Philharmonie - Mahler 8 - Gergiev/Munich - 17/02/2019

Je crée le topic au sujet de la symphonie des mille de Mahler jouée hier après-midi à la philharmonie ! Voyons, ce n'est pas tous les jours que l'on entend cela à Paris et je sais que nous étions nombreux à communier hier dans le nord de Paris !

Gustav Mahler
Symphonie n° 8 "Symphonie des mille"
Münchner Philharmoniker
Philharmonischer Chor München
Orfeón Donostiarra
Augsburger Domsingknaben
Valery Gergiev, direction
Simone Schneider, soprano
Jacquelyn Wagner, soprano
Regula Mühlemann, soprano
Claudia Mahnke, alto
Katharina Magiera, alto
Simon O'Neill, ténor
Michael Nagy, baryton
Evgeny Nikitin, basse
Johannes Berger, orgue
Andreas Herrmann, chef de choeur
José Antonio Sáinz Alfaro , chef de choeur
Reinhard Kammler, chef de choeur

Gergiev, armé de son charisme et de son cure dent qui lui sert de baguette commence l'ouvrage avec souplesse. Le volume sonore ne monte pas dans les décibels, l'accord joué à l'orgue est bien sage. L'accent est mis sur la clarté avec une lecture bien horizontale de la partition. Toute la puissance créatrice de Mahler déployée dans un contrepoint magistral s'épanouit dans cette façon d’appréhender la partition. Chaque ligne est intelligible. Il a beau se passer mille choses en même temps, il n'y a pas de confusion. Simplement un ensemble ordonné alors que beaucoup de personnes jouent à la fois. Ainsi, le premier Veni Creator Spiritus scandé par les chœurs ne terrasse pas immédiatement. On entend au contraire un grand soin apporté aux nuances, surtout dans le chant. L'orchestre est davantage un accompagnateur qui ne se met pas trop en avant. La musique est privilégiée à la ferveur. Toutefois, la fièvre ne tarde pas à venir grâce à une belle construction qui amène une progression des dynamiques vers davantage d'intensité. De sorte que lorsque le Veni Creator revient, c'est cette fois-ci à pleine puissance. On sent toute l'ampleur de l'orchestre et on est prêt à décoller tant la musique est intense. une frénésie s'empare de l'ensemble des musiciens pour atteindre l'apogée dans le final "Deo Patri sit gloria, Et Filio, qui a mortuis Surrexit, ac Paraclito In saeculorum saecula." Une manière d'être fervent sans gâcher tous ses atouts dès le début !

Changement d'ambiance dans le début de la seconde partie qui est durant de longues mesures exclusivement instrumental. Trémolo pianissimo aux cordes, pizzicatos aux contrebasses et la petite harmonie qui dépeint un paysage désolé. Soulignons ici les performances de la clarinette solo Alexandra Gruber, de la flûte solo Michael Martin et du hautbois solo Ulrich Becker. Ce pocco adagio initial est une réussite. L'entrée du chœur (ténors) sur le vers Waldung, sie schwankt heran (La forêt se balance) se fait le plus naturellement du monde. Le chant est comme chuchoté et la mesure particulière qui martèle bien les temps figure l'impression de balancement, doublé par l'écho (basses) qui répond aux ténors. Les différentes textures à l'orchestre et au chant offrent beaucoup de richesse. Au cours de ce long enchevêtrement de scènes, Gergiev maintient l'intérêt constamment et les différents solistes qui interviennent le font avec panache. Mais la part belle en revient au chœur des anges dans un final rédempteur, qui nous incite à lever les yeux. Car oui, "L’indescriptible se réalise ici ; l’éternel féminin nous élève ! "

Il en résulte une symphonie des 1000 sobre mais tellement fervente par moments. Une ferveur maîtrisée qui ne bascule jamais dans la frénésie mais qui délivre toutefois mille émotions. Grâce à un orchestre d'une grande qualité, notamment le premier violon solo Sreten Krstic qui excelle dans chacune de ses interventions, des voix toutes plus belles les unes que les autres et enfin, une direction qui cherche avant tout à faire de la musique plutôt que d'en mettre plein la vue. Faire briller la musique et ne pas jouer pour soi. Gergiev a tout compris et a permis à tout le monde de communier dans l'unité mahlerienne.

Critiques sur forumopéra: https://www.forumopera.com/mahler-huitieme-symphonie-paris-en-plein-dans-le-mille
Critique sur bachtrack: https://bachtrack.com/fr_FR/critique-mahler-symphonie-des-mille-gergiev-nagy-nikitin-oneill-munchner-philharmoniker-orfeon-donostiarra-philharmonischer-chor-philharmonie-paris-fevrier-2019

Toute autre impression de cette 8ème symphonie dirigée par Gergiev dimanche dernier.
Direction mécanique sans inspiration ,scolaire du chef.Quel contraste avec Hruca vendredi!
Beaucoup de décalages et d’imprécisions au niveau des choeurs surtout dans parties fuguées attestant d'un manque de répétitions(enchainer chant de la terre ,4ème symphonie et 8eme en 24 heures n'est pas trés raisonnable.
Dans la 2eme partie l'atmosphère  évoque plutôt  la musique de film qu'un paysage désolé romantique allemand.
Les solistes ne sont pas mauvais en particulier la mezzo soprano autant que j'ai pu en juger étant donné l'éloignement des voix.
Au final une belle expérience sensorielle, du fait de l'effectif colossal et de l'excellence de l'orchestre, bien qu'on soit loin des mille.

C'est marrant comme les attentes dans Mahler peuvent varier du tout au tout, comme quelqu'un disait récemment sur le fil Mahler 3! En fait, il faudrait toujours joindre à nos commentaires la liste de nos chefs mahlériens préférés et détestés....

Moi (dont les chouchous sont Ancerl, Szell, Scherchen, Boulez), je partage completement les impressions d'Andika: comme tres souvent j'ai beaucoup aimé la direction de Gergiev, qui m'a semblé simple et sobre, ce que je préfère dans Mahler (mais je comprends qu'on peut ne pas aimer). Un tres beau concert, meme si je ne reprendrai jamais de places au 1er balcon latéral pour un concert choral: choeurs vraiment trop présents dans les fortissimo...

C'était ma première Huitième en salle, donc je ne puis trop juger, mais j'ai trouvé l'impact physique, paradoxalement, moins marquant qu'au disque : le contrepoint est noyé dans la masse, on entend beaucoup les chœurs (quel besoin d'en prendre deux alors qu'un subdivisé serait tout aussi bien ?).

Je suppose que ça tient aussi à Gergiev qui dirige ça comme les opéras, avec pour mission principale de ne pas couvrir les chanteurs, et donc avec un relief orchestral secondaire.

Les chœurs étaient cela dit excellents et les solistes aussi (Schneider, Wagner, Mahnke, Nagy… et je découvrais Magiera, hallucinante !).

Pareil que David
Je découvrais aussi l'oeuvre en salle, impossible de s'ennuyer vu ce qu'il se passe sous nos yeux : choeurs superbes d'engagement et d'homogénéité, orchestre de velours, solistes impériaux (Nikitin un peu en retrait tout de même), on ne compte plus les moments de grâce et de frissons ! Par ailleurs, l'oeuvre ne m'a pas parue aussi décousue qu'on le dit.

Et pourtant, difficile d'être ébloui par la direction de Gergiev, toujours un peu mollassonne et qui donne l'impression d'être "au petit bonheur la chance"... Certes, il compense par de grands gestes et des bonds spectaculaires sur son podium devant son pupitre, mais on sent bien que ce c'est pas aussi abouti que ça devrait l'être, avec pas mal de moments de petits flottements. Et puis cette fin à 200 à l'heure !! A sa place j'aurais envie de ralentir le plus possible pour profiter du moment

Mais pas de quoi gâcher la joie et l'enthousiasme de découvrir une oeuvre aussi marquante, dans cette salle.

A noter que c'était très loin d'être plein au début, mais que la générosité des ouvreurs a permis aux retardataires d'occuper quasiment tous les sièges à la fin, parfois au mépris des spectateurs ponctuels, obligés de se lever pour laisser passer les autres. C'est de plus en plus habituel à la Philharmonie, les ouvreurs placent les retardataires n'importe comment et n'importe quand, alors que parfois, il suffit d'attendre une minute pour que le mouvement se termine...

Le CM de la Philharmonie a répondu que c'était pour que tout le monde puisse profiter de Mahler… Ok, très bien, debout au fond du parterre, ou à l'interruption entre les deux mouvements. Sinon, ça dérange tout le monde (en plus, même visuellement, on voit tout dans la salle, ça attire le regard, ça déconcentre).

Autant les applaudissements entre mouvements, je m'en moque, autant faire entrer les gens 30 minutes après le début pendant Ewiger Wonnebrand (il y a eu des entrées jusqu'à 1h après le début !), avec bien sûr dans le lot des gens qui retirent sans ménagement leur doudoune matelassée, donnent des coups de coude, fouillent dans leur sac pour vérifier si leur porte-monnaie est bien dans le bon compartiment (!), ouvrent ostensiblement leur paquet de mouchoirs, commentent l'heure à laquelle ils viennent d'arriver, la coiffure du chef, le nombre de musiciens, sortent leur programme de leur sac pour vérifier ce qu'on joue, puis le remettent très soigneusement dans la bonne poche (en refermant le clapet du sac bien sûr), puis le resortent parce que finalement on s'ennuie et on veut lire… non, sérieusement : ça peut arriver d'être en retard au concert, on sait tous qu'à ce compte-là on n'entre que dans la mesure où l'on ne dérange pas les spectateurs à l'heure.

Je frémis encore du jour où, la seule fois où je suis en retard à Pleyel, on me proposa d'entrer (ça venait de commencer depuis moins de cinq minutes). Je suis la dizaine de retardataire, m'attendant à nous faire glisser au fond d'un balcon, le long d'une bergerie… on ouvre la porte, et effroi, je me retrouve avec deux personnes devant, une demi-douzaine derrière, en train de faire lever les personnes sur tout un rang, pour remplir les trous !! J'étais mortifié, on a dû faire un remue-ménage épouvantable pendant plusieurs minutes, pour tout le balcon…

DavidLeMarrec a écrit:

Je frémis encore du jour où, la seule fois où je suis en retard à Pleyel, on me proposa d'entrer (ça venait de commencer depuis moins de cinq minutes). Je suis la dizaine de retardataire, m'attendant à nous faire glisser au fond d'un balcon, le long d'une bergerie… on ouvre la porte, et effroi, je me retrouve avec deux personnes devant, une demi-douzaine derrière, en train de faire lever les personnes sur tout un rang, pour remplir les trous !!  J'étais mortifié, on a dû faire un remue-ménage épouvantable pendant plusieurs minutes, pour tout le balcon…

Tu devrais avoir honte...

La Philharmonie reste la salle de concert la plus retardataires friendly de Paris ; je ne suis arrivé en retard qu'une fois, mais ça me rassure de me dire, quand je m'aperçois que cela risque d'être juste, que rien n'est encore perdu.

Mais une heure après, oui, je me suis fait la même réflexion, c'était un peu ridicule...

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enrico75 a écrit:

(enchainer chant de la terre ,4ème symphonie et 8eme en 24 heures n'est pas trés raisonnable)

Bienvenu enrico75

En fait, ce programme, qui peut paraître en effet un peu lourd, s'intègre dans les célébrations des 125 ans du Münchner Philharmoniker. C'est cet orchestre qui a créé la Quatrième et la Huitième, sous la direction de Mahler, et Das Lied der Erde, sous celle de Bruno Walter. Il s'agissait donc d'une forme de revival accéléré, rendant hommage/présentant le répertoire malherien créé par la maison, même si ce ne sont évidemment plus les musiciens de la création (je trouve cependant que la Philharmonie aurait pu faire l'effort d'inviter Mahler et Walter, plutôt que Gergiev...).

Citation :

La Philharmonie reste la salle de concert la plus retardataires friendly de Paris ; je ne suis arrivé en retard qu'une fois, mais ça me rassure de me dire, quand je m'aperçois que cela risque d'être juste, que rien n'est encore perdu.

Ils commencent déjà toujours avec 5 à 10 minutes de retard (ce qui peut être salutaire, oui), mais après, il y a un moment donné où il faut choisir ses priorités… Il me semble que respecter l'écoute des 2500 personnes déjà installées est un horizon convenable.

Citation :

Mais une heure après, oui, je me suis fait la même réflexion, c'était un peu ridicule...

Dans des sièges libres au fond, oui, même une heure après, je peux comprendre (pourquoi pas à la limite sur les balcons-nuages, on apporte des chaises, ou dans la coursive du parterre…). Mais faire lever des gens 30 minutes après le début, c'est vraiment pas défendable.

Moi pour rebondir sur le sujet des retardataires, ça me rappelle ce que m'avait confié la violoniste Marina Chiche lorsque je l'ai interrogée. On ne parlait pas spécifiquement des retardataire mais de sa démarche d'artiste et de ce qu'elle attend du public globalement. Et je crois que ça fait partie des choses les plus intelligentes qui sont écrites sur mon blog.

Marina Chiche a écrit:

En tant que musicien classique, l’obsession du chiffre vient du marketing, mais en vrai ce que l’on veut, ce n’est pas forcément d’être entendu de tout le monde. De penser que la profondeur, une certaine qualité requièrent forcément de faire du chiffre et de la masse, je n’en suis pas certaine. Cela peut être un bénéfice secondaire, ça peut arriver par accident, mais en faire une visée première, je pense que c’est une erreur de jugement de la problématique. Ce qu’on espère, c’est être écouté, qu’il y ait de l’attention. On veut que la musique soit reçue.

http://andika.fr/2018/11/marina-chiche-j-ai-ete-eduquee-dans-la-transversalite.html

Donc pour moi, cela requiert que le public soit ponctuel. Parce que pour vraiment être réceptif à une oeuvre, il vaut mieux être là dès le début. Mais on touche bien le noeud du problème qui était assez patent dans la réponse que m'a faite la philharmonie sur Twitter. Pour rappel:https://twitter.com/philharmonie/status/1097199824322158593

Cela montre bien qu'il n'y a que la masse qui les intéresse, pas la qualité d'écoute des gens qui sont là de manière active pour vraiment recevoir la musique.
Moi ce dont j'ai été témoin par exemple, c'est d'une dame arrivée une demie heure en retard et qui une fois installée, s'empresse de sortir son téléphone. Cela n'aurait pas été une grande perte s'il elle n'avait pas pu assister à ce concert, je vous le garantis.

Pour la 8ème de Mahler qui est rarement jouée, personnellement, je me suis assuré qu'aucun grain de sable ne viendrait troubler ma journée afin de pouvoir être présent sans frayeur. Je ne pensais pas que ce serait la philharmonie qui me trahirait à ce point. Et voir autant de désinvolture dans leur réponse me révolte un peu, car non, ce n'est pas anodin d'avoir à se lever pour ce genre de motif, pendant la musique.

Pour l'anecdote, j'ai trouvé pour le (très beau) concert Bamberg/Hrusa du 15 le parking de la Philharmonie complet, tout comme celui de la Cité, ce qui n'arrive vraiment jamais. J'ai pu me garer à l'extérieur et arriver in extremis dans la salle. Dimanche 17, selon des amis qui y sont allés, même problème, aggravé par la fermeture partielle du périphérique qui a engendré un complet chaos. Raison de cette occupation des parkings, selon les ouvreuses : le mondial du tatouage qui avait lieu dans le Grande Halle. Je pense que la mansuétude des ouvreuses vient peut-être de cette rare conjonction...

Bien sûr, il y a des problèmes qui arrivent, mais pour ma part, je suis près à être refoulé une fois de temps en temps si j'arrive en retard plutôt que d'être systématiquement dérangé par les retardataires pendant les concerts…

andika a écrit:

Cela montre bien qu'il n'y a que la masse qui les intéresse, pas la qualité d'écoute des gens qui sont là de manière active pour vraiment recevoir la musique.

Disons que la priorité est sans doute, concrètement, accordée à ceux qui sont susceptibles de râler maintenus dehors qu'à ceux qui sont otages du silence et de la musique et ne peuvent pas leur casser les pieds…

Citation :

Moi ce dont j'ai été témoin par exemple, c'est d'une dame arrivée une demie heure en retard et qui une fois installée, s'empresse de sortir son téléphone. Cela n'aurait pas été une grande perte s'il elle n'avait pas pu assister à ce concert, je vous le garantis.

Ce que j'ai raconté ci-dessus n'était pas un résumé général, mais le récit d'une voisine (à un siège d'écart) qui, effectivement, semblait n'avoir aucune idée de ce qu'elle allait voir, et être seulement un peu amusée par le nombre de gens sur scène…

Citation :

car non, ce n'est pas anodin d'avoir à se lever pour ce genre de motif, pendant la musique.

Complètement. Se lever pendant la musique, c'est un grand non. J'ai déjà refusé de le faire (le gars, arrivé en retard pendant le Prélude de Parsifal, a voulu récupérer sa place, fait changer les gens de siège, et m'a marché dessus pour y arriver…), moi une fois que je suis assis, a fortiori à ma place, les retardataires qui viennent pendant la musique peuvent aller se pendre. Mais le problème est que souvent ils dérange plus longtemps, vous tapent sur l'épaule, vous racontent leur vie, et il est plus rationnel, hélas, de les laisser passer. Le problème est en amont chez la gestion de salle.

DavidLeMarrec a écrit:

Citation :

La Philharmonie reste la salle de concert la plus retardataires friendly de Paris ; je ne suis arrivé en retard qu'une fois, mais ça me rassure de me dire, quand je m'aperçois que cela risque d'être juste, que rien n'est encore perdu.

Ils commencent déjà toujours avec 5 à 10 minutes de retard (ce qui peut être salutaire, oui), mais après, il y a un moment donné où il faut choisir ses priorités… Il me semble que respecter l'écoute des 2500 personnes déjà installées est un horizon convenable.

Et en ayant au préalable adapté l'horaire à 20h30...
Ce qui fait qu'on commence à 20h40, et que malgré cela, on se fait déranger...

Ce soir, à 20h40, l'orchestre n'était pas encore accordé ! (Concert sans entracte, c'était sans doute pour ça.)