PP - Tchaïkovsky Debussy Ravel - Järvi 30/09/20

Mercredi 30 septembre 2020 — 20h30
Jeudi 1 octobre 2020 — 20h30

Grande salle Pierre Boulez - Philharmonie

Piotr Ilitch Tchaïkovski
Concerto pour violon et orchestre en ré majeur opus 35

Claude Debussy
La Mer

Maurice Ravel
Daphnis et Chloé
Suite n° 2

Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Gil Shaham, violon

Quelques mots pour dire qu'en premier lieu j'ai vraiment savouré la Mer de Debussy pour mon premier concert grand orchestre à la Philharmonie depuis presque 7 mois. (mémorable Mahler 6 par Saraste début mars https://classik.forumactif.com/t9347-philharmonie-mahler-6-lieder-degout-saraste-4-5-03-20 )
Je ne compte pas le concert "moyenne formation" de Mäkelä en juillet.
Bref, cette Mer a été une grande réussite, je peux comparer avec Heras-Casado, avec Harding, tous avec cet orchestre, ou Muti avec Chicago, mais je n'ai pas entendu d'aussi belle Mer depuis P.Järvi lui-même déjà en 2015. (et je pense que c'était encore mieux cette fois-ci)
J'ai eu peur qu'il n'ait que très peu de temps pour répéter, mais vraiment c'était superbe du début à la fin, un vrai engagement de l'orchestre (les pizz mordants à la fin du I par exemple), des bois et même des trompettes très virtuoses, aucun temps mort, aucune approximation audible, un climax du I parfaitement amené...
Quelques tempi un peu lents mais c'était bien fait et très contrasté, tout passait merveilleusement bien.

Le reste du concert était vraiment très bien aussi (la suite de Daphnis sans le choeur, c'est toujours un peu frustrant, mais ça ne m'a vraiment pas gêné cette fois, il y avait tant de belles choses à y entendre!), mais c'est vraiment la Mer qui m'a scotché.
Järvi semble avoir toujours une belle complicité avec cet orchestre.

J'étais au concert de mercredi.

Concert de jeudi (hier soir) :

J'avais choisi cette date en particulier car c'était le concert d'adieu d'Ana Bela Chaves, premier alto solo de l'Orchestre de Paris depuis 1980. Un moment très émouvant.

Gil Shaham a vraiment une personnalité attachante, un jeu constamment expressif qui convient bien à cette scie qu'est le concerto pour violon de Tchaïkovsky. Le visage de Shaham réagit à chaque phrase de l'orchestre, il semble encourager tel ou tel pupitre, vient se coller très près de Järvi à de nombreuses reprises, et ne dissimule aucune de ses émotions aux solos de Vicens Prats (flûte) et Alexandre Gattet (hautbois). Cela s'est confirmé dans La Mer mais les vents de l'OP sont renversants de beauté sonore, comme s'ils avaient joué sans discontinuer depuis des mois.

Xavier a tout dit sur cette Mer d'une grande densité sonore, ses trompettes triomphales et son hautbois solo dont le souffle n'a rien à envier à Arnaud Jerald.

La star de la soirée était évidemment Ana Bela Chaves : ovation debout à la fin du concert, bouquet de fleurs, petit discours d'Aïche qui l'invite à jouer avec lui le bouleversant mouvement lent de la Symphonie Concertante de Mozart. David Gaillard surgit côté cour et remplace Ana Bela au siège de premier solo, le silence se fait et alors que l'orchestre, Philippe Aïche et Ana Bela Chaves ont commencé à jouer depuis quelques minutes, Gil Shaham revient sur scène où il remplace Philippe Aïche ! Sans doute la vraie surprise de la soirée pour Ana Bela.

Une soirée décidément mémorable.

Ça fait plaisir à lire ! On avait peur qu'ils se soient relâchés (ou, tout simplement, qu'ils soient moins performants faute d'avoir pratiqué ensemble pendant des mois), et manifestement ils sont heureux de jouer, c'est super.

(Je ne les ai pas revus depuis le début de l'année pour ma part, peut-être même la fin de 2019.)

J'y étais mercredi soir. Je ne peux que partager l'enthousiasme général quant à La Mer debussyste, où vraiment les incessants changements de textures rendaient un paysage tout à fait splendide. Oui, ces pizz. à la fin du I était sublimes. Je suis toujours frustré en revanche que Paavo Järvi sélectionne la version révisée de 1909, où Debussy retire notamment la fanfare finale dans le III. Malgré ça, c'était du très haut niveau.
Je ne parlerais pas du concerto de Tchaïkovski que je connais trop mal pour en dégager un avis constructif, mais l'enthousiasme que dégageait Gil Shaham était vraiment vraiment perceptible, si bien que l'écoute de l'œuvre était plaisante.
Une suite de Daphnis à laquelle j'avoue être resté sur ma faim, la partition et le rendu demeurent beaux mais il n'y avait peut-être pas cet élan, un peu impulsif que j'attends dans cette œuvre.

Il est à noter que c'était une semaine Ravel à la Philharmonie : Salonen qui donne le Concerto en Sol et le Tombeau de Couperin ; Roth qui donne Rapsodie espagnole, La Valse et Boléro, et enfin Järvi avec Daphnis.
Peut-être faudrait-il aller voir Chamayou à RF dans cette version révisée du Concerto pour la main gauche... Cette révision apporte-t-elle véritablement un regard neuf sur la partition ?

Il y a aussi le concerto en sol et Ma mère l'oye à Radio France ce samedi.

Oui quelle merveilleuse soirée jeudi. Shaham est vraiment extraordinaire dans ce concerto qui m'ennuie un peu : virtuosité jouissive bien sûr, mais surtout espièglerie, dialogue avec le chef et l'orchestre dont les solistes rivalisent d'invention, et un sourire qui se communique irrésistiblement au spectateur. Beau bis aussi, assez long, de la compositrice Reena Esmail, dans un style planant/déchirant qui s'appuie sur des mélodies traditionnelles juives. Précédé de la lecture du poème de Hafiz qui l'a inspiré, When The Violin.

Je serais un peu moins enthousiaste que vous sur une Mer certes engagée et débridée, qui fait briller un orchestre virtuose mais que j'ai trouvée tonitruante et manquant de poésie. Järvi a exhorté à plusieurs reprises l'orchestre à plus de mesure, l'index sur les lèvres, sans guère d'effet.  Contraste avec celle entendue le lendemain par Mikko Franck et le Philhar', version plutôt lente, où la respiration, le naturel, le rubato insensible de Mikko ont fait merveille (1 partout pour les orchestres. Les trompettes du Philhar' sont desservies par l'acoustique de Radio France). Ces défauts n'en étaient pour moi plus vraiment dans Daphnis, toujours enivrante.

Des critiques qui ont eu des impressions assez proches : https://wanderersite.com/2020/10/une-soiree-aux-couleurs-impressionnistes/
https://www.resmusica.com/2020/10/01/paavo-jarvi-et-lorchestre-de-paris-des-retrouvailles-imprevues/

Mais sans conteste les adieux d'Ana Bela Chaves furent le moment marquant de la soirée. Un bouquet apporté par Järvi, l'orchestre et le public qui applaudissent à tout rompre, un court discours de Philippe Aïche, le mouvement lent de la Sinfonia concertante et il fallait déjà à Ana Bela toutes ses forces pour rester stoïque et  jouer sa partie. La porte arrière des coulisses s'entrouvre, une figure de lutin s'y glisse, violon en main, Aïche regagne sa place à l'orchestre, Gil Shaham fait son apparition aux côtés de Chaves et y déploie sa merveilleuse sonorité (parce qu'en plus musicalement c'était beau). Non vraiment c'était trop émouvant.    

Une belle photo trouvée sur Instagram

Xavier a écrit:

J'ai eu peur qu'il n'ait que très peu de temps pour répéter, mais vraiment c'était superbe du début à la fini

Pourquoi cette crainte pour ce concert en particulier ?

J'avais cru comprendre qu'il arrivait de Londres un peu dans la précipitation, et on sait que la plupart des artistes étrangers annulent leur venue ces temps-ci... (et puis ce sont des tubes, on pouvait craindre une soirée de routine pas assez préparée)

Actéon a écrit:

La star de la soirée était évidemment Ana Bela Chaves [...] Philippe Aïche et Ana Bela Chaves ont commencé à jouer depuis quelques minutes, Gil Shaham revient sur scène où il remplace Philippe Aïche ! Sans doute la vraie surprise de la soirée pour Ana Bela.

Moment immortalisé par une vidéo. Grand succès sur les réseaux.  

https://www.facebook.com/watch/?v=272807780516403

(comme souvent des approximations dans les publications de l'OP : "Anna Bella Chavez" dans le bandeau en bas de la vidéo   )

Dans un océan de concerts remaniés, le plus souvent de façon décevante, cette soirée à la PP sonnait plutôt bien ! Grand plaisir de retrouver Paavo Järvi avec son orchestre !

J'y étais le mercredi soir, et j'ai donc raté le dernier soir d'Ana Bela Chaves.

L'occasion pour moi de découvrir ce concerto pour violon de Tchaïkovski : la vraie rencontre de cette soirée pour moi. Le violoniste m'a enthousiasmé, une personnalité attachante, très vivant, parfois un peu bizarre (comme lorsqu'il s'approche du chef pour lui parler, en plein morceau), mais parfaitement en phase avec le concerto. Le morceau est grandiloquent, virtuose au possible, peut-être un peu caricatural par certains aspects, mais vraiment exaltant, avec des soubresauts incessants, des thèmes entêtants, de l'émotion, un mouvement final joué à un tempo mi-endiablé mi-hystérique... J'ai vraiment apprécié ce violoniste émouvant, simple, attachant, ravi d'être là, pour son premier concert depuis le confinement... A revoir !

Rappel : Isolation rag, de Scott Wheeler, que j'ai déjà plus ou moins oublié.

Debussy et Ravel ne m'auront pas laissé un souvenir impérissable, et j'ai l'impression d'être passé à côté de quelque chose, à vous lire. Il est vrai que ce n'est pas mon répertoire de prédilection. Je ne sais pas ce que j'attends exactement de la Mer, mais à part une version au disque par Dutoit, c'est un morceau qui a malheureusement tendance à me laisser indifférent. La version de mercredi soir n'a pas échappé à cette règle. Idem pour Daphnis et Chloé. Dommage ! Il est vrai que j'avais des paillettes dans les yeux grâce au concerto.