Représentation du 31 XII 2017
Comtesse Adèle : Cecilia Bartoli
Isolier : Rebeca Olvera
Ragonde : Liliana Nikiteanu
Comte Ory : Lawrence Brownlee
Raimbaud : Oliver Widmer
Le Gouverneur : Nahuel di Pierro
Mise en scène : Moshe Leiser, Patrice Caurier
Scénographie : Christian Fenouillat
Choeurs de l'Opéra de Zurich
Orchestre La Scintilla
Diego Fasolis
L’œuvre constitue l'avant - dernier opus du compositeur - le livret de Scribe est tiré d'un vaudeville et à cette occasion Rossini recycla de nombreux éléments tirés du Viaggio a Reims, cantate écrite à l'occasion du couronnement de Charles X - autant cette dernière oeuvre est statique, autant le Comte est un vaudeville plein de rebondissements, l'écriture rossinienne collant parfaitement aux péripéties de l'action. Créée en 1828 à la l'Opéra de Paris, l'oeuvre connut un succès immédiat, et resta au répertoire parisien jusqu'en 1884 pour réapparaitre un siècle plus tard - on peut expliquer le succès par le contexte de l'époque : en mettant sur scène un faux ermite lubrique, Scribe recevait les applaudissements de ceux qui honnissaient "la Congrégation", coterie ecclésiastique militant pour le retour de l'absolutisme...
On peut lire la présentation de l'opéra faite par Damien Colas, qui connait un peu l'oeuvre puisqu'il en a établi la partition critique :
https://www.opera-comique.com/fr/actualites/lire-avant-venir-voir-comte-ory
La mise en en scène cherche pas dans l'oeuvre des intentions cachées mais joue assez largement le premier degré : ça frôle au début un peu la gaudriole, mais dans l'ensemble ça fonctionne très bien, avec de nombreux moments d'une réelle drolerie.. l'action qui est censée se passer au temps des Croisades est transposée dans un village français au milieu du XXème siècle.
Au second acte le château de la Comtesse où "Dans ce séjour calme où s'écoulent nos jours innocents" est une maison de retraite : tisane, tricot et scrabble... Lorsque l'orage éclate, pour tenter d'exorciser le danger, les femmes brandissent un crucifix et.. un portrait de De Gaulle !!!
Les metteurs en scène sont bien secondés par des chanteurs parfaitement aptes à jouer la comédie : la palme revient à Cecilia Bartoli : lorsqu'elle entre en scène elle est parfaitement méconnaissable : femme d'aspect sévère, le premier réflexe est de penser qu'il s'agit d'une autre : cette impression disparait évidemment dès qu'elle ouvre la bouche - Brownlee n'est pas davantage en reste et réussit des apparitions marquantes, notamment dans le final primo, mais aussi à la fin de la scène du "triolisme"..
C'est vraiment un plaisir d'entendre une oeuvre de Rossini dans une maison où l'on respecte toutes les composantes de ce répertoire - ce qu'avait largement raté l'ONP dans sa dernière Cenerentola.
Le plateau vocal zurichois est proche de la perfection : l'excellence de Bartoli dans ce répertoire n'est plus à démontrer - dans cette oeuvre Brownlee peut se comparer sans rougir avec Florez, avec un avantage pour lui dans la dimension virile du personnage.
Très belle incarnation d'Isolier par Rebeca Olvera - une découverte pour moi - créant un personnage "boyish" attachant et crédible.
Oliver Widmer, souffrant, n'a pas chanté l'air du second acte " "J'hésite..."
Dans l'ensemble prononciation française très compréhensible.
Le choix de mettre dans la fosse La Scintilla qui joue sur instruments anciens s'est révélé judicieux : l'accompagnement orchestral y a gagné en légéreté, par moment on avait l'impression d'entendre du Mozart - direction impeccable de Fasolis, impulsant tout le dynamisme souhaitable..
Donc feu d'artifice lyrique pour passer l'année : ça valait vraiment le voyage !
Belcore