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| Brahms -Symphonie n°2 | |
| | Auteur | Message |
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Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Brahms -Symphonie n°2 Dim 26 Jan 2020 - 20:28 | |
| Un topic consacré à la discographie de la Symphonie n°2 de Johannes Brahms. |
| | | Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
| Sujet: Re: Brahms -Symphonie n°2 Dim 26 Jan 2020 - 20:29 | |
| - arnaud bellemontagne a écrit:
BRAVO !
- Mélomaniac, in playlist, a écrit:
Catégorie orchestrale -rang 150°/250
Karl Böhm (1894-1981)
Johannes Brahms (1833-1897) :
Symphonie n°2 en ré majeur, Op. 73
= Karl Böhm, Orchestre philharmonique de Berlin
(DG, décembre 1956)
Contrairement à sa première symphonie qui lui coûta vingt années de labeur et repentirs, sans d'abord trouver son public, la suivante fut élaborée en quelques mois et son succès fut aussi patent que sa gestation fut courte. Essentiellement lors d'un séjour parmi les lacs et montagnes de Carinthie (représentée sur la pochette du vinyle réédité chez Heliodor, label de DG, affiché ci-dessous). Présentée en concert à Vienne le 30 décembre 1877 (la date prévue était le 9 du mois mais fut reportée car les musiciens travaillaient sur le Rheingold de Wagner...) Dès l'année suivante, elle traversait l'Atlantique et fut jouée à Chicago. L'opus 68 en ut mineur rivalisait avec Beethoven, voulait montrer qu'il maîtrisait la grande forme, à travers un propos chargé d'héroïsme, mais qui trahit parfois un hommage obligé et un exercice emprunté. L'opus 73 est bien plus personnel par son langage et ses humeurs champêtres. Au point qu'on le compara à la Pastorale, ce que récusait Brahms, avouant à son éditeur qu'elle se distinguait par sa mélancolie insupportable (dont on trouve trace dans le second thème de l'Allegro). Un « monstre charmant », selon ses mots, peut-être car son gabarit classique s'hybride à des émois et des innovations formelles tributaires de cette fin de siècle. Peut-être aussi car sous sa mine avenante grouillent quelques secrets tourments (qui explosent à la fin de l'Adagio) ? Elle s'avère plutôt lyrique mais sans mièvrerie, tendue sur un cadre intelligemment conçu, et mis en relief par des escarpements typiquement brahmsiens. Au demeurant, ce fut longtemps la symphonie que j'appréciais le moins parmi les quatre, parce qu'à l'époque je préférais justement le versant épique et tragique et que pour cette raison elle me séduisait moins que les trois autres. Notamment à cause de son Finale exultant et un peu pompier, en regard de la dimension visionnaire de celui de la n°1, ou du via crucis de la n°4. C'est l'enregistrement que j'ai retenu pour ce Mélomaniac d'or qui m'en ouvrit les portes, -je ne sais par quelle connivence d'ailleurs, car j'en connaissais déjà beaucoup. Je ne prétendrai pas que Karl Böhm propose ici un calque indépassable mais son interprétation reste parmi mes favorites, peut-être du fait d'un Berliner Philharmoniker aussi robuste que souple (mais acéré quand il faut !) Sa texture à la fois patinée et subtilement grenue, ses couleurs denses mais non opaques, et tirant sur une palette froide qui convient parfaitement à cet idiome septentrional. Et aussi car le maestro salzbourgeois, audiblement sous le charme et réfutant ainsi sa réputation protocolaire d'austère gardien de la tradition austro-allemande, livre une vision d'un équilibre olympien, mais spontanément respirante, sans dogme ni maniérisme : délaissant les rigueurs amidonnées d'un Toscanini (RCA), les métaphysiques subliminales de Furtwängler (Emi) ou Abendroth (à Leipzig), autant que les subversives tempêtes de Carl Schuricht (Decca). Il n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il l'avait déjà gravée en 1942 pour Electrola à Vienne. La liste est longue et la discographie riche d'alternatives. Par exemple, cette symphonie a toujours réussi à deux baguettes françaises qui la préféraient à ses trois sœurs : Monteux à Londres ose une candeur décomplexée (Philips), Munch à Boston (RCA) tourne le dos aux instincts casaniers de l'œuvre et l'aventure dans des ardeurs inaccoutumées. Ancerl à Prague (Supraphon) profitait du timbre mitteleuropa de ses souffleurs, retrouvant des influences danubiennes fort adéquates. Toutefois le style modéré de Böhm entre en incomparable empathie avec une symphonie qu'il détaille sans la moindre crispation, parée des justes accents, plaçant l'affect là où il suffit. La nostalgie souterraine du « monstre charmant » n'en affleure que mieux, grâce à une sobriété humble et apollinienne. Voici quelques repères (attention, les minutages correspondent à l'enregistrement berlinois et non au célèbre remake de 1975 inclus dans l'intégrale viennoise) :
Allegro non troppo : une calme oscillation des cordes graves (ré-do#-ré) libère une mélodie (en blanches et croches) aux cors, dont les valeurs longues semblent une expansion de la triade liminaire, comme l'écho de l'alpenhorn des bergers qui résonne dans un décor vallonné. Le rythme ternaire impulse toutefois l'esprit d'une promenade plutôt que d'une contemplation paysagiste. Flûtes, clarinettes et bassons prorogent cette nonchalance (0'10), avant une reprise du thème principal (0'17) et un nouveau commentaire des bois qui se fond dans une hésitante sinuosité (0'33) aux violons et altos. Un frémissement de timbales (0'59), un sombre présage des trombones, alternent avec le motif liminaire aux bois. La première partie de la transition (1'23) s'anime en croches crescendo vers une affirmation (1'47) découpée forte et sforzando -toujours dérivée de l'oscillation initiale mais dans un contexte plus péremptoire. Le profil métrique et la courbe mélodique rappellent aussi l'allegro du Finale de la Symphonie n°1. La seconde partie de la transition (1'58) caquète aux bois tandis qu'entre deux gloussements les violons se rengorgent, par un motif de trois notes qui chute d'une octave. Ce motif à haut relief se prolonge pour initier le second thème principal (2'24) chanté aux altos et violoncelles : une plainte en fa dièse mineur, dont s'emparent les bois (2'59) démarqués par les violons. Seconde idée (on l'appellera B2) du deuxième bloc thématique : irruption saccadée aux cordes (3'25), en la majeur, cavalcade (3'40), péroraison cuivrée (3'50) suivie d'une puissante reptation en canon aux cordes. Le second thème principal (4'24) revient aux altos et au grave des violons, dentelé par des triolets de flûte. Des barres de reprise prévoient un nouvel énoncé de l'Exposition, quasiment jamais respecté (Adrian Boult proclamait « I definitely think that if Brahms put the repeat in, then you ought to do it » mais le compositeur lui-même invitait à y renoncer du moment que son œuvre fût suffisamment connue). Le Développement (5'03) ramène la pastorale mélodie de cors (5'11), déclinée en si bémol aux flûtes (5'24) avant un passage en canon (5'32) qui s'active en fugato (5'42) en tonalité mineure (ut, sol). L'oscillation résonne en strette (6'14) en mi mineur, aux trombones, répliquée par les cuivres sur trémolo des violons qui la font maintenant entendre (diminution concaténée en croches) en si majeur (6'32) puis ut majeur (6'38). Épisode complexe dont on a peu conscience à l'écoute tant le matériau s'interpénètre : les cuivres vocifèrent la mélodie pastorale, en sol majeur (6'47), superposée aux violons qui déroulent l'oscillation concaténée en croches. Les bois déploient en sol mineur le ruban transitionnel (6'54, entendu à 1'23). Le hautbois réinstille l'oscillation (6'59) qui ramène l'épisode complexe (7'05) puis le ruban transitionnel (7'12) qui cette fois se dévide au grave des violons et aux violoncelles, en ré mineur. Nouvelle assertion de l'oscillation (7'17) aux flûte et hautbois, dans la tonique de fa majeur qui semble vouloir purger ces dramaturgiques errances modulantes. Ruban transitionnel aux clarinette et basson (7'24), nouvel énoncé de la triade oscillante (7'30) aux violons puis flûte et hautbois, puis de l'épisode complexe (7'42) désormais lui aussi dans la tonique de fa majeur, mais aussitôt minorisé (7'49) dans un sursaut qui atteste que Brahms n'entend pas résilier tout de suite les conflits harmoniques. Les motifs du premier thème reparaissent une dernière fois, en la majeur (7'55) dans ce Développement touffu qui se conclut sur une désinence de flûte et clarinette (8'09) sur pédale de mi aux cors. La Récapitulation (8'17) montre comment Brahms contrebalance l'insouciance de son premier thème principal par une structure dense et étagée, qui pallie l'indolence bucolique par la richesse de l'architecture : le thème pastoral du cor se double du hautbois tandis que les cordes stratifient le motif transitionnel, tout cela ensuite subtilement varié. Violons et violoncelles dissolvent ce matériau (9'19) par des gammes descendantes qui se tuilent pianissimo. Frémissement de timbale et présage des trombones (9'31) : alors que dans l'Exposition cette parenthèse annonçait la longue transition vers le second bloc thématique, celui-ci s'invite ici directement (9'41). On retrouve aussi l'irruption B2 (10'42), la cavalcade (10'56), la claironnante péroraison (11'06) puis la reptation en canon, avant un retour du second thème principal aux flûtes (11'39) et diverses combinaisons instrumentales. Réapparition furtive du premier thème (12'19), aux bois, puis le cor solo (12'35) assure un pont émouvant vers la Coda (13'23). Les cordes graves citent l'exorde oscillante qui soutient un opulent discours légatisé, dérivé du premier thème. Le caquètement (14'05) nous en rappelle la transition et glousse aussi aux cors (14'19) sur pizzicati syncopés. Les trompettes font luire le thème principal (14'33) mais sans le régénérer car un ultime accord en tutti (14'47) achève dans une douceur crépusculaire cette aimable excursion alpestre.
Par ses procédés rhétoriques, l'Adagio semble hérité des modèles baroques, mais brûle aussi d'un feu tout romantique. Sur une pédale de fa# étalée par cors et tuba, les violoncelles épanchent une douloureuse mélodie de profil descendant, flanquée d'un contresujet ascendant aux bassons, qui se poursuit (0'17) harmonisée par les bois en legato. Voilà une des plaintes les plus suaves et lancinantes du catalogue brahmsien, voire de tout le corpus symphonique occidental ! Violons et flûte reproduisent ce thème (1'26) pétri de mélancolie. Un cor (1'56) initie la transition en canon : entrée des hautbois (2'06), flûtes (2'19), cordes graves (2'29). Nouveau jeu d'imitations (2'50) mais en crescendo où se succèdent violoncelles, violons 2 (3'02), violons 1. Escorté par les pincements de violoncelle, le second thème principal (3'21) se déploie en fa dièse sur un rythme à 12/8, aux flûtes et hautbois, aux clarinettes, aux violons (3'42). Les pizzicati se propagent à toutes les cordes (4'04) qui reprennent arco pour un bref climax (4'13) puis assurent la coda (4'27) de l'Exposition. Cette coda transige vers le turbulent Développement (4'48), en si majeur, inauguré par une ponctuation de timbale (4'49). Un trémolo d'archets (5'17) excave les ruminations des trombones et tuba, chargées de chromatisme. Aux violons, le thème principal (5'33) se désincarcère de ces omineuses prophéties, qui néanmoins se réactivent (5'50), en concurrence avec lui (6'04, au hautbois). Voilà l'occasion de lancer la Réexposition (6'19), pollinisée de contresujets, assouplie de triolets rappelant le second sujet du premier mouvement. Brahms se contente du premier thème principal (exploité avec ferveur et imagination) et élude donc le second, mais reconvoque le processus de transition (7'57) qui enfle vers un impressionnant climax (8'26) attisé par les cuivres, les flots de violons en doubles-croches : irrépressible torrent d'affect, tel une crise de sanglots. Une digue a cédé : par ce radical changement d'humeur, le motif transitionnel a ainsi acquis une force orageuse, passionnelle ! La Coda en mi majeur (8'54) réactive le fluide tempo à 12/8 et rappelle celle de l'Exposition, mais agitée par des vents frondeurs (exfiltrés du précédent climax), d'où s'extrait le thème principal (9'23) dans son virginal si majeur, comme rejeté sur le rivage. Sur une palpitation des timbales (9'42), violons et altos (en courbe contrariée, et filigranée par les violoncelles, comme dans les tuilages du tout début) se le remémorent. La timide clarinette (10'01) précède un lumineux accord (10'19) qui évacue la tension de ce second mouvement, décidément partagé entre le doux et l'amer, la sérénité et la tempête, comme un grain d'averse essuyé dans les mers du nord.
Je n'avais jamais pris garde à l'ingéniosité de l'Allegretto avant d'y regarder de près. L'analyse s'en avère ardue du fait d'une superstructure à deux niveaux qui de surcroît se recoupent imparfaitement : une sérénade à variations A-B-A-C-A inclut une forme-sonate déployée sur le seul premier couple A-B ! mais qui la déborde un peu... Par ailleurs, le plan motivique dérive de deux idées séminales a et b qui vont se présenter sous diverses guises dans ces différentes parties en leur faisant revêtir un rôle spécifique par métamorphose mélodique et syntaxique ! Toutefois, A ne peut se considérer comme un refrain car les rapports tonals déjouent aussi le schéma attendu, et les mises en abyme diffèrent dans ses trois occurrences. Bref sous une apparence simple et divertissante, voilà un formidable trompe-l'œil où les perspectives se chevauchent et les visions se télescopent... D'abord une Exposition de la partie A allegretto, dans l'esprit d'un menuet : un gracieux premier thème ascendant (a) en rythme ternaire, caractérisé par les mordants du hautbois (un instrument choisi pour sa sonorité pseudo-baroque et conforme à l'idiome rustique de cette symphonie). Le profil métrique s'entend comme un épitrite de noires dont le troisième pied s'abrège par l'appoggiature. Puis un second thème b (0'24) où s'est joint l'autre hautboïste et reconnaissable par sa gamme descendante. Retour de Aa (0'50), toujours mobilisé par les pizzicati des violoncelles. Surgit la partie B (1'12) toujours en sol majeur mais presto à 2/4 (première fois que la symphonie adopte une telle vitesse, ce qui préfigure le Finale...) : un staccato de cordes d'une kaléidoscopie toute mendelssohnienne qui conserve le profil ascendant de Aa mais en croches. Un crescendo sur un motif zébré Bb déclenche le Développement (1'27), en ut majeur. Cette section renverse maintenant le profil de Aa, devenu descendant, ainsi que sa scansion qui devient crétique (croche pointée, double-croche, noire) pour mieux correspondre au flux galopant. Suit un tricotage d'archets (1'36) dérivé de Ba qui relance le galop boitillant (1'42), puis la Récapitulation (1'51) où l'on entend des échos de la section Bb (1'59). Un ânonnement des hautbois (2'06) annonce le retour de la partie A (2'11) au tempo primo, d'abord en la mineur. Une anacrouse des violons et altos (2'28) attire un arpège descendant en triolets (faisant écho à la section Ab) et s'infatue en révérence majestueuse (2'44) dont la gestuelle (noire-noire-croche pointée-double croche) emprunte à Aa autant qu'à la scansion crétique de Ba (cf 1'27). Resurgit le presto, à 3/8 (3'03) : rafales descendantes, hoquets iambiques aux bois (3'06) en la majeur, répliqués par les cordes (3'13) en ut majeur, entrecoupés par des babillages aux bois (3'20, 3'31). Une transition freinée à 9/8 puis 3/4 ramène la partie A (3'50), aux violons en fa dièse (donc retardant la tonique attendue ici). Une modulation en si majeur (4'08) précède le retour de Ab, puis du motif Aa (4'45) au hautbois, maintenant dans le sol majeur initial. La Coda abordée en mi bémol (5'00) retrouve cette tonique (5'16) avant qu'une cadence pianissimo (5'30) ne vienne conclure sur un pizzicato (5'40).
L'Allegro con spirito s'organise en forme-sonate. Son matériel dérive de la cellule qui ouvrait cet opus. Ainsi le premier thème de l'Exposition démarre come prima par un ré-do#-ré mais le rythme binaire empêche ici de s'en rendre compte (les triolets du Développement rendront l'allusion mieux évidente). En outre, le rythme à Ȼ se permet de contrarier le second temps fort par le contretemps qu'induit un demi-soupir, ce qui confère à l'accroche un motorisme réfractaire dès sa lancée. On notera aussi la dynamique muselée sotto voce, où les cordes se contorsionnent. La seconde section (A2) du premier thème, filigranée au basson (0'12), démarre aussi sur un temps faible et semble une contraction de la première : crénelage de noires, formule cadentielle en croches. Cette section est bipartite, alignant une demi-cadence puis une désinence résolutoire pour l'ensemble du thème. Elle se réplique avec flûtes et clarinettes (0'17) et s'escamote (0'23) au point qu'on se demande pourquoi Brahms saborde l'exorde de son Finale, complu dans une sorte d'état semi-végétatif : une pâle rémanence festive. Mais soudain (0'31) un matraquage des timbales et une dégringolade des violons font jaillir forte le thème principal, promptement jugulé par une transition sforzando (0'42) dont la seconde section (0'56) parade mais là encore avec accents à contretemps : une résistance au flux qui s'investit d'héroïsme mais peu à peu se plie au moule (1'10). Clarinette (1'15), flûte, hautbois vont tour-à-tour élever leur voix pacifiante, amenant le chaleureux second thème (1'36), aux violons 1 et altos. Il dérive du premier, par augmentation (noires au lieu de croches) et symétrie horizontale. Le profil de sa deuxième section B2 (2'02), vrillée de trémolos d'archets, dérive nettement de son homologue A2 (entendu à 0'12), qu'on réentend lui en toute force (2'21). La première section (2'30) de la Coda d'Exposition déroule un ruban de croches aux flûtes et clarinettes sur pizzicati : Donald Tovey (in vol.2 pages 104-105 de ses Essays in musical analysis) y perçoit l'influence du Finale de la Symphonie n°104 de Haydn, lui-aussi qualifié de spiritoso. D'entêtants tuilages arpégés aux cordes (2'45) achoppent sur des injonctions syncopées (2'48) qui s'activent (2'53) en rythme lombard et rappellent l'incipit descendant de A2. Elles s'adoucissent en fioritures et débouchent sur un ultime énoncé du thème liminaire (3'07) dans sa tonique. Ce rappel se justifie pour mieux faire sentir les mutations qu'il va subir dans le Développement (3'28) : sa courbe se renverse et module en fa dièse, exploitant les deux idées du premier thème. Le travail de césure, les relances elliptiques des cordes suscitent une accélération de surface alors que le tempo de base reste identique. Sa deuxième section (3'46), devenue lacérante (à l'instar des sforzandi à 0'42), module aussi, d'abord en ut dièse. Les turbulences gonflent jusqu'à un épisode tranquillo (4'14) dont les triolets (dérivés de la fondamentale matrice oscillante) accusent le ralentissement, par émollience. Le Développement traite aussi A2 (4'27), ici exorbité dans la lointaine tonalité de si bémol mineur. Récidive du tranquillo (4'39) et son action dissolvante, si bien que A2 se voit maintenant élongé en blanches (5'09), dans une ambiance léthargique et mystérieuse : le plus troublant moment de cette symphonie, qui préfigure le sommeil de la nature dans la Titan de Mahler ! Cet onirisme se dissipe par la Récapitulation (5'33) quoique sans hiatus dynamique car le sotto voce initial devient ici un pp encore plus discret. Elle débute logiquement par le thème en ré majeur, mais sa seconde section (A2) se trouve désarticulée, attestant que Brahms souhaite passagèrement varier sa grammaire et ne pas lasser par des répétitions littérales. Il respecte les règles pour mieux nous étonner quand il y déroge ou les infléchit ! Cette Récapitulation va donc s'effectuer mutatis mutandis. Comme dans l'Exposition, le thème jaillit impérieusement (6'00), mais sous une apparence plus compacte, de même que la transition (6'13) se trouve abrégée (par rapport à 0'42) et se hâte vers le second thème (6'21) suivi de B2 (6'48, toujours moiti par ses trémolos) et par le thème principal (7'08), martelé par les timbales. Sans surprise, la Coda de Réexposition (7'18) et ses guirlandes sur pizzicati duplique celle entendue à 2'30. Idem pour les interpellations syncopées (7'36) sauf qu'elles piaillent en tonalités bigarrées ! et se connectent à la Coda générale, accostée en ré mineur sur le second thème B qui s'insinue à contretemps par la voix solennelle des trombones (7'50), épaulés en tutti (8'02). Accalmie par le tranquillo (8'17) dont les oscillations se combinent au thème B maugréant aux altos et violoncelles. Saillie d'un avatar victorieux du thème A (8'32) qui enclenche une liesse à grand train. Décompression par gammes tuilées aux cuivres et bariolée par les violons (8'44). Friction à l'atterrissage (8'53) ! Incongrument, c'est le placide thème B que Brahms a choisi pour la pyrotechnie finale (9'06), où il le transfigure en fanfare jusqu'à une salve d'accords (9'15) qui font triompher le ré majeur.
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| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97923 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Brahms -Symphonie n°2 Lun 26 Avr 2021 - 18:11 | |
| Brahms – Symphonie n°2, Ouverture Académique – Gewandausorchester Leipzig, Blomstedt (PentaTone 2021) → Comme pour la Première, interprétation très apaisée, lente et creusée, de ces symphonies. Ceci fonctionne moins bien, à mon sens, pour cette Deuxième, dont les difficultés intrinsèques ne sont pas vaincues en secondant ses aspects les plus tranquilles – et l'on perd en éclat jubilatoire du côté du final. (Écouté avec le final qui éclate en lisant la mort de Porthos, ça claque plutôt bien. ) L’officier avait suivi en l’air la brillante traînée ; il voulut se précipiter sur le baril pour en arracher la mèche avant qu’elle n’atteignit la poudre qu’il recélait. Dévouement inutile : l’air avait activé la flamme attachée au conducteur ; la mèche, qui, en repos, eût brûlé cinq minutes, se trouva dévorée en trente secondes, et l’oeuvre infernale éclata.
Tourbillons furieux, sifflements du soufre et du nitre, ravages dévorants du feu qui creuse, tonnerre épouvantable de l’explosion, voilà ce que cette seconde, qui suivit les deux secondes que nous avons décrites, vit éclore dans cette caverne, égale en horreurs à une caverne de démons.Les rochers se fendaient comme des planches de sapin sous la cognée. Un jet de feu, de fumée, de débris, s’élança du milieu de la grotte, s’élargissant à mesure qu’il montait. Les grands murs de silex s’inclinèrent pour se coucher dans le sable, et le sable lui-même, instrument de douleur lancé hors de ses couches durcies, alla cribler les visages avec ses myriades d’atomes blessants. Les cris, les hurlements, les imprécations et les existences, tout s’éteignit dans un immense fracas ; les trois premiers compartiments devinrent un gouffre dans lequel retomba un à un, suivant sa pesanteur, chaque débris végétal, minéral ou humain. Puis le sable et la cendre, plus légers, tombèrent à leur tour, s’étendant comme un linceul grisâtre et fumant sur ces lugubres funérailles.
Et maintenant, cherchez dans ce brûlant tombeau, dans ce volcan souterrain, cherchez les gardes du roi aux habits bleus galonnés d’argent. Cherchez les officiers brillants d’or, cherchez les armes sur lesquelles ils avaient compté pour se défendre, cherchez les pierres qui les ont tués ; cherchez le sol qui les portait. Un seul homme a fait de tout cela un chaos plus confus, plus informe, plus terrible que le chaos qui existait une heure avant que Dieu eût eu l’idée de créer le monde. Il ne resta rien des trois premiers compartiments, rien que Dieu lui-même pût reconnaître pour son ouvrage. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Brahms -Symphonie n°2 Sam 1 Mai 2021 - 14:31 | |
| Ah tiens, je n’avais pas lu ta recension! • Symphonie nº2 en ré majeur, op. 73. Ouverture pour une fête académique en ut mineur, op. 80Herbert Blomstedt / Gewandhausorchester Leipzig En public, Leipzig, X.2019 PentatonePas fondamentalement en désaccord avec ce que tu as écrit, en tout cas tout à fait d’accord avec l’idée qu’il y a derrière. Voilà ce que j’avais noté pour ma part: Grandes et belles versions.
On y retrouve les tropismes de la 1ᵉ par les mêmes: des tempi très modérés, des phrasés longs et très fouillés, la tension étant créée non par l’exaltation des contrastes mais par la relance du discours; l’image orchestrale est superbe, ample mais avec de la finesse, mais pas de recherche hédoniste, ici: si le grain et les couleurs du Gewandhaus sont superbes, Blomstedt ne cherche pas à les mettre en valeur pour eux-même.
Pour autant, ça ne m’exalte pas comme dans la 1ᵉ - probablement parce que le lyrisme un peu étale de la 2ᵉ, et le caractère assez formel de ses développements (en tout cas rapporté à leur longueur), la faible caractérisation des mouvements intermédiaires, me semblent moins appeler, ou, de mon point de vue, tirer un bénéfice moins immédiat d’une telle approche. (Ici, pour le coup, j’apprécie davantage l’apport des sous-chefs d’orchestre ⓒ, façon Zehetmair, quand ils filent droit, dégraissent le spectre, accentuent les contrastes de dynamique et assèchent un peu les phrasés.)
Pour autant, cela reste beau et sobre, d’une hauteur de vue, d’une noblesse de ton qui forcent l’admiration. En revanche, l’Ouverture pour une fête académique gagne énormément à ce creusement et à cette décantation: il s’y déploie une richesse expressive et sonore que j’avais rarement entendue comme ça (sauf peut-être par Mengelberg avec le Concertgebouw, mais dans un son antédiluvien.) |
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