DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Svetlanov, Youssoupov, Chostakovitch — Repin, OPRF, Kuokman Sam 27 Sep 2014 - 11:46 | |
| À Pleyel. Personne d'autre de présent ?
Il faut dire que je n'ai jamais vu Pleyel aussi vide : personne au second balcon, et pas grand monde au parterre.
¶ La musique de Svetlanov est généralement d'un postromantisme teinté de modernisme, très agréable et bien faite… mais dans cette Rhapsodie n°2, il se contente de ressasser un thème hébraïque à n'en plus finir, le faisant soigneusement passer d'un pupitre à l'autre, quasiment dans l'ordre, avant de finir par un prévisible tutti — comme un pastiche laborieux de Shéhérazade en mode Boléro. Pas passionnant.
¶ Le concerto pour violon de Youssoupov, commande de Repin pour le festival transsibérien de novossibirsk, part d'un concept… et reste un concept. Chaque mouvement introduit un type de musique du monde (chanson cyclique russe, musique irlandaise, raga, concert tzigane, jazz, postromantisme), accompagné par un orchestre qui reste fait de larges aplats beaucoup plus contemporains. Ce n'est pas moche, mais la variété des styles abordés conduit plutôt à produire des stéréotypes pour chacun : certes, on récole de jolies imitations de sitar, mais on trouve infiniment mieux chez les spécialistes comme musique irlandaise ou comme jazz symphonique. Ce serait très plaisant si ça ne durait pas 40 minutes, ce qui est déjà long dans l'absolu – et, faute de profondeur, peut devenir légèrement pénible. Repin se fond remarquablement dans chaque style avec un son très projeté, malgré ce timbre « tiré » caractéristique ; le moins qu'on puisse dire est que l'écriture de ce concerto ne met pas sa virtuosité en danger.
¶ La Cinquième Symphonie de Chostakovitch permettait de vérifier ce que je percevais déjà dans la première partie de Lio Kuokman, lauréat du concours Svetlanov en juin. Quelle ironie d'attribuer ce prix à un chef à la fois raide et un peu mou… certes, la gestique est claire (sans être expressive pour autant), mais il ne se passe à peu près rien. J'espérais beaucoup de Philharmonique de Radio-France, dont les cordes devaient faire merveille, en particulier dans le largo (très beau en effet) ; pourtant rien ne s'est vraiment produit : j'entendais un orchestre virtuose qui s'engageait, sans pour autant qu'une atmosphère spécifique se dégage de cette enveloppe un peu molle. À mon avis, vraiment un problème de chef.
A propos de cette Cinquième, je reste fasciné par le décalage entre le principe de la musique soviétique et sa réalité concrète : quel homme du peuple peut adhérer à ces abstractions ? En plus, quel que soit le compositeur, même les plus officiels comme Khrennikov, les harmonies sont toujours « déceptives », empruntant soudainement des notes étrangères (donc très déstabilisant pour l'auditeur ingénu), et surtout la tonalité générale complètement déprimée. D'une certaine façon, le dodécaphonisme intellectuel petit-bourgeois décadent est bien plus hédoniste et détaché de la culture des élites — alors que chez les grands compositeurs soviétiques, on est sans cesse dans la subversion mélodique, rythmique, harmonique, de formes savantes du passé. |
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