Berlioz – Roméo et Juliette : 17/03/2015
Grande Salle de la Philharmonie de Paris
Isabelle Druet, mezzo-soprano
Jean-François Borras, ténor
Jérôme Varnier, basse
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Chœur Aedes
Mathieu Romano, chef de chœur
La vraie découverte de cette œuvre pour moi, c'était la saison précédente à Pleyel, où Gergiev nous avait proposé deux concerts Berlioz avec le London Symphony Orchestra... Autant dire que la différence est impressionnante entre les deux formations et les deux chefs... ainsi que chez les solistes et chœurs bien sûr (Olga Borodina et Evgeny Nikitin par exemple avec Gergiev!). Néanmoins j'avais été saisi par la beauté de cette œuvre, alternant avec bonheur les moments les plus variés, depuis la délicatesse des strophes de mezzo-soprano jusqu'à la puissance du serment final, avec entre ces deux passages une grande variété orchestrale qui présente à la fois le romantisme pur de la scène d'amour et la finesse du Scherzo de Maab.
Dès les premières notes de l'orchestre, on entend déjà une grande différence car Les Siècles jouent sur instrument d'époque. Du coup, les cordes sonnent plus rondes, plus vibrantes mais sans vibrato. Le son en devient plus humain, plus chaud pour ce début. Par la suite, toutes la palette va se dérouler pour des cordes splendides, aussi à l'aise dans la rondeur des grands emportements lyriques que dans la finesse froide de Maab. Et l'avantage des instruments d'époque est que pour les cuivres et les percussions, on entend là aussi des sons moins agressifs et plus fondus dans l'orchestre. Du coup, l'orchestre semble moins uniforme, beaucoup plus versatile et mobile.
Il faut dire aussi que le chef s'impose comme un berliozien magnifique! François-Xavier Roth a dirigé cet été La Damnation de Faust au Festival Berlioz (avec "juste" Antonacci, Spyres et Courjal!!) et si sa qualité de direction était du même niveau, on avait là la version parfaite! Car tout au long de ce Roméo et Juliette, le chef porte énormément d'attention aux détails, cherchant à mettre en avant les subtilités de la partition et tout ce qui créé des atmosphères différentes en fonction des parties. Le Scherzo de Maab est vraiment sidérant à ce niveau tant les textures sont fines et recherchées... alors que d'autres passages plus lyriques sonnent avec la largeur souhaitée. Il joue d'un orchestre très habile, mais aussi le mène avec beaucoup d'inventivité et de sensibilité.
Le chœur apparait à différents moments et voit son effectif croître au fil de la représentation. Ainsi, le Prologue nous les montre une quinzaine au grand maximum... et l'Ensemble Aedes se montre comme toujours en tous points exemplaire, d'une netteté impressionnante et d'une grande beauté. Chœur à l'antique par excellence, ce passage est magnifié par ces quelques chanteurs présentés en avant-scène, encadrant les solistes. Par la suite donc le chœur s’amplifie pour le cortège funèbre mais il conserve cette clarté et une retenue superbe pour cette déploration. Enfin, le final voit le chœur doubler et se séparer de chaque côté de la scène pour l'affrontement des deux familles, magnifique alliage de deux mélodies où aucun des groupe ne surpasse l'autre... pour enfin se fondre dans un final splendide. Comme toujours l'Ensemble Aedes (qui devient le chœur vu le nombre de chanteurs!) est parfait!
Le choix des chanteurs est particulièrement différent de ce qu'avait choisi Gergiev! On passera vite sur Jean-François Borras qui semble bien mal à l'aise dans son intervention... la voix sonne peu et la position du chanteur le nez dans sa partition n'aide pas le son à monter au deuxième balcon.
Par contre, Isabelle Druet impressionne dès les premières notes. Loin de la rondeur de timbre d'une Borodina, Isabelle Druet impose une présence noble et presque austère. Le timbre est plus sec et moins sonore, mais la précision de la diction fait beaucoup d'effet et le texte est superbement dit. La présence se fait moins amoureuse, mais plus grandiose.
Enfin Jérôme Varnier clôt la soirée de belle manière. Si le volume semble un peu limité surtout en début de son intervention (mais il semble malade), l'impact de la voix reste toujours aussi impressionnant : le timbre majestueux, noble et sombre pose immédiatement la sagesse du personnage. La diction est tout aussi superbe... Dans une autre salle, la voix passerait sûrement mieux, mais malgré ces limites, l'intervention impressionne et marque.
Au final, la partition se révèle sous un autre jour à mes oreilles, moins immédiatement séductrice, et plus sévère par certains côtés. En tout cas, l'ensemble formé par tous les musiciens présents a donné naissance à une soirée splendide, pleine de vie et d'émotions.
Beaucoup de micros, donc le concert sera sûrement disponible sur le site de la Philharmonie.
Sinon, il est rare que je trouve l'organisation d'un orchestre "beau"… mais là, c'était le cas. Voir ces 4 harpes en devant de scène, délimitant le chœur du prologue et derrière l'orchestre se déployer sur cette grande scène, c'était déjà une superbe image!