PP – Mahler 3 – Mäkelä, Oslo, Johnston – 10/05/22

MARDI 10 MAI 2022 — 20:30
Grande salle Pierre Boulez, Philharmonie de Paris

Gustav Mahler — Symphonie n° 3

Orchestre philharmonique d’Oslo
Chœur de femmes de l’Orchestre de Paris
Chœur d’enfants d’Oslo
Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris
Klaus Mäkelä, direction
Jennifer Johnston, mezzo-soprano


J'ai hâte de découvrir cet orchestre.   Des petits Norvégiens sont aussi de la partie pour faire ding-dong.

Le programme de salle : https://deneb.philharmoniedeparis.fr/uploads/documents/NPGS-10-05-20h30-Oslo-Philharmonic.pdf

Alors ? C'était comment les bim bam ?

Et bien ma foi c'était formidable.

Dès l'ouverture on a entendu des cors clairs, puissants, nobles. Et dans l'ensemble la lecture a été marquée par cette sonorité lumineuse et ce caractère bien lisible et équilibré. Sans pour autant qu'on manque de déchaînement dans le premier mouvement, qui voyait l'orchestre rugir puis s'apaiser avec naturel, avant une conclusion exaltante. On y distinguait le trombone solo d'une grande expressivité d’Audun Breen. Petite harmonie dans l'ensemble douce, par exemple le hautbois solo, peu pincé mais plein de couleurs.

J'ai bien aimé les II et III, des mouvements de "détente" un peu secondaires par rapport aux autres, mais qui étaient traités avec beaucoup de contrastes et de gradations dynamiques, si bien qu'on ne s'ennuyait pas (bon il faut avouer que le cor de postillon s'étend quelque peu, mais ça permet de penser à autre chose pendant quelques minutes). Et on continuait d'apprécier la précision et les possibilités de l'orchestre : pas un son agressif, mais quand il faut bien faire claquer un trait, on n'a qu'à bien se tenir.

IV-V : la chanteuse ne m'a pas vraiment "transporté", je l'ai trouvée un peu prosaïque, mais enfin c'était très propre. Et les chœurs ont fait merveille. Le dernier mouvement, pris assez lentement, a été de toute beauté. Contemplatif mais en maintenant une ligne d'ensemble, se reposant sur des tapis de cordes qui enveloppent l'auditeur (des contrebasses qui vous tiennent en lévitation). Les climax dissonants ne parvenaient pas à vraiment disperser cette atmosphère lumineuse, le final a été éclatant.

Mäkelä : j'ai l'impression qu'il employait une gestique plus économe qu'avec l'Orchestre de Paris — ou, pour être plus précis : il a commencé sobre avec l'OP avant de peut-être se rendre compte que ça marchait mieux lorsqu'il était plus démonstratif. Et l'interprétation elle-même était travaillée mais finalement assez sobre aussi.

En plus des chœurs de l'Orchestre de Paris, on reconnaissait au pupitre de hautbois un musicien de l'OP. Et dans la salle bien remplie se trouvaient plusieurs membres de l'orchestre, ainsi que Paavo Järvi.

Superbe soirée.

Magnifique concert ! Je reviendrai faire mon petit compte rendu bientôt, j'ai plusieurs concerts en retard déjà...

Quel plaisir d'entendre cet orchestre à Paris. Pas grand chose à ajouter, les stars de la soirée étaient les cuivres solennels et lyriques et les clarinettes moqueuses, la salle était enthousiaste, beau silence de quelques secondes à la fin de la symphonie, ce qui n'avait rien d'évident compte tenu des applaudissements spontanés entre les mouvements.

Un peu de flottement et d'embarras aux saluts lorsque Mäkelä s'est rendu compte qu'il avait "oublié" d'inviter Jennifer Johnston à s'extraire des violons dont elle était entourée, pour rejoindre les cheffes de chœur et Axel Sjöstedt au flügelhorn à l'avant scène.

Enthousiaste depuis mardi soir, suite à ce concert ! Toutefois, une discussion avec David et d'autres copains d'ici me font déjà douter : cette magie, que je vais tenter de décrire, tient-elle à l'interprétation ou intrinsèquement à Mahler 3 ?

Conditions d'écoute très difficiles :
- le voisin de ma place initiale était particulièrement volumineux, et il occupait malgré lui une bonne partie de mon siège. Ne pouvant me résoudre à passer le concert entier sur une moitié de siège inconfortable, j'ai réussi à me replacer deux rangs plus bas (3ème du premier balcon latéral, qui donne l'impression assez vertigineuse d'être sur scène ! j'y reviendrai),
- replacé, j'ai subi un voisin de derrière avec une montre dont la trotteuse s'est révélée particulièrement sonore. Ce bruit lancinant, répétitif, réussissait à couvrir, quasiment tout du long, tout l'orchestre (150 instruments vs une trotteuse... sérieusement ?),
- mon nouveau voisin d'à-côté, chef frustré, a réalisé un mélange de danses chamaniques et de borborygmes tout au long du concert. Certes, je ne fais pas de l'immobilité absolue une règle de conduite, et il m'arrive de ne pas résister à bouger en rythme, mais de là à assister à un spectacle de danse...
- saisi à la gorge par une odeur violente, mélange d’égouts et de poubelles, j'ai constaté effaré que ce même voisin avait retiré ses sandales, sûrement pour être en communion avec le plancher de la salle...
- je souffre depuis plusieurs années du mal du mélomane accro aux concerts : les acouphènes. La proximité des percussions depuis le 3ème rang m'a fait souffrir,
- une dame a fait un malaise vagal à quelques mètres de moi (c'était avant les odeurs de pieds), petit brouhaha pour la faire sortir, des hommes du public s'étant même proposés pour la transporter.

... et malgré tout cela, j'ai réussi à me concentrer sur la musique, et à vivre un des plus beaux concerts entendus ces derniers temps !

Ce devait être la seconde Mahler 3 de la saison, mais Chung a modifié son programme en janvier. J'ai longtemps hésité entre le concert de mardi et un autre aux Invalides (Requiem de Ropartz et Farrenc 3). Aucun regret d'avoir choisir Mahler, grâce aux conseils lus ici.

Ravi de découvrir cet orchestre à Paris, après avoir tant regardé leurs vidéos sur Youtube. Public comptant beaucoup de Norvégiens, je suis même arrivé en même temps que l'ambassadeur de Norvège à Paris, dans sa limousine aux plaques diplomatiques. Public plus jeune qu'habituellement.

Particulièrement convaincu par le premier mouvement : au disque, j'ai souvent eu l'impression que la musique a du mal à démarrer, que le portail d'entrée est incroyablement long. L'interprétation de mardi ne m'a pas laissé ce sentiment, la transition entre le portail et le véritablement début de la symphonie semblant plus diluée, et avec plus de sens. Ensuite, je partage quasiment tous les propos de Mickt : musique lumineuse, exaltante, soin des contrastes, jamais ou quasiment jamais d'ennui, périodes de détente bienvenues, savamment dosées, direction jamais en repos et inspirée. Quand Mahler me touche, il me touche profondément, c'est un voyage de l'âme dont je suis sorti bouleversé. C'est pour ce genre de soirées que je vais au concert, que je vis à Paris, et qui me rappellent pourquoi la musique me passionne.
J'ai remarqué aussi la gestuelle différente de Mäkelä, plus martiale, moins sensuelle qu'avec l'OP, il semblait moins danser que dans ses soirées parisiennes : il m'a rappelé par certains aspects la gestuelle virile et dynamique de Paavo Järvi, présent dans le public.
Soprano à la voix solide. Ne connaissant pas bien la symphonie, j'ai été surpris de retrouver des pans entiers du dernier mouvement de la 4ème ! Mahler qui se cite lui-même ! Je n'arrive pas à apprécier la 4ème symphonie, et c'est justement le chant du dernier mouvement qui constitue le seul intérêt que je trouve à l'ouvrage. Sachant maintenant que les quelques notes que j'en apprécie se retrouvent dans la 3ème, je vais pouvoir zapper la 4ème sans scrupules !
Deux chœurs particulièrement charmants, notamment les enfants. Dommage que la partition ne les exploite pas plus. On convoque beaucoup de monde pour bien peu de notes, quel luxe !

Après une inoubliable Mahler 1 en début de saison (et malgré une Mahler 5 la saison passée, à oublier), Mäkelä fait des merveilles avec ce compositeur. J'ai hâte d'entendre ses Mahler 2 la saison prochaine (reprogrammation des concerts annulés de 2020) !
Quelle soirée !

Actéon a écrit:

Un peu de flottement et d'embarras aux saluts lorsque Mäkelä s'est rendu compte qu'il avait "oublié" d'inviter Jennifer Johnston à s'extraire des violons dont elle était entourée

C'est même le second violon qui a dû signaler à Mäkelä son oubli, sinon la chanteuse y serait encore.

Rocktambule a écrit:

Conditions d'écoute très difficiles :  le voisin particulièrement volumineux / trotteuse particulièrement sonore / mélange de danses chamaniques et de borborygmes / odeur violente, mélange d’égouts et de poubelles

  Mais je n'ai pas été en veine non plus : ma voisine de droite avait elle aussi des velléités de cheffe d'orchestre, et surtout mon voisin de gauche était atteint d'un tremblement assez violent de la jambe qu'il ne pouvait/peut manifestement pas contrôler. Si bien que j'ai passé une bonne partie du concert et presque tout le dernier mouvement les yeux fermés. Ce que j'aime bien faire — ça oblige à une forme de concentration, et ça modifie aussi de façon étonnante le son qu'on perçoit — mais à petites doses, sinon c'est l'assoupissement rapide garanti. Heureusement j'étais à peu près en forme mardi soir.

Citation :

- je souffre depuis plusieurs années du mal du mélomane accro aux concerts : les acouphènes.

itou mais j'en attribue essentiellement la faute à l'écoute au casque et aux écouteurs. C'est léger et intermittent pour l'instant chez moi (et ça ne me dérange pas au concert), mais j'ai des craintes pour la suite.

mickt a écrit:

Rocktambule a écrit:

- je souffre depuis plusieurs années du mal du mélomane accro aux concerts : les acouphènes.

itou mais j'en attribue essentiellement la faute à l'écoute au casque et aux écouteurs. C'est léger et intermittent pour l'instant chez moi (et ça ne me dérange pas au concert), mais j'ai des craintes pour la suite.

Chez moi, c'est bien les concerts : outre le classique, j'allais énormément écouter de musique amplifiée. 70 concerts en une année, systématiquement au premier rang devant les baffles, m'ont ruiné les oreilles...

C'est un sujet un peu tabou, mais je suppose que chez les musiciens professionnels, ce doit être la même chose, ou pire ! On voit fleurir des petites boîtes de protection dans les petites harmonies, devant les cuivres, et il ne se passe pas un concert sans qu'on assiste au petit ballet des bouchons d'oreille. C'est bien !

Rocktambule a écrit:

- replacé, j'ai subi un voisin de derrière avec une montre dont la trotteuse s'est révélée particulièrement sonore. Ce bruit lancinant, répétitif, réussissait à couvrir, quasiment tout du long, tout l'orchestre (150 instruments vs une trotteuse... sérieusement ?),

Alors ça j'y ai été confronté il y a peu et c'est effectivement particulièrement agaçant. Je pense que tu l'entendais couvrir l'orchestre parce que tu avais intégré le rythme du son.

Rocktambule a écrit:

C'est un sujet un peu tabou, mais je suppose que chez les musiciens professionnels, ce doit être la même chose, ou pire ! On voit fleurir des petites boîtes de protection dans les petites harmonies, devant les cuivres, et il ne se passe pas un concert sans qu'on assiste au petit ballet des bouchons d'oreille. C'est bien !

A Fin de Partie à l'opéra Garnier on voyait les musiciens en fosse parfois se boucher les oreilles mais je suppose que c'est aussi à cause de la configuration des fosses d'opéra où les musiciens sont un peu plus serrés.
Je vois Xavier au loin donc je précise qu'ils ne se bouchaient pas les oreilles à cause de la musique.