(un sujet réclamé par l’un de nos membres.
)
Compositrice italienne née en 1983. Son parcours l’a amenée à Paris, puis entre Berlin et Boston.
* J’ai entendu plusieurs fois Iannotta parler des œuvres qu’elle a écrite pour Wilhem Latchoumia et donc pour le piano. Elle dit toujours la même chose, à savoir qu’il lui est impossible d’écrire pour le piano « normalement », c’est-à-dire en ne touchant que les touches : elle a besoin de trifouiller dans les cordes pour aller chercher autre chose. On pourrait alors croire que sa démarche s’apparente à celle d’un « regard critique sur les ruines de la modernité » à la Lachenmann, ou penser à Spahlinger quand il disait « Si les grattements derrière le chevalet était enseignés dans les conservatoires, je n’écrirais plus que des sons normaux. » Pourtant je pense que Iannotta ne pourrait jamais prononcer cette phrase. En fait, elle appartient à une nouvelle génération plus optimiste de compositeurs (avec, par exemple, Marina Khorkova, avec qui je lui trouve quelques points communs) qui s’ils sont bel et bien engagés dans une recherche incessante de sons
autres, ne s’intéressent pas tant à eux pour leur potentiel de subversion dialectiques des catégories historiques etc., ni dans une pure démarche destructrice/négative, mais simplement pour
écrire du son, écrire du bruit, créer des univers sonores propres et beaux.
* Car ce qui pose problème avec les touches du piano, ce n’est pas tellement leur poids historique que leur limitation technique. Iannotta, elle, préfère les cordes, qui sont largement dominantes dans son œuvre. Avec les cordes et l’archet, toutes les continuités sont possibles : pas seulement le glissando, mais par exemple l’espace continu entre le
tasto et le
ponticello, ou tout ce qu’un esprit créateur et inventif peut imaginer, et en définitive la continuité entre le bruit et le son. Et en effet il n’y a que ça chez Iannotta, des sons, bruits, textures qui se métamorphosent de façon continue. (C’est bon, j’ai assez dit
continu ?)
* L’univers sonore de Iannotta, sa poétique, est en majeure partie fait de
petits sons, parfois jusqu’à la limite de l’imperceptible, avec une affinité particulière pour l’aigu et l’hyperaigu. Elle imagine et crée des mondes intérieurs en sourdine, voir étouffés, mais qui abritent toute une vie presque animale (ou insecte) quand on y prête attention. Iannotta a souvent un langage imagé pour parler de ses œuvres, ce qui se retrouve aussi dans les titres : par exemple, elle parle des profondeurs sous-marines « où la pression constante et le mouvement perpétuel semblent façonner l’immobilité du temps. » Je l’ai aussi entendue évoquer son acouphène, et je trouve l’image de l’acouphène
très parlante pour décrire sa musique.