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 Ambroise DIVARET – Barbe-Noire (octobre 2022)

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DavidLeMarrec
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DavidLeMarrec


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MessageSujet: Ambroise DIVARET – Barbe-Noire (octobre 2022)   Ambroise DIVARET – Barbe-Noire (octobre 2022) EmptyDim 23 Oct 2022 - 21:04

(CRR de Paris)
Ambroise Divaret – Barbe noire, opéra-comique en cinq actes
Martin Quéval (Barbe-Noire), Lisa Bensimhon (Lisa), Angelo Heck (Stede Bonnet), Félix Merle (Hornigold), Ambroise Divaret (Israel Hands)…
Chœur ad hoc, Orchestre Anima, Gena Lievano

Énorme choc.

Un étudiant en chant a composé ce bijou – dont seuls les trois premiers actes ont été donnés. Le langage en est simple, musique consonante mais pas archaïsante, comparable à de la musique de film, où l’on sent passer (sans trop de pastiche pourtant) la culture du compositeur : Meyerbeer, Auber, Verdi, Wagner, Bizet, mais aussi les fugatos de Mendelssohn, les trompettes mordantes d’Offenbach, les consonances de Cosma et l’écriture chorale de Whitacre !  Le tout avec énormément d’esprit et vie.

Il est également l’auteur de son propre livret, et, c’est plus rare encore, on va aussi de délicieuse surprise en émerveillement : livret versifié, des retours de sons, qui tire une force motrice – dans les dialogues, il ose même la stichomythie en pastiches raciniens qui ne sont ni hors de saison, ni ridiculement empruntés. L’action elle-même, sur un sujet qui n’a à ma connaissance pas été porté à l’opéra, mais qui fait partie de la culture commune du XXIe siècle (soit ce que je m’époumone à réclamer depuis des années), réussit à éviter la plupart des pièges du sujet : l’intrigue a ses à-côtés, mais suit un fil conducteur clair ; les personnages ne sont pas simplement des archétypes mais ont tous une certaine épaisseur, le librettiste trouve le temps de leur donner un passé, des aspirations crédibles, et personne n’est tout à fait détestable ni exemplaire ; le tableau général ménage un équilibre heureux entre le désir de mythe et la réalité de la vie de pirate (pas toujours cruels, pas toujours combattants). Il aborde aussi, indirectement, quelques enjeux de la vie sentimentale du XXIe siècle, avec un dialogue d’anciens amants comme on n’en voit pas dans l’opéra traditionnel, et qui semble presque échappé (sans créer pour autant de rupture) d’un imaginaire plutôt proche de Friends, How I Met Your Mother ou New Girl, moins lointain et stéréotypé que les serments de la génération romantique. Même le personnage de caractère (l’aristocrate encanaillé) ménage aussi ses scènes dramatiques et devient in fine le pivot de la partie sérieuse du drame.
Il resterait quelques détails à polir, mais à part « sauver votre salut », je n’ai pas réperé beaucoup de ruptures de ton ou d’erreurs de syntaxe, ou même de fautes de goût.

Il est vraiment rare d’entendre des œuvres qui soutiennent aussi bien l’intérêt, aussi bien dialogues que numéros musicaux (d’où s’exhale une veine mélodique jamais en panne de joliesses), et qui osent, tout en manifestant une réelle connaissance du genre (les ballades par lesquels personnages et chœurs racontent ce qui s’est passé, comme chez Auber ou Wagner !), ne pas se contenter du pastiche distant ou de la nouveauté qui ne ressemble plus à rien et peine à se discipliner.

Une des meilleures soirées d’opéra que j’aie vécues, et écrit par un étudiant de vingt ans…  Je suis jaloux de son talent, mais je nourris beaucoup d’espérances en la suite.

Parmi les moments forts : la surprise de l’ouverture, l’air dramatique du gentleman pirate, et surtout le chœur a cappella des esclaves disparus en mer qui ouvre l’acte III, un moment de grâce dans le goût de Whitacre.

Pour ne rien gâcher, très belle exécution par l’Orchestre Anima, très concerné, par le chœur constitué pour l’occasion (étudiants ou anciens étudiants du CRR, essentiellement), et par les chanteurs – tous les solistes, encore en formation, n’étaient pas parfaits, mais aucun n’a le moins du monde démérité, et on remarque même quelques individualités très marquantes. Je les mentionne, ce sera peut-être leur première recension : Boris Mvuezolo Panzu (l’Esclave libéré), que j’avais déjà remarqué, a des qualités de ténor extrêmement prometteuses, Félix Merle (Hornigold) manifeste une maturité impressionnante dans sa gestion de la voix, de l’expression, de la scène, et je retrouve Angelo Heck, déjà admiré dans du lied pour sa voix bien faite et son abattage… en contexte théâtral, c’est encore plus frappant, il fait écrouler la salle de rire, et la laisse saisie dans ses éclats dramatiques. Mon chouchou était un chanteur que je n’ai pas pu identifier (premier solo de ténor), voix claire et libre, dont la couleur et la qualité de diction m’a évoqué l’héritage direct de la technique française des années cinquante. [Si quelqu’un peut le nommer et/ou lui faire passer le message : il a un fan.]

Le compositeur son équipe vont chercher à en faire jouer l’intégrale (il faudra peut-être effectuer quelques coupures, ça va être difficile de faire monter un opéra de 3h), j’espère qu’ils trouveront des relais, l’œuvre le mérite… et j’aimerais en entendre d’autres de cette veine !
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