Votre dernier film visionné

Jean-Pierre et Luc Dardenne
Deux jours, une nuit

J'avais beaucoup aimé lors de sa sortie, et tout autant à le revoir.
Pas seulement pour la force du "haut les cœurs" (que prodigue le mari en guise d'encouragement) ou du "l'on s'est bien battu" conclusif mais aussi:
A partir de la quasi répétition d'une même scène, d'un même propos : le "suspens" tient moins au décompte des voix, qu'à l'exposé sans fard des réactions de chacun des personnages, de leurs choix, aussi tiraillés soient-ils. Et à la vague d'émotions qui balaie Sandra (Marion Cotillard, formidable) au cours de ces deux jours ; Dans ce film sans musique, les musiques écoutées en sont un révélateur (La nuit n'en finit plus / Petula Clark ;  Gloria / Van Morrison)
Beaucoup de finesse aussi dans le dévoilement de certaines constantes: la porte entr'ouverte, la femme prisonnière ou gardienne du foyer, l'homme absent à ses occupations ...

Ridicule - Patrice Leconte (1996)



Très plaisant!

Jean Renoir : La fille de l'eau        1925

 + / 
Il s'agit du premier film entièrement réalisé par Jean Renoir, et c'est en fait assez différent de ceux qui suivront. Tout d'abord, c'est nettement plus expérimental qu'habituellement, il y a notamment un gros travail sur le temps (aussi bien dans le montage à travers ces séquences saccadées que dans les prises de vue notamment par ce plan de ciel totalement inutile à la fin mais également dans l'écriture des intertitres qui marquent le temps - il y a notamment un intertitre qui indique "convalescence" lorsque Gudule est malade). L'histoire fait en fait beaucoup penser à Coeur fidèle d'Epstein avec cette amour comme fuite de la violence qui est engendrée/acceptée par la famille ; il y a d'ailleurs une nette influence impressionniste comme en témoignent la (superbe) scène de rêve ou la façon qu'à Renoir de filmer les paysages. L'histoire, quant à elle, est très simple ; il s'agissait d'ailleurs pour Renoir de faire un film pour "rendre sa femme (qui tient le rôle de Gudule dans le film) célèbre". J'ai en tout cas beaucoup aimé ce film.

Yi'nan Diao : Le lac aux oies sauvages        2019


Je suis bien embêté avec ce film également, je crois qu'il m'a quand même agacé. Il s'agit d'un film en fait extrêmement esthétisant (entendre, à demi-mot, poseur) et assez creux. Il y a évidemment de superbes plans, notamment de termes de lumières, de reflets, lentement nimbés par les mouvements de caméra avec quelques incises rythmiques ; mais ça ne dit rien, à part un compte rendu très sommaire de la Chine actuelle où la délation semble centrale, une Chine fragmentée et labyrinthique ; le récit est d'une simplicité assez déconcertante, ce n'est nettement pas la préoccupation du cinéaste. Je ne sais toujours pas trop qu'en penser : l'ennui n'était jamais très loin mais malgré tout, des plans me resteront en tête.

Julien Duvivier : Panique        1946

 + /
Encore un grand film de Duvivier mais sans doute l'un des plus terribles : le pessimisme du réalisateur semble ici constant. La scène d'ouverture donne le ton puisqu'elle présente une fête foraine puis vire immédiatement sur la découverte d'un cadavre qui va créer toute une cohue autour de lui - c'est à se demander ce qu'est le divertissement principal des habitants. Ensuite, le personnage de Monsieur Hire (magnifiquement interprété par Michel Simon) va être écrit en négatif : personnage assez distingué, au langage soigné, il se détache d'emblée de la masse extérieure ; et c'est précisément ce qui va être le moteur tragique du film : d'une part parce que c'est pour cela que les personnages vont se liguer contre lui et d'autre part car il va très vite capter notre empathie - encore une fois, le talent de Michel Simon - la fin est terrible sur ce point. Le film va dès lors prendre un tournant assez "langienne" avec toute cette masse à la rage aveugle contre un seul homme qui est déjà condamné d'avance ; mais évidemment, ce n'est pas un film de Lang puis chez Lang la fin se serait passée dans une institution judiciaire alors que chez Duvivier, c'est plus quelque chose qui est lié à la fatalité ; en plus, Duvivier brode davantage et paraît moins clinique que Lang. Par ailleurs, dans ce film, Duvivier essaie beaucoup de choses pour les prises de vues : la caméra est beaucoup plus mobile qu'à l'accoutumée, notamment lorsqu'elle filme les attractions de la fête (la scène d'auto-tamponneuses, terrible !). C'est vraiment un très beau film et à nouveau une performance bouleversante de Michel Simon à ranger à côté de celle de La fin du jour.

Philippe Faucon
Fatima

La fracture de l'immigration, vue de l'intérieur, comme fracture entre mode de vie et culture du "bled" ou bien intégration à la française (porteuse de ses ambivalences : arrachement, leurre, fierté, espoir) . Les lignes de fracture : le langage, la sexualité ... Belle figure maternelle déchirée et qui, pourtant, prodigue les baumes. Beau film sobre et très émouvant, à mon sens.

Brazil

+

Delicatessen



Psycho

Konec srpna v hotelu Ozon / Fin août à l'hôtel Ozone (Tchécoslovaquie, 1966) de Jan Schmidt.

+

Štićenik (Yougoslavie, 1973) de Đorđe Kadijević.

Xiaogang Gu : Séjour dans les monts Fuchun        2019

 
Les films asiatiques actuels sur les transformations du territoire et son influence sur la vie des populations sont assez nombreux en ce moment : on pense à Diamond island de Davy Chou pour le Cambodge, à A land imagined de Hua Yeo Siew pour Singapour, à Derniers jours à Shibati d'Hendrick Dussolier ou aux films de Jia Zhang-ke pour la Chine - même si le premier est un film français, en toute rigueur - ; et même quelques dizaines d'années plus tôt, il y avait déjà Suzaku de Naomi Kawase au Japon. Le titre est tiré d'une estampe du même nom, et c'est effectivement la ligne de conduite esthétique du film : des longs tableaux (mais sans jamais être dans l'épate) de la vie quotidienne d'une famille (élargie) en Chine ; l'accent est mis sur la transmission ; d'ailleurs, le réalisateur ne se prive pas de dresser un parallèle entre les différentes strates temporelles et les différentes strates architecturales - c'est très clair au début du film où il est question de la mort de la mère et à la fois de la destruction d'appartements. Cette composition par strates va cependant un peu plus loin que ça puisque le réalisateur semble s'en amuser quelque peu : notamment au début du film, il est parfois difficile de savoir qui parle, il n'y a jamais de champ-contrechamp par exemple ; le cadre est toujours globalisant. En fait, je crois que c'est le principal atout du film, le cadre. Le film nous offre également des (beaux) plans de coupe, comme des respirations ; et ce qui est agréable, c'est que le film n'est pas trop assertif et ne tombe donc pas dans une critique sociale facile/simpliste mais non moins légitime - même si le film comporte tout de même une composante sociale. J'ai assez aimé le film mais l'ennui m'a souvent guetté et j'ai trouvé ça quand même un peu trop long - et ce n'est que le premier volet.

J'ai découvert Buffet froid de Bertrand Blier. Complètement zinzin, j'ai adoré !
Quels sont les autres films de Blier dans la même veine buñuelesque et drôle ?

Adalbéron a écrit:

J'ai découvert Buffet froid de Bertrand Blier. Complètement zinzin, j'ai adoré !
Quels sont les autres films de Blier dans la même veine buñuelesque et drôle ?

Je crois qu'il n'est pas trop difficile de dire que c'est son meilleur film.

Pas dans la même veine (même si ce côté assez fou se retrouve souvent chez Blier) mais le meilleur chez lui : Les Valseuses et Tenue de soirée … même si ça fait drôle de conseiller de tels films étant donné qu'ils sont hyper connus ^^ (mais Buffet froid de même). Préparez vos mouchoirs aussi, c'est du grand

Personnellement, c'est assez simple: Buffet froid est, de tous les films de Bertrand Blier que j'ai vus, le seul que j'ai bien aimé; les deux que cite Cololi (Les Valseuses et Tenue de soirée) ne m'ont pas franchement déplu mais je les ai trouvés vite lassants; pour le reste, j'ai éprouvé la plupart du temps un ennui massif (Notre histoire, Les Côtelettes, La Femme de mon pote), parfois teinté d'un certain malaise (Beau-Père) voire d'un franc dégoût (Préparez vos mouchoirs.)

EDIT: Quoique, à la réflexion, Tenue de soirée m'a déplu aussi (ennui et léger dégoût.)

Merci !
Je connais de nom Les Valseuses et Tenue de soirée, mais ce n'est pas du tout l'image que je me faisais a priori, s'ils ressemblent à Buffet froid, de ces films, c'est pourquoi je n'avais jamais vraiment eu l'élan de les regarder. Préparez-vos mouchoirs a l'air en effet tout aussi loufoque !

Adalbéron a écrit:

Merci !
Je connais de nom Les Valseuses et Tenue de soirée, mais ce n'est pas du tout l'image que je me faisais a priori, s'ils ressemblent à Buffet froid, de ces films, c'est pourquoi je n'avais jamais vraiment eu l'élan de les regarder. Préparez-vos mouchoirs a l'air en effet tout aussi loufoque !

Enfin, je pense que le plus loufoque - je n'en ai pas vu beaucoup d'autres mais je ne vois pas comment on peut surpasser ça - c'est sans doute Calmos. 
Bon courage.

BARBEROUSSE (1965) - Akira Kurosawa



Époustouflant! Du cinéma total.

Thelonious a écrit:

BARBEROUSSE (1978) - Akira Kurosawa



Époustouflant! Du cinéma total.

Franchement, c'est pas le Kurosawa que je préfère, loin de là.

Cololi a écrit:

Thelonious a écrit:

BARBEROUSSE (1965) - Akira Kurosawa



Époustouflant! Du cinéma total.

Franchement, c'est pas le Kurosawa que je préfère, loin de là.

J'ai tout aimé; l'exposition de l'âme humaine dans ce qu'elle a de meilleure et de pire et techniquement, ça me semble vraiment très réussi.

Je ne parle évidemment pas technique.
C'est ce monolithisme moral du héros … pénible.

Cololi a écrit:

Je ne parle évidemment pas technique.
C'est ce monolithisme moral du héros … pénible.

Le rôle titre est avant tout pivot, c'est pourquoi il n'est pas développé. C'eût été contre productif.

Jean Grémillon : L'amour d'une femme        1953

 +
J'ai bien aimé ce film mais je trouve qu'il n'a tout de même pas la puissance de Remorques ou même de Le ciel est à vous ; cependant il partage avec le second le propos émancipateur à propos de la condition féminine puisque le personnage principal, interprété par Micheline Presle, est une femme médecin qui remplace un vieil homme parti à la retraite ; elle rencontre un homme dont elle s'éprend et ce dernier veut lui faire arrêter son métier, elle acceptera puis refusera et reprendra sa profession (et c'est en cela que ça diverge finalement de Le ciel est à vous puisque les trajectoires sont ici contraires) ; cela donne d'ailleurs lieu à une scène assez forte où tout l'aspect réactionnaire de cet homme est mis à nu et elle lui fait bien comprendre que "c'est ce que pensait mon grand-père". Sinon, ce qui m'a le plus plu dans ce film, c'est sans doute sa topographie ; Grémillon tire judicieusement parti de l'insularité d'Ouessant ; c'est géographiquement la fin du Finistère et c'est dans le film une île terminale : le film s'ouvre avec le dernier acte de médecin du vieil homme qui quitte ensuite l'île, il y a également le personnage de l'institutrice au seuil de la retraite (qui va d'ailleurs partir, autrement) ; il y a aussi le départ du mari réactionnaire. Le réalisateur travaille également beaucoup la bande son : cet aspect terminal est corroboré par les retentissements du klaxon de bateau ; les travellings en disent également long sur les perspectives des personnages. J'ai toutefois trouvé que l'histoire n'arrivait pas à donner sa pleine puissance, ça m'a un peu déçu mais ça reste un bon film.

Laurent Cantet
L'atelier

Autour d'un atelier d'écriture se font jour les tensions entre les jeunes participants ou avec leur écrivaine-animatrice: communautaires, politiques, culturelles. C'est la meilleure partie du film. L'histoire tendue faite d'attirance et de rejet entre l'un des participants et l'animatrice en serait le second volet, mais qui peine à prendre toute son ampleur, et retire pas mal d'impact au déroulé du stage d'écriture. C'est aussi bien long

Woody Allen : Bananas        1971

 +
J'avais été légèrement déçu par Love and death, mais celui-ci m'a davantage plu ; j'ai trouvé qu'il était plus spontané et cherchait un peu moins à remplir des satisfactions un peu intellectualisées de manière poussive ; ç'a toutefois une contrepartie : le film est parfois maladroit et tombe à plat - notamment la quasi-totalité des choses autour de sa relation avec la femme militante. Il y a cependant des séquences vraiment très drôles, notamment toute la satire autour du sensationnalisme journalistique dans la séquence d'ouverture et plus globalement la trajectoire complètement improbable du personnage interprété par Woody Allen ; il y a également de bons gags isolés.

Corneliu Porumboiu : Les siffleurs        2019

 /  +
Ce film m'a (littéralement) rappelé un film turc vu l'an passé : Sibel de Çağla Zencirci et de Guillaume Giovanetti ; le langage sifflé est au cœur des deux films. Cela est pourtant exploité de manière très différente : dans Sibel, il s'agissait de mettre en exergue une singularité, de différencier le mutisme ; alors qu'ici, le langage sifflé est effectif et agit comme une langue par-dessus. On retrouve des thèmes assez récurrents dans le cinéma roumain (la corruption, l'argent) mais ici, c'est traité de manière originale et sans doute plus consciemment cinématographique : il y a des références assez explicites (parfois peut-être trop) à plusieurs films (Psycho de Hitchcock ou The searchers de Ford) mais le spectateur est à chaque fois pris de court par sa croyance en l'image (la rencontre écoutée devant le second et le loupé du premier) ; et à ces bifurcations répondent les bifurcations morales des personnages ; et j'ai l'impression que ça rejoint aussi l'enjambement du langage sifflé, comme une volonté de passer par-dessus ce qui avait déjà été établi - bon, d'accord, pour les bifurcations morales, ce n'est pas très surprenant et à peine moins pour les bifurcations cinématographiques mais je trouve que c'est utilisé avec bon goût, sans excès. La scène de fin est également très belle et globalement, le film bénéficie d'un rythme assez dynamique, avec un découpage en chapitres - et sans oublier l'humour dont il fait preuve notamment par son utilisation de la musique qui sonne volontairement assez faux et ironique - bah oui, comme si quelqu'un aimait vraiment l'opéra italien romantique au point d'en mettre dans son film.

Dario Argento : Opera        1987

 +
J'ai été un peu déçu et j'ai trouvé le film assez long - en plus, il faut se farcir du Verdi et du Bellini... Cependant, le film est intéressant lorsqu'on le rapporte à la filmographie d'Argento : habituellement, le meurtrier est toujours presque invisible ; le récit joue en tout cas tout entièrement sur l'entrée visuelle progressive du meurtrier à l'écran (c'est particulièrement clair dans le giallo) mais ici, le meurtrier est entièrement donné d'emblée au spectateur. D'ailleurs, les aiguilles devant les yeux de la cantatrice ne sont sans doute pas sans lien avec ce bouleversement : le spectateur doit affronter le meurtrier de front. Le film cultive toutefois une continuité avec le reste de la filmographie du réalisateur, il y a notamment un bestiaire (plus restreint, mais c'est logique) comme dans Phenomena - et aussi un emploi de la musique totalement fucked up mais restons-en au bestiaire. Il y a tout de même quelques séquences mémorables - les séquences de bestiaire, justement - mais c'est quand même bien inégal.

Emeryck a écrit:

J'ai été un peu déçu et j'ai trouvé le film assez long - en plus, il faut se farcir du Verdi et du Bellini...

Je connais quelqu'un à qui ça va plaire !

Bah, dites-vous que ça aurait largement pu être pire - du Donizetti ou du Rossini, par exemple.

Donc, on disait quoi au juste ? Ah oui, j'emmène Benedictus et emmeryck à Parme, à Bergame et à Pesaro entre octobre 2020 et août 2021 . Et comme j'adore être un brin sadique, ils se farciront la totalité des opéras desdits compositeurs programmés lors des éditions à venir

luisa miller a écrit:

Donc, on disait quoi au juste ? Ah oui, j'emmène Benedictus et emmeryck à Parme, à Bergame et à Pesaro entre octobre 2020 et août 2021 . Et comme j'adore être un brin sadique, ils se farciront la totalité des opéras desdits compositeurs programmés lors des éditions à venir

Je plains ce pauvre Emmeryck, j'espère qu'il m ça, au moins ! Bon courage à lui et à Benedictus. 

Tu n'échapperas pas au chatiment que je te réserve . Au besoin, ma jumelle diabolique et moi même utiliseront nos fillettes cloutées

Ben voilà, Luisa a mordu à l'hameçon !!

Luisa !

Rubato a écrit:

Ben voilà, Luisa a mordu à l'hameçon !!

Luisa !

fais gaffe à toi, je pourrais bien t'inclure dans le prochain trip italien  . Ca tombe bien pour  toi, la première étape est en octobre prochain .

Non, pas ça !!

Rubato a écrit:

Non, pas ça !!

Mais absolument . Et comme je ne choisis pas les dates des représentations, les 4 opéras du festival sont donnés 4 jours de suite ; ça me permettra d'avoir le contrôle sur mes futurs disciples

Bruno Podalydès : Comme un avion        2015

 + / 
C'est le premier film de Podalydès que je vois, je ne savais pas trop à quoi m'attendre et ce fut une belle découverte, très rafraîchissante. Le titre me semble capital, très éclairant sur la démarche globale du film : comme un avion ; et tout dans ce film réside en cette béance entre la théorie et la pratique ; c'est un film illusoire. Ce qui a retenu mon attention en tout premier lieu, c'est la gestion de l'espace : le personnage principal modélise des choses en 3D et par sa façon de filmer, le réalisateur crée des espaces fictifs - souvent liés au couple : il y a cette scène au début où chacun est devant son miroir dans la salle de bain, on les voit une fois dans le "vrai" espace et quelques secondes après, en toute continuité, on les voit dans l'espace du miroir ; il y a une scène complémentaire qui mime un écran scindé avec une planche de bois lorsque le personnage de Podalydès va dormir avec celui de Pons ; mais cet espace créé demeure à jamais fictif, ça ne va nul part, comme le réalisateur (qui joue donc le rôle principal du film) qui se laisse porter par la rivière et dérive tout au long du fil ; dans cet esprit, il y a aussi la présence des palindromes au début : ce sont des mots qui ne vont nul part puisque aucun sens de lecture n'est privilégié. Cette béance spatiale culmine lorsqu'on lui explique que lors d'un envoi de photo, des données GPS sont également communiquées ; c'est amené très simplement, sans aucune emphase. C'est en fait ce que j'ai aussi beaucoup aimé dans ce film, c'est un film très humble, d'un bonheur très communicatif (qui rappelle un peu Le bonheur de Varda par la grande présence de la musique et le côté très paisible ; cet aspect est d'ailleurs souligné par la superbe photographie, souvent des décors naturels baignés de lumière) et même si l'histoire est au fond assez cliché (l'employé qui sature et qui décide de faire une pause loin de sa grande ville), Podalydès arrive a faire quelque chose dénué de tout poncif, teinté d'humour et très agréable à regarder ; une bien belle découverte, en somme.

Je n'ai pas vu celui-ci, mais d'après ce que tu en dis, ça semble un peu dans la même veine que Liberté-Oléron, un de ses premiers films, que j'aime vraiment bien (en plus de bien connaître les lieux...)

J'avais aussi aimé comme un avion

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Par contre, qu'Emeryck ne semble pas trop porter dans son cœur (au vu de ses appréciations du travail des Dardenne à propos de la fille inconnue et de deux jours, une nuit)

Luc et Jean-Pierre Dardenne
Rosetta

A revoir Rosetta, la violence de ce film ne s’est pas atténuée. Violence du personnage, mais aussi du regard des frères Dardenne, qui, à aucun moment, ne sollicitent notre empathie. J’avais beaucoup aimé et plus encore cette fois ci. L’acharnement presque animal de Rosetta à poursuivre son but (avoir un travail « normal » qui la sorte de la mouise - la mère, le camping -), quitte à se « déshumaniser » (laisser son ami se débattre, la délation), porte le film. J’ai été très sensible à plusieurs autres choses :
Les lieux hors monde et pourtant si banals (le camping, la baraque à gaufres); La fragilité des outils de survie (les bottes que l’on cache, les pièges à truite, la traversée de la voie rapide, …). On est vraiment dans une précarité de bouts de ficelle, où même les bouteilles de gaz manquent à leurs plus noirs desseins.
Et surtout ce rythme incroyable fait de précipitation et d’arrêts à bout de souffle.

xoph a écrit:

Par contre, qu'Emeryck ne semble pas trop porter dans son cœur (au vu de ses appréciations du travail des Dardenne à propos de la fille inconnue et de deux jours, une nuit)

Oui, c'est vrai, je n'aime pas tant que ça les frères Dardenne - même si j'ai apprécié quelques de leurs films notamment Le jeune Ahmed ou Le gamin au vélo ; mais Rosetta, je n'avais vraiment pas aimé, ça m'avait même assez agacé - encore plus lorsque j'ai su que c'était la palme d'or 1999 .

Emeryck a écrit:

xoph a écrit:

...palme d'or 1999 .

oh combien méritée (mais je suis de parti pris avec les Dardenne), et grand prix d'interprétation pour Emilie Dequenne, formidable il faut bien le (re)dire

Emeryck a écrit:

xoph a écrit:

Par contre, qu'Emeryck ne semble pas trop porter dans son cœur (au vu de ses appréciations du travail des Dardenne à propos de la fille inconnue et de deux jours, une nuit)

Oui, c'est vrai, je n'aime pas tant que ça les frères Dardenne - même si j'ai apprécié quelques de leurs films notamment Le jeune Ahmed ou Le gamin au vélo ; mais Rosetta, je n'avais vraiment pas aimé, ça m'avait même assez agacé - encore plus lorsque j'ai su que c'était la palme d'or 1999 .

Pareil pour moi.

Le meilleur Boyle?

Jayro Bustamente : La llorona        2019

 +
Je vois que ce film est quasi-unanimement célébré mais il m'a personnellement assez ennuyé puis agacé. Le parti-pris du film, c'est de parler du génocide guatémaltèque en se plaçant du point de vue des bourreaux en adoptant un point de vue ostensiblement fantastique : les bourreaux sont hantés par les spectres des victimes. Je n'ai en fait pas trouvé ça très original d'autant plus que le film ne propose pas grand-chose d'autre ; il y a bien cette sorte de revirement de la submersion par l'eau qui prend tout son sens à la fin qui est un peu intéressante mais ça ne va pas beaucoup plus loin. La fin est en plus hyper caricaturale, franchement ! J'ai été très déçu !

Premier Costa-Gavras

Oui très bon 1° opus.

https://en.wikipedia.org/wiki/Captain_Kidd_(film)

Encore un excellent Danny Boyle. Une densité à "couper au couteau".

François Ozon : L'amant double        2017


C'est sans doute le film d'Ozon le plus troublant que j'ai vu et sans doute celui avec les plus beaux plans - notamment les premiers plans avec les jeux de profondeur de champ remplaçant le traditionnel champ-contrechamp. On retrouve ici Marine Vacth - l'actrice principale de Jeune et jolie - pour un film qui ne va cesser déployer des jeux de doubles ; les miroirs, déjà très importants chez Ozon (notamment comme interstice temporel), vont évidemment prendre ici une place de choix - il y a notamment ce plan avec des doubles de doubles de Marine Vacth. Ce film fait en fait beaucoup penser à un film de de Palma - même au-delà de la proximité thématique avec Sisters - mais c'est à la fois très personnel dans l'utilisation des références cinématographiques (totalement assumées et sans doute avec un certain humour quand on voit le plan d'ouverture, par exemple). En fait, c'est sans doute cela qui m'a le plus plu dans ce film : Ozon va jusqu'au bout, il prend véritablement son sujet à bras le corps.

Krzysztof Zanussi : Camouflage        1977

 /  +
C'est le premier film de Zanussi que je vois ; il n'a clairement pas eu le succès de Kieslowski ou même Wajda en France, et pourtant ce film est assez réussi. Il se déroule durant une sorte de période finale d'université, durant l'été ; il va s'agit pour le réalisateur de confronter un jeune professeur assez optimiste et un autre, beaucoup plus vieux, clairement pessimiste, qui connaît déjà toutes les manigances du système universitaire. Au début du film, j'ai eu peur que l'affrontement soit très frontal (et manichéen) mais en fait, pas tant que ça, l'approche est beaucoup plus mesurée. En plus, placer le film dans une université est judicieux puisque c'est un lieu institutionnel (et d'enseignement, en plus) où l'on trouve plusieurs générations - le film prend dès lors une teinte évidemment politique, qui a ses pointes d'humour notamment lorsque que le directeur (?) arrive pour la visite. Je crois que j'ai malgré tout senti quelques essoufflements dans le déroulement du film ; mais la fin est tout de même très belle, distante, comme si l'esprit de Jakub avait ceint le cadre.

Hlynur Palmason : Un jour si blanc        2019


C'est un film assez curieux, très mutique ; j'ai mis un peu de temps à rentrer dans le film qui est tout de même d'une très grande froideur ; mais une fois entré dans le film, ça marche très bien : l'aspect totalement mutique, presque désagréable couplé à la météo très opaque, au récit très peu dévoilé et à la stoïcité des personnages fonctionnent très bien. La mise en scène est très tranchante, elle aussi d'une grande froideur, très symboliste - parfois un peu lourde, il faut l'admettre. 
Le titre est d'ailleurs assez évocateur sur le film : la traduction anglaise reflète mieux cet aspect (A white, white day) de netteté, ou tout semble très bien défini mais aussi celui de fuite (white est ici comme repoussé, scindé par la virgule (présente dans le titre original) alors que la traduction française ne rend pas compte de cette scission) ; mais avant même la première image, une citation apparaît évoquant les situations ou le blanc du ciel se confond avec celui de la neige au sol pour donner quelque chose de parfaitement uniforme et indiscernable ; et c'est vraiment là que réside l'esprit du film : tout semble tellement net, très appuyé par la mise en scène ; mais à la fois, il y a une expression duale qui ne disparaît jamais (par exemple, la violence du grand-père qui contraste avec sa relation avec sa petite-fille ; et malgré tout son humanité). Il y a également un jeu de mouvement dans cet esprit qui me semble gouverner tout le film, comme un fil rouge : il s'agit de la construction de la maison (qui n'avance quasiment pas, comme le montrent les plans initiaux - d'ailleurs un peu lourds) qui va à l'encore des mouvements centripètes omniprésents dans le film : la chute des pierres, la violence (et sa symbolisation extérieure dans les paysages très accidentés de l'Islande) et sans cesse le mouvement de déconstruction, de déballage, de fouille (la découverte du caméscope, par exemple). C'est en tout cas une belle découverte.

Joseph Losey : Eva        1962

 +
J'avoue avoir été un peu déçu par ce Losey. La thématique est beaucoup plus conventionnelle (et un peu irritante, je dois le dire) bien que (heureusement) elle ne soit pas si classique que ça dans son traitement. Il est ici question d'une femme un peu azuréenne, insaisissable et fantasmée (c'est un peu un pendant de la femme fatale du film noir mais comme "antonionisé") ; ce qui m'irrite, c'est que ça convoque tout une mythologie (sacralisante) de la femme comme créature mystérieuse et insaisissable, ce qui est assez pénible. Toutefois, la mise en scène de Losey est vraiment très précise et les plan-séquences (sans oublier la bande son, très bien choisie) sont assez beaux, soutenant tout un jeu de trajectoires contraires, de reflux. J'ai d'ailleurs été assez étonné de voir jouer Jeanne Moreau dans ce film. Malgré tout cela (?), l'ennui nous guette tout de même.