TCE-Mulhouse - Massenet : Cléopâtre (Plasson, Novembre 2014)

Bonjour,

j'aimerais savoir s'il existe une règle générale lors d'une version concert d'un opéra : je comprends bien qu'il n'y a ni décor ni jeu théâtral, mais l'opéra est-il joué en intégralité, ou est-il amputé de quelques scènes ou récitatifs pour être plus court ?

peut-être même quelqu'un a-t-il assisté ces jours-ci à Cléopâtre de Jules Massenet par Michel Plasson pour en dire davantage ?

Merci.

Bonjour,

Cléopâtre, c'est pas encore passé : http://www.theatrechampselysees.fr/opera/opera-en-concert-oratorio/cleopatre

Pour ce qui est des versions de concert, c'est normalement la version complète, sauf mention contraire.
Après il arrive après qu'on ait des mauvaises surprises avec uniquement des extraits, mais c'est très très rare.

Après, on peut aussi avoir de très bonnes surprises avec une version de concert qui est finalement très visuelle! En fin de saison dernière, il y a eu un Orfeo de Monteverdi à Pleyel où en fait on avait bien une mise en scène même si il était indiqué "version de concert" : c'était en fait une mise en espace très poussée qui arrivait au niveau d'une bonne mise en scène.

Donc en général, pas de coupure particulière de scènes ou de récitatif.
Et quelques fois il y a un peu de jeu scénique...

Ok merci pour cette réponse complète.

J'avais vu pour la représentation au théâtre parisien, et comme j'y vais à Mulhouse 3 jours avant, je me disais qu'il y avait peut-être déjà eu d'autres représentations.

Choeur, chef, rôles principaux, sont de très haut niveau, me voilà bien impatient

Oui, tout est très prometteur.

Pour la version de concert, vu que l'œuvre est rare (et qu'il n'y a pas cette tradition de la mise en espace comme chez certains ensembles baroques), ce sera vraisemblablement derrière les pupitres… mais ce peut être tout aussi exaltant qu'une mise en scène, si c'est chanté avec intensité !

L'oeuvre est très rare et on se demande bien pourquoi : je l'ai écoutée hier, apparemment la seule version enregistrée, avec Montserrat Caballé, en public (2002 ou 2004) : au début tout le monde se cherche un peu, c'est même un peu faux, mais rapidement cela devient tout-à-fait passionnant musicalement

Euh... écoute la version enregistré à St Etienne si tu la trouves.... c'est d'un tout autre calibre que Caballé et consort quand même!!
http://www.amazon.fr/Cleopatre-Jules-Massenet/dp/B000001SPD

Le soucis est que c'est assez introuvable

J'ai donc bien fait de dire "passionnant ... musicalement".

Je reconnais cette pochette, mais ma source est Qobuz et ce disque n'y est pas. Va falloir attendre Michel Plasson en personne. D'ailleurs très heureux que ce soit lui, j'écoute ses disques depuis longtemps. De Massenet, le Don Quichotte, mais il y en a tant d'autres.

Cela a été donné juin 2013 à Marseille avec BUM dans une assez belle mise en scène (mieux que celle, distancée, de Saint Etienne à la re-création)

Jean-François Lapointe y était un trés bon Marc Antoine et BUM de mieux en mieux au fil de l'ouvrage sans égaler toutefois la noblesse de jeu et du chant de K. Harries lors du revival du festival Massenet.

Le duo et l'air d'agonie à la fin de l'ouvrage atteignent le sublime.

L'air du poison, le grand monologue de Marc A et le prélude verdien de l'acte 3 sont pas mal non plus !...

L'oeuvre a quand meme une réputation assez médiocre - au moins si j'en juge par ce qu'écrit Kaminski à son sujet - je ne l'ai pas inclue dans mon abonnement au TCE.

 Montfort

Tu te fies à ce qu'écrit quelqu'un d'autre? Et à quoi te servent tes oreilles alors? Perso si j'avais dû suivre aveuglément certains critiques je n'aurais pas vu beaucoup de concerts ou d'opéras

calbo a écrit:

Tu te fies à ce qu'écrit quelqu'un d'autre? Et à quoi te servent tes oreilles alors? Perso si j'avais dû suivre aveuglément certains critiques je n'aurais pas vu beaucoup de concerts ou d'opéras

Cela dépend du "quelqu'un d'autre".... A l'expérience les jugements du Kaminski sur les œuvres sont souvent justifiés.

 Montfort

Mouais pourquoi pas. En l'occurrence si j'étais parisienne je pense que j'irais quand même y faire un tour ne fusse que pour me faire ma propre opinion

Montfort a écrit:

L'oeuvre a quand meme une réputation assez médiocre - au moins si j'en juge par ce qu'écrit Kaminski à son sujet - je ne l'ai pas inclue dans mon abonnement au TCE.

 Montfort

"Au village sans prétention, j'ai mauvaise réputation [...] Je ne fais pourtant de tort à personne", comme disait Brassens !
Se méfier de la réputation ; l'oeuvre vaut mieux que celle qu'on lui a faite, je trouve et les représentations de Marseille l'ont amplement prouvé.
Moyennant les voix "suffisantes" ; mais je ne connais pas tellement d'oeuvres qui supportent d'être traitées médiocrement, de toute façon.

calbo a écrit:

Mouais pourquoi pas. En l'occurrence si j'étais parisienne je pense que j'irais quand même y faire un tour ne fusse que pour me faire ma propre opinion

 J'ai un frère qui va à l'opéra ou au concert 3 à 4 fois par semaine - moi je me limite à 25 / 30 spectacles dans l'année..
 Donc j'essaie d’être un peu sélectif.
 Autrement je viens de trouver sur internet des extraits de cette oeuvre, notamment une version de concert au Liceu avec Montsy, et aussi "J'ai versé le poison" par Fleming - évidemment ce sont des extraits, mais ça me conforte dans mon jugement : de la musique sirupeuse et barbante.

  Montfort

Aurèle sors de ce corps . Montfort, quand même des extraits avec une artistes dont nous savons tous que son GROS point faible est la diction . Tu m'as habituée à mieux mon petit

Montfort a écrit:

 Autrement je viens de trouver sur internet des extraits de cette oeuvre, notamment une version de concert au Liceu avec Montsy, et aussi "J'ai versé le poison" par Fleming - évidemment ce sont des extraits, mais ça me conforte dans mon jugement : de la musique sirupeuse et barbante.

  Montfort

Si tu arrives à mettre la main sur la version de l'air du poison qui associe Kozena & Minkowski, tu verras que ça n'a pas grand-chose à voir (fond et forme). Sur YT circulent aussi des extraits de la production de Marseille, justement ; sans parler des grands anciens (Marcoux ).
Et si tu veux pousser (un peu) plus loin la documentation : http://www.forumopera.com/actu/autour-de-thais-massenet-et-lantiquite & http://www.forumopera.com/actu/lucy-arbell-la-legataire-contrariee .

calbo a écrit:

Aurèle sors de ce corps . Montfort, quand même des extraits avec une artistes dont nous savons tous que son GROS point faible est la diction . Tu m'as habituée à mieux mon petit

 Je ne crois pas que la diction française de Fleming - qui souvent excelle dans Massenet - puisse etre invoquée - non le sujet, c'est l'absence d'invention mélodique, l'absence d’arête.

  Montfort

Ouais enfin quand même elle sert souvent de la bouillie en français . Le fait est que je me demande si tu ne cherches pas tous les prétextes possibles pour ne pas aller voir cette Cléopâtre

Montfort a écrit:

  évidemment ce sont des extraits, mais ça me conforte dans mon jugement : de la musique sirupeuse et barbante.

  Montfort

c'est ça! peut-être le chef d'oeuvre de Massenet, l'ultime en tout cas...
Selon Debussy "Massenet a compris le vrai rôle de l'art musical, la musique doit humblement chercher à faire plaisir." Mary Garden a d'ailleurs créé le rôle à Chicago.

calbo a écrit:

Ouais enfin quand même elle sert souvent de la bouillie en français . Le fait est que je me demande si tu ne cherches pas tous les prétextes possibles pour ne pas aller voir cette Cléopâtre

 Pourquoi des prétextes ??
Je vais à un nombre significatif de spectacles, pour lesquels je fais systématiquement un C R sur ce forum - ce qui par parenthèse ne semble pas etre le cas de certains donneurs de leçons - j'ai le droit d’être sélectif - à propos, Calbo, toi, évidemment, tu vas aller voir cette tant vantée Cléopâtre ??

 Montfort

Parce que je ne vois qu'un certain nombre de fausses raisons. Après personne n'a dit que tu n'étais pas actif, ça serait un reproche tout à fait injustifié - voire même inutilement méchant, mais cette Cléopâtre me semble mériter un meilleur sort que celui que tu lui réserves.

Cléopâtre
Jules Massenet

Opéra en quatre actes (1914)
Livret de Louis Payen

Michel Plasson direction
Sophie Koch Cléopâtre
Frédéric Goncalves Marc-Antoine
Cassandre Berthon Octavie
Olivia Doray Charmion
Benjamin Bernheim Spakos
Pierre-Yves Binard Ennius
Jean-Gabriel Saint Martin Sévérus, Amnhès, une voix
Yuri Kissin L’esclave de la porte, un esclave
Orchestre Symphonique de Mulhouse
Chœur de l’Orchestre de Paris

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Ce n'est plus la distribution d'origine : Ludovic Tézier, Stanislas de Barbeyrac et Aurianne Orinel ont été remplacés. Ca donne une affiche nettement moins prestigieuse.

J'y serai donc, je pense que les quelques mais néanmoins éminents amateurs de Massenet qui hantent ces lieux seront aussi de la partie.

A-t-on déjà dit des choses dans le forum sur l'oeuvre ?

Présent!

Sur l'oeuvre on en a forcément parlé dans les sujets généraux et discographiques du forum.
si c'est bien monté ça peut être passionnant je trouve...

Oui, le TCE annonçait le « remplacement de Tézier par Goncalves dans le rôle-titre de Marc-Antoine ».

Ça a été joué à Londres il y a quelques jours, je crois… Bernheim qui remplace Barbeyrac a été très bien accueilli. Quant à Goncalves, c'est plutôt une bonne nouvelle par rapport à Tézier pour moi (qui n'en était déjà pas une mauvaise) : très bon diseur et voix bien faite. Je suis très content de le réentendre (alors que Tézier est plus moelleux et réservé).

Donc ce n'est pas forcément pour le pire, même s'ils sont sensiblement moins célèbres.


Bien qu'il y ait le même soir Como una ola de Nono, Pierrot par Haller et l'Interco et Naïs de Rameau, j'ai choisi d'aller à Cléopâtre.

J'y serais itou. J'aurais ainsi vu cette Cléopâtre plus que la Traviata

Cléopâtre : 18/11/2014


Théâtre des Champs Elysées, Paris

Cléopâtre : Sophie Koch
Marc-Antoine : Frédéric Goncalves
Octavie : Cassandre Berthon
Charmion : Olivia Doray
Spakos : Benjamin Bernheim
Ennius : Pierre-Yves Binard
Sévérus, Amnhès, une voix : Jean-Gabriel Saint Martin
L'esclave de la porte, un esclave : Yuri Kissin

Orchestre Symphonique de Mulhouse
Chœur de l’Orchestre de Paris

Direction : Michel Plasson



Depuis 2009, l'association Coline Opéra (pour la protection et l'aide aux enfants) propose des concerts de plus en plus osés en termes de répertoire… si les premières saisons proposaient des récitals, nous avons eu en mars 2013 Le Roi d'Ys, en avril 2014 des rumeurs parlaient d'un Robert le Diable (transformé en récital Massis/Spyres), et en ce mois de novembre 2014, c'est Cléopâtre de Massenet. Cette impulsion est sûrement en partie due à la présence de Sophie Koch dans l'association puisque pour le Roi d'Ys et Cléopâtre, la mezzo avait fait sa prise de rôles quelques années avant le concert dans chacune des œuvres. Mais tout de même, quelle belle curiosité qui nous évite le gala grand public! Et au final en plus le public justement répond présent puisque le TCE était très rempli pour Cléopâtre!

Œuvre étrange, cette œuvre posthume est l'une des dernières compositions lyriques de Massenet. En effet, il termine la composition en 1912 (la même année que Panurge et Roma) mais ne verra pas la création. En effet, si le rôle était à l'origine prévu pour Lucie Arbell (qui chanta les grands rôles de mezzo-dramatique), c'est finalement la soprano Maria Kuznetsova qui sera la première Cléopâtre suite à de nombreuses modifications dans la partition pour adapter la tessiture. La version donnée actuellement semble véritablement être la première version puisque c'est toujours à de grands mezzos que le rôle-titre est proposé de nos jours.

La partition étonne quand on a l'habitude des douceurs de Massenet car ici beaucoup de passages frappent par un côté rude et violent, avec des alliages de timbres et assez surprenants et originaux. Les rythmes sont souvent fortement marqués alors que d'autres passages montrent la sensualité habituelle de Massenet. Les personnages sont campés à grands traits, seule Cléopâtre se voit dotée d'une véritable profondeur là où Marc-Antoine est plutôt un pantin et Spakos un jaloux possessif. Mais malgré ce petit manque de fini dans une partition qui n'a peut-être pas été totalement terminée par Massenet, l'œuvre a quelque chose de fascinante par sa débauche de couleurs, de textures, d'ambiances… grande fresque qui préfigure en quelque sorte les grandes productions de péplum, elle marque grandement les esprits.

Maitre d'œuvre de la soirée, Michel Plasson fait forte impression. Si son Werther parisien était d'une lenteur magnifique, si son Faust à Oranges manquait un peu de tension… ici la partition claque, vit, se languit… beaucoup de nuances dans un orchestre très sollicité. Le chef ne ménage pas les instrumentistes en faisant claquer l'orchestre ou en ralentissant d'autres moments pour un fondu parfait. Les différentes mélodies se croisent, se développent, les thèmes sont bien mis en avant… un superbe travail pour mettre en valeur une partition assez complexe. L'orchestre de Mulhouse fait un très beau travail, jamais pris en défaut par les demandes de Massenet. A noter la participation du chœur de l'Opéra de Paris, lui aussi très à son affaire ici (que de chemin parcouru quand même!!).

Et puis la distribution… rien à dire sur les petits rôles qui sont tenus honorablement. Olivia Doray en Charmion se signale par un beau timbre frai et léger, et contraste du coup fortement avec l'Octavie de Cassandre Berthon. La soprano semble en difficulté sur ce rôle qui montre avant tout des duretés et un vibrato qui a tendance à s'élargir à certains moments… après la femme blessée et fière est très bien dessinée, mais l'instrument manque un peu de finesse et d'aisance.

L'une des révélations de la soirée est le Spakos de Benjamin Bernheim… remplaçant Stanislas de Barbeyrac initialement prévu, il offre à ce personnage une belle profondeur en variant son émission, en usant de couleurs suaves ou violentes. La diction est parfaite, le timbre superbe et la technique impressionnante… la passion peut du coup s'exprimer sans que le chant ne soit déformé, et les moments délicats sont magistralement rendus. Une telle performance est à saluer et le personnage de Spakos devient du coup l'un des personnages principaux de l'histoire par sa forte présence musicale.

Autre changement, Ludovic Tézier est remplacé par Frédéric Goncalves. Tézier avait chanté le rôle à Salzbourg il y a quelques années aux côtés de Sophie Koch, et la déception a été grande à l'annonce de cette annulation. Mais après avoir entendu Frédéric Goncalves, on se dit que finalement, cela permet d'entendre un autre Marc-Antoine très différent de Tézier. La voix est moins ronde, plus claire mais aussi du coup plus articulée. Là où Tézier propose un chant soyeux qui manque parfois un peu d'angles, Goncalves lui tranche et s'impose par une façon très "à l'ancienne" de chanter : la voix est haute, la diction parfaite… quelques temps de plus pour préparer le rôle aurait sans doute affirmé les nuances, mais l'art du chant permet déjà de rendre justice aux intentions du compositeur de très belle manière. Un grand triomphe pour ce chanteur plutôt habitué aux seconds rôles (il devait justement tenir un second rôle dans cette production!).

Et puis Sophie Koch… On va commencer par le léger souci déjà entendu à Salzbourg : le grave manque d'assise pour ce rôle très bas pour elle… Du coup certains passages sont peu sonores ou plus déclamés que chantés. Mais une fois ceci dit, la prestation impressionne par la rondeur et la chaleur du timbre. Cléopâtre se doit d'être sensuelle, attirante. Et le chant de Sophie Koch apporte tout cela dans les moments clés, sans oublier de dire son texte en évitant d'en faire une bouillie informe. Sa Cléopâtre manque peut-être un peu de sous-entendu puisqu'on la pense amoureuse immédiatement, mais le dernier acte la voix totalement bouleversante dans ses doutes et son réel amour pour Marc Antoine. Le charisme de la chanteuse et sa voix plus stable que certaines fois nous donnent une superbe Cléopâtre.

100 ans après sa création, Cléopâtre est donnée à Paris… et même si c'est en version de concert, l'engagement et la qualité de la réalisation a fait vivre un grand moment aux spectateurs du Théâtre des Champs Elysées… Merci à eux et merci à Massenet.

Diffusion sur France Musique le 29 novembre à 19h
http://www.francemusique.fr/emission/samedi-soir-l-opera/2014-2015/cleopatre-de-jules-massenet-11-29-2014-12-17

(comme de par hasard, je suis pas chez moi ce soir là )