la compétition. Face à Lindstrom, se trouve le Calaf du ténor italien Marco Berti. L'artiste montre un Calaf à la fois humain, soulagé de revoir son père vivant alors qu'il le croyait mort, et déterminé, malgré le danger et les supplications de chacun il frappe le gong fatal sans la moindre hésitation. La voix de Berti colle parfaitement au personnage; les deux airs du jeune prince "Non piangere Liu" et "Nessun Dorma" sont chantés avec fermeté. Le ténor italien fait sien un personnage complexe qui a déjà beaucoup souffert du fait du coup d'état qui l'a poussé à l'exil et séparé de son père et de l'esclave Liu qui sert de guide au vieillard aveugle. La bonne surprise de la soirée vient de Eri Nakamura qui incarne une Liu émouvante, forte à la fois et fragile; la soprano japonaise chante son premier air "Ascolta signore" avec simplicité et pendant toute la suite de la soirée elle confirme la superbe performance du premier acte. Raymond Aceto, invité régulièrement invité au Royal Opera House, est un Timur de luxe et les trois comprimari Ping, Pang et Pong séduisent par leur énergie et leur talent de comédiens.
- La fosse : le prestigieux orchestre du Royal Opera House est dirigé par Henrik Nanasi. Le jeune chef hongrois prend l'ultime partition de Puccini à son compte et dirige la phalange avec une énergie débordante, sans pour autant tomber dans l'excès. la superbe performance du chef lui vaut d'ailleurs une ovation grandement méritée.