Bartok/Dessner - OP/Salonen/Stemme/Finley - PP dec 2021

8 et 9 décembre 2021

Orchestre de Paris
Esa-Pekka Salonen, direction
Pekka Kuusisto, violon
Nina Stemme, soprano
Gerald Finley, baryton
Judith Chemla, prologue

Bryce Dessner : Concerto pour violon (création française)
Béla Bartók : Le Château de Barbe-Bleue

Concert en tous points exceptionnel !

Dessner : agréable concerto, qui soutient l'intérêt tout au long du 1er mouvement très motorique dans lequel violon et orchestre se lancent dans une folle cavalcade, assez souvent à l'unisson d'ailleurs. Le 2e mouvement est une courte cadence pour le soliste avant un 3e mouvement plus confus mais qui se termine en tombe.
Ça fait vraiment penser à du John Adams (Short Ride par exemple), c'est plaisant à suivre et le morceau est servi avec une ardeur phénoménale par Pekka Kuusisto, petit lutin diabolique à lunettes dont la prestation se rapproche de la performance par moments ! Un vrai showman, notamment dans les 2 danses folkloriques finlandaises données en bis (l'une accompagnée par un murmure de l'orchestre).

Bartok : on est d'emblée frappé par la luxuriance incroyable de l'orchestre, qui culmine avec l'ouverture de la 5e porte tout simplement inoubliable, musicalement et scéniquement (!) : d'abord on voit les tiroirs de l'orgue s'ouvrir en fond de scène, puis, juste avant le premier grand accord majeur, Salonen se retourne vers le public, toutes les lumières de la salle s'allument, et Salonen, littéralement possédé, donne le départ à une fanfare de cuivres placée tout au fond du parterre et qui se rajouter à la péroraison (ils étaient 8 me semble t il, des trompettes et peut-être des cors). Tout simplement ébouriffant!! Et mise en place réglée au millimètre, tous les accords s'arrêtent net.
Auparavant, Barbe-Bleue avait démarré dans la pénombre la plus totale, le temps de laisser la récitante Judith Chemla se placer à l'arrière-scène pour déclamer (en français) le prologue (pas une simple déclamation mais une vraie incarnation, bravo). Puis la scène s'éclaire progressivement et c'est un superbe tapis de cordes, très inquiétant, qui vient accompagner la fin du prologue.
Nina Stemme : très grande Judith, somptueuse voix chaude et puissante, en forme éclatante (elle m'avait moins impressionné dans le Tristan d'Aix).
Gerard Finley : un peu moins sonore, mais quelle classe, quelle incarnation, c'est un Duc qui semble d'emblée accablé par une issue qu'on imagine inéluctable.

Quel bonheur aussi d'entendre cette oeuvre dans cette salle. La Philharmonie, définitivement la meilleure maison parisienne pour le lyrique.

Soirée électrisante, donc. Quel bonheur de ré-entendre Salonen pour deux autres concerts au printemps ! (dommage qu'il ne veuille pas s'installer pour de bon à Paris, le Philhar' avait tenté de l'attirer il y a quelques années).
J'espère qu'il reprogrammera l'Elektra annulée pendant le covid.

Très beau concert, mais je serais quand même un peu moins enthousiaste que l'ami Tom.

D'abord sur le concerto pour violon de Dessner: Adams, peut-être, oui, mais sans l'inspiration harmonique, sans l'inspiration tout court en fait...
J'ai trouvé que ça ne tenait pas la durée.

Ensuite sur le Château, je crois que je suis très exigeant...
C'était très bien, vraiment, mais je trouve que Salonen ne propose rien de particulier (comme sur son disque), ensuite on l'a beaucoup entendu en concert, mais souvent avec le même problème: Judith. (les dernières fois: Komlosi très usée, De Young, Gubanova plus réussie à Garnier, sans être toutefois très enthousiasmante)
J'ai trouvé Stemme un peu meilleure cette fois par rapport à 2018 ( https://classik.forumactif.com/t8689-philharmonie-dusapin-bartok-bb-letonja-18-02-18 ), un peu plus expressive, plus nuancée, mais ça reste un peu insuffisant pour moi par rapport à ce que j'aime dans ce rôle. (Troyanos, Komlosi, Otter, Shaham, Vörös, voire Naef, Marton...)
Face au Barbe-Bleue plus élégant et moins puissant de Finley, j'ai trouvé qu'elle faisait encore un peu mastodonte et que leur duo n'était pas très équilibré.
Il aurait fallu un Volle ou un Uusitalo en face, Finley est un pur baryton, il ne faut pas oublier que c'est plutôt un rôle de basse.
Encore des problèmes solfégiques toutefois, Salonen lui donnait toutes ses entrées et malgré cela elle a fait une fausse entrée une ou deux mesures trop tôt dans le début.
Des problèmes avec l'orgue aussi semble-t-il, qui a planté de gros ré graves au pédalier pendant le tutti de la 5è porte en mi majeur!

Sinon assez d'accord avec les points positifs soulignés plus haut, mais je compare peut-être trop avec les grandes versions discographiques pour être complètement élogieux.  Très belle prestation de l'orchestre aussi.

C'était peut-être tout de même un des meilleurs concerts de l'oeuvre auxquels j'ai assistés...

Tout à fait d'accord avec tomseche89 en ce qui concerne le Château de Barbe-Bleue. je n'ai rien à rajouter. L'ouverture de la cinquième porte est décidément un des plus extraordinaires passages
de toute la musique classique. On a beau s'y attendre, c'est toujours aussi impressionnant, presque paralysant.
Juste un petit regret, je préfère entendre le prologue en hongrois. Pourquoi le traduire, alors que tout le reste est en hongrois et qu'on a des surtitres ?
Quant au concerto de Bryce Dessner, j'ai été agréablement surpris au début, emporté par cette musique très rythmique et répétitive, mais 24 minutes plus tard, j'en avais marre et j'étais impatient que ça s'arrête !
Il paraît que l'Orchestre de Paris a lui aussi essayé d'attirer Salonen à une époque.

Fritelli a écrit:

Juste un petit regret, je préfère entendre le prologue en hongrois. Pourquoi le traduire, alors que tout le reste est en hongrois et qu'on a des surtitres ?

Je suis du même avis, mais apparemment ça se fait souvent, il y a même un ou deux disques où on a le prologue en anglais, par exemple.