Immortelles : 28/10/2012
Salle Pleyel, Paris
Luigi Cherubini
Médée, Ouverture
Florentine Mulsant
Oratorio pour une femme seule : Simone Weil
Création pour récitante et orchestre opus 39
Hector Berlioz
Cléopâtre, scène lyrique
Piotr Illitch Tchaikovsky
Roméo et Juliette
Séphanie d'Oustrac, mezzo-soprano
Marina Hands, récitante
Orchestre National d'Île de France
Direction : Enrique Mazzola
Il faut bien le dire, l'attrait principal de ce concert était pour moi la mort de Cléopâtre par d'Oustrac... Et au final, ce n'est vraiment pas ça que je retiendrai !
On commence par une ouverture de Médée un peu lourde. Malgré l'allègement des pupitres de l'orchestre, l’œuvre de Cherubini reste un peu écrasée par un orchestre pas adapté à ce style classique qui demande encore je trouve quelque chose de la direction franche et des cordes tranchantes d'un orchestre baroque. Les trais de cordes par exemples manquent de cette violence qui fait tout le prix de l'ouverture. Dynamique et vivante, la direction n'est pas en cause... juste un orchestre trop rond et brillant à mes oreilles pour une telle pièce.
La composition de Florentine Mulsant était une commande pour l'Orchestre National d'Île de France et de France Musique... Pas forcément à l'aise avec ce répertoire, je craignais un peu. Mais en fait, dès le début, j'ai été happé par la musique et le texte. En effet, Marina Hands raconte des évènements marquants de la vie de Simone Weil, philosophe française de la première moitié du XXème siècle. La musique se mêle alors à la voix pour nous donner une vision auditive de l'état émotionnel de la jeune femme. Car je trouve cette musique très descriptive, me faisant penser à la musique de films tels que Metropolis ou Ivan le Terrible : pas forcément trop contemporaine, la musique prend aux tripes et impressionne par la force expressive qui s'en dégage. Contemplative et délicate, elle peut devenir terrible et violente. En salle, cette musique semble prendre toute sa dimension et parle véritable.
D'un point de vue exécution, difficile de juger pour moi, mais j'ai trouvé que le tout fonctionnait très bien. La seule petite chose qui n'était pas très bien réglée était la sonorisation de Marina Hands dont la voix du coup se perdait un peu dans l'orchestre et on ne pouvait saisir tous les mots, malgré la belle déclamation de l'actrice... En tout cas, grand moment... un portrait d'une femme passionnant et passionnante, sur une musique certes un peu moderne, mais qui reste très compréhensible pour moi et du coup qui me parle. Un très grand moment !
La deuxième partie s'ouvre sur la Mort de Cléopâtre par Stéphanie d'Oustrac. Dès l'entrée, avant même que la musique ne commence, la mezzo-soprano EST Cléopâtre, dans une grande robe noire rehaussée d'or. Et tout au long de la pièce, scéniquement nous voyons Cléopâtre vivre et souffrir. D'un point de vue orchestre, je ferais un peu le même reproche que pour l'ouverture de Médée... l'orchestre sonne un peu trop romantique et large pour une partition qui regarde vraiment vers Glück. Du coup on se retrouve avec un orchestre un peu rond et large. Et cet orchestre ne favorise pas non plus Stéphanie d'Oustrac dont la voix semble lutter contre l'orchestre. Habituée au répertoire baroque ou à Mozart, la chanteuse se trouve ici dans une pièce demandant à la base plus de puissance et avec un orchestre plus sonore. Mais la chanteuse conserve ses qualités de chant baroque, habitant chaque mot et nuançant énormément... sauf que du coup certains mots sont noyés par l'orchestre. En plus de cette mésentente entre orchestre et mezzo-soprano, j'ai trouvé la diction très moyenne... Est-ce un manque de travail ou alors devant l'ampleur de la pièce, la mezzo-soprano a-t-elle voulu faire plus de son, en sacrifiant la diction ? Toujours est-il qu'on est loin de la clarté qu'on peut admirer dans le baroque ou même dans sa Carmen. Un essai pas très concluant donc malheureusement : la chanteuse pourrait très bien chanter cette œuvre mais pas dans ces conditions... avec un orchestre baroque ou du moins sur instruments d'époques (Orchestre Révolutionnaire et Romantique par exemple) et dans une plus petite salle, le résultat aurait sans nul doute été beaucoup plus convaincant ! Car sinon, le personnage est bien là et la tessiture assumée...
Et pour conclure, le Roméo et Juliette de Tchaikovsky. Comment mieux terminer ce concert qu'avec cette pièce particulièrement romantique et passionnante ? Les différentes ambiances se croisent et se répondent avec un orchestre chauffé à blanc par le chef d'orchestre. Bondissant sur on pupitre, dirigeant sans partition, le chef Enrique Mazzola vit la partition avec fougue et nous emporte dans un déchainement d'orchestre et de romantisme. Et l'orchestre est ici particulièrement dans son élément... rond, avec de très beaux soli de bois... tout sonne et brille dans une partition particulièrement expressive et un rien démonstrative. Électrisant le public, c'est une vraie ovation qui accueille cette fin de concert !
Au final, un vrai bon moment de musique, avec différents styles et une très belle découverte pour cet oratorio...