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 Benjamin Britten: Billy Budd (discographie)

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Benedictus
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Benedictus


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MessageSujet: Benjamin Britten: Billy Budd (discographie)   Benjamin Britten: Billy Budd (discographie) EmptyDim 10 Juil 2022 - 1:20

Au moment de rédiger un compte-rendu du Billy Budd de Runnicles que je viens d’écouter, je m’aperçois qu’il n’existe pas encore de fil discographique dédié à l’œuvre. Je vais donc commencer par lister les enregistrements que je connais en essayant de les présenter brièvement:

Benjamin Britten / Covent Garden, live 1951 (VAI)
Le live de la création, écouté il y a longtemps (et je ne l’ai pas sous la main); dans mon souvenir: une prise de son très opaque, mise en place pas très propre, mais un Billy Budd (Theodor Upmann - l’avatar de Mélo!) et un Captain Vere (Peter Pears encore jeune) intensément charismatiques aux voix et aux styles très contrastés.

Benjamin Britten: Billy Budd (discographie) Britte51
Benjamin Britten / LSO, studio 1967 (Decca)
L’enregistrement officiel du compositeur, dans la version révisée de 1964, supérieurement enregistrée (comme Decca captait les grands ensembles à Kingsway Hall dans les années 60!) avec un Pears vocalement vieilli mais qui creuse son rôle jusqu’au vertige, un Billy et un Claggart qui ne sont pas les plus marquants de la discographie (Peter Glossop et Michael Langdon) mais une galerie de personnages secondaires formidablement caractérisés (le Redburn de John Shirley-Quirk, le Dansker d’Owen Brannigan et les tout jeunes Robert Tear et Benjamin Luxon dans le rôle du novice et de son ami!) - et comme toujours quand Britten dirige, ça avance droit sans épanchements et sans chichis, c’est articulé et dégraissé, et avec un remarquable sens du collectif. (Évidemment, ma version de découverte, et une vraie petite madeleine pour moi.)

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Kent Nagano / Hallé, studio 1997 (Erato)
Premier enregistrement studio de la version originale de 1951, il bénéficie de la manière habituelle de Nagano (très cursive, très limpide, avec un soin particulier porté à la mise en place, à la précision rythmique et aux équilibres - idéale pour saisir le fonctionnement des grandes scènes chorales - mais pas la plus expressive ou exaltée) et d’une superbe distribution vocale: sans doute mes deux incarnations préférées des deux personnages principaux avec le Billy Budd de Thomas Hampson (la mâle insolence et l’éclat du timbre, et ce léger accent yankee ici parfaitement en situation - on pourrait dire qu’il remet au premier plan l’américanité du personnage de Melville, quelque peu gommée au profit d’autres thématiques par Forster et Crozier) et le Captain Vere d’Anthony Rolfe Johnson (ce timbre magnifique, et dont il parvient comme aucun autre à nuancer la patine et l’émission pour rendre le passage du temps entre l’opéra et le prologue et l’épilogue, avec cette manière très directe mise au profit d’une expression nuancée, profondément évocatrice des arrières-plans psychologiques) et là aussi quelques formidables seconds rôles (le Red Whiskers de Martyn Hill, le Dansker de Richard Van Allan, le Donald de Christopher Maltman!)

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Richard Hickox / LSO, studio 1999 (Chandos)
Grande version là aussi, avec la direction de Hickox, comme toujours très vivante dans les opéras de Britten; et, si la prise de son réverbérée de Chandos brouille un peu trop pour moi la lisibilité des grandes scènes chorales, elle tend au contraire à exalter incroyablement la poésie atmosphérique en particulier dans les deux dernières scènes (ce climat mystérieux de nocturne maritime et l’espèce d’exaltation religieuse de la mort de Billy!) Et ici trois très grands protagonistes: le Billy juvénile et exalté de Simon Keenlyside, le Vere dégingandé et sinueux de Philip Langridge, le Claggart tout en sombres raucités de John Tomlinson; face à ces fortes personnalités, les personnages secondaires semblent ici moins typés - même si l’on dresse l’oreille aux timbres des jeunes Mark Padmore et Roderick Williams (là encore dans les petits rôles du novice et de l’ami du novice).

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Donald Runnicles / Wiener Staatsoper, live 2001 (Orfeo)
La bande de la création viennoise de l’œuvre (dans la version de 1951), écoutée aujourd’hui. Probablement jusqu’ici la version qui m’a le moins plu, même si elle a de belles choses à offrir; j’en parlerai plus longuement demain.

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Daniel Harding / LSO, studio 2007 (Erato)
Pas réécoutée depuis un bon moment. Je garde le souvenir d’une version plutôt «névrotique»: direction inquiète de Harding, à la fois très tendue et très lisible, et d’une espèce de violence glacée; pas de souvenir très précis du Billy de Nathan Gunn, mais je garde en mémoire l’affrontement de Vere et de Claggart, comme de deux silhouettes vocales émaciées, au verbe particulièrement tendu - avec un Ian Bostridge torturé et étranglé et un Gidon Saks crachant ses mots comme du venin - un affrontement dans lequel je me souviens avoir ressenti plus fortement que dans les autres versions le sous-texte homoérotique de l’œuvre.

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Sir Mark Elder / LPO, live 2010 (Glyndebourne)
Live du festival de Glyndebourne que je viens de recevoir qu’il me reste à écouter: sur le papier, ça fait très envie, avec Elder dont j’apprécie dans le répertoire symphonique le style cursif, limpide et coloriste et, vocalement, le Vere de John Mark Ainsley et le Billy de Jacques Imbrailo, ça doit être très chouette (chanteurs éloquents aux beaux timbres.)
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Benedictus
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MessageSujet: Re: Benjamin Britten: Billy Budd (discographie)   Benjamin Britten: Billy Budd (discographie) EmptyMar 19 Juil 2022 - 0:23

Donc (avec du retard):

Benjamin Britten: Billy Budd (discographie) Britte54
• Neil Shicoff (Edward Fairfax Vere), Bo Skovhus (Billy Budd), Eric Halfvarson (John Claggart), Robert Bork (Mr Redburn), Wolfgang Bankl (Mr Flint), David Cale Johnson (Lieutenant Ratcliffe), John Dickie (Red Whiskers), Geert Smits (Donald), Alfred Šramek (Dansker), John Nuzzo (The Novice), Donald Runnicles / Chor und Orchester der Wiener Staatsoper
En public, Vienne, II.2001
Orfeo «Wiener Staatsoper Live»


C’était une des dernières versions discographiques que je n’avais pas encore écoutées (il me reste encore le live de Elder à Glyndebourne avec Ainsley et Imbrailo), et je ne la recommanderai sans doute pas comme un premier choix - sans pour autant qu’elle ait quoi que ce soit de déshonorant, surtout si l’on considère qu’il s’agit là de la création viennoise de l’œuvre.

Parmi les éléments qui font de cet enregistrement un second choix pour moi, il y a déjà la question de la version: on entend ici la version originale de 1951 en quatre actes. Certes, les différences avec la version révisée de 1964 ne sont pas énormes, mais sur chaque point, je préfère sensiblement les choix de cette dernière: globalement, on peut dire que Britten y supprime du bavardage et des répliques-stabilo, et, plus spectaculaire, supprime l’espèce de grand finale de l’acte I qu’on entend donc ici - morceau à la fois grandiloquent et un peu brouillon, dans lequel on a la première apparition vocale de Vere après le prologue, un peu noyée dans la masse, ce qui affaiblit à mon sens la portée dramatique du personnage.

Autre problème inhérent à cet enregistrement: je pense que Billy Budd est, structurellement, un des opéras les plus problématiques pour une captation live: un de ceux où, au disque, les bruits de plateau peuvent être les plus envahissants, la figuration la plus bruyante, la mise en espace la plus «puzzlante» (avec des chanteurs dans le lointain ou les dégagements qu’on entend vraiment mal, et des mises en place et des équilibres de balance vraiment difficiles à retranscrire dans les grandes scènes chorales.) Et c’est d’autant plus sensible ici que la prise de son est de très bonne qualité (paradoxalement, c’est moins gênant dans le vieille bande radio de la création.) Par exemple si on veut entendre comment fonctionne musicalement ce fameux finale de l’acte I, il vaut mieux écouter l’enregistrement studio de Nagano (Erato.)

Au registre des imperfections de cet enregistrement, il y a déjà, prévisiblement, les accents germaniques à couper au couteau de certains seconds rôles (en particulier le Sailing Master de Robert Bork et surtout le Dansker d’Alfred Šramek!) et l’accentuation parfois assez approximative des chœurs (accentué par ce côté «chœur d’opéra» très massif du Staatsopernchor…) Dans un opéra aussi textuel, et dont toute la première moitié fonctionne à ce point sur l’interaction verbale entre un grand nombre de seconds rôles et les chœurs, c’est un handicap très sérieux.

Ensuite, Eric Halfvarson déçoit en Claggart, manifestement désavantagé par la scène: sa voix manque d’impact immédiat et on se retrouve avec une voix très engorgée et très couverte pour assombrir et pour passer l’orchestre - et tout ça se fait bien entendu au détriment du texte, et d’une caractérisation fine du rôle (alors que, sans être aussi frappant que Tomlinson ou aussi singulier que Saks, c’était un très bon titulaire dans le studio de Nagano.)

Surtout, ça me peine d’avoir à le dire parce que c’est un artiste que j’aime énormément, et alors que je l’avais adoré dans le rôle à Bastille (peu après la présente représentation, en octobre ou en novembre 2001) - ce qu’on entend ici de Skovhus déçoit: la captation surexpose ses limites d’alors (le placement trop antérieur, le timbre plutôt étroit et chiche en couleurs, l’aigu au vibrato mal assuré), minore bizarrement certaines de ses qualités (c’est même un peu un mystère: alors que, dans le hangar de Bastille, j’avais vraiment beaucoup aimé le phrasé et l’articulation de son anglais, très rond mais parfaitement net, ce qu’on entend ici dans l’acoustique autrement flatteuse du Staatsoper a certes toujours cette qualité de douceur lyrique, mais la prononciation y est assez imprécise et parfois mal compréhensible.)
Pour autant, il reste l’engagement et le charisme comme toujours phénoménaux (en voilà un qui n’a jamais été à l’économie!), mais un peu amoindris sans le visuel scénique (de ce point de vue-là, sur scène, Skovhus vraiment l’incarnation idéale du personnage de Melville); et puis cette sensibilité à la fois poétique et dramatique qui fait que son grand air final («And farewell to ye, old Rights o’ Man!») reste magnétique - mais quand même très en-deçà de l’enregistrement qu’il en a réalisé quelques années plus tard dans un récital d’airs d’opéra paru chez Sony (excellent, avec des airs français particulièrement réussis!)  

Cependant, il y aussi quelques très heureuses surprises. Déjà Neil Shicoff en Vere - un chanteur que je connais très mal (dans mon esprit, c’était un gars aux aigus rayonnant qui chantait au Met Verdi, les français et Tchaïkovski - souvent en volapuck) et qui m’a franchement épaté: le timbre à lui seul campe le personnage (un timbre déjà un peu blanchi, mais où passe encore quelque chose de l’insolent éclat passé), et surtout une façon assez étonnante de caractériser le personnage qui ne joue pas tant sur une interprétation textuelle «signifiante» que sur l’intensité d’effets de tensions (des dynamiques, des phrasés, de l’émission…), créant un personnage tout en aplomb qui se lézarde et en élans contraires corsetés - et ça fonctionne vraiment très bien (même si ça fait du coup plus théâtral et moins subtil que ce que proposent la plupart des interprètes anglais du rôle.)

L’autre excellente surprise, c’est l’orchestre - et pour le coup contre toute attente (les Viennois en mode déchiffrage en début de série dans une création, dans une partition du XXᵉ anglais, ça faisait même un peu peur.)
Or là, non seulement on entend déjà ce que peut faire un bon chef de fosse: le drame avance sans temps mort, de façon très cursive, le rapport entre fosse et plateau fonctionne vraiment bien (que ce soit en termes de balance ou de synchronisation), les motifs ressortent et les effets orchestraux concourent pleinement à l’action (il faut écouter par exemple l’entrée de Claggart: le relief soudain donné au trombone, aux cordes graves et aux timbales.)
Mais en plus de cela, les passages purement instrumentaux sont à mes yeux particulièrement réussis. Étonnamment pour un orchestre capté en fosse, le spectre est aéré, les pupitre très focalisés (du fait de l’astringence toute viennoise des timbres), ce qui fait que dans ces passages où l’orchestre est à nu, au lieu des espèces de nappes atmosphériques qu’on y entend la plupart du temps, on à l’impression d’avoir à faire à des miniatures aussi fortement caractérisées que les Sea Interludes de Peter Grimes, en particulier au niveau des effets de textures et d’écriture rythmique (avec souvent un côté proto-adamsien qui me frappe de plus en plus chez le Britten opératique.)

Donc: pas une version franchement enthousiasmante, évidemment pas la version à privilégier pour découvrir l’œuvre, mais une version d’approfondissement qui mérite d’être écoutée.
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