Je vous propose un panorama le plus complet possible de la discographie du Rossignol.
On trouve à l'heure actuelle 5 enregistrements studio officiels, à quoi il faut ajouter un live publié récemment par le Met, une vidéo et une bande radio récentes.
-Cluytens (1955, mono, seule version en français)
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Stravinsky (1960)
-Levine (1984, live)
-Boulez (1990)
-Craft (1997)
-Conlon (1999, existe aussi en DVD sous la forme d'un film en playback, film que je n'aime pas beaucoup d'ailleurs)
-Ono (vidéo de 2010, mise en scène de Lepage, peut-être un jour en DVD?)
-Boulez (2010, live de Berlin, non paru hormis sur internet: https://www.digitalconcerthall.com/en/concert/1658 )
-Saraste (2012)
André Cluytens (couplé avec des mélodies de Delage chez Testament)
Je suis en train de l'écouter, c'est la seule version en français et pour ça au moins ça mérite l'écoute; le son est potable mais pas de qualité toujours régulière. (c'est l'édition Naxos que j'écoute, peut-être est-ce meilleur chez Testament?)
Jean Girodeau est un Pêcheur charmant mais très précieux, tandis que Janine Micheau fait un Rossignol assez atypique par ses intonations presque hors-sujet.
On retrouve Lovano en Empereur ou encore Michel Roux en Chambellan.
Je dois dire que ça fait bizarre d'écouter cette oeuvre en français... ça donne un côté un peu daté à l'ensemble, et d'une façon générale ce n'est pas une version qui exploite le versant moderne de l'oeuvre. (en cela on n'est pas aidé par la qualité sonore évidemment)
Je trouve le 2è acte un peu mou et manquant de couleurs.
Bon, ça s'écoute quand même avec curiosité et sans déplaisir.
EDIT: il faut absolument prendre l'édition Testament, le son est excellent alors que chez Naxos c'est étouffé et très irrégulier, ça change beaucoup de choses et il me faudra peut-être réécouter et réévaluer cette version.
Livret et traduction française présents dans l'édition Testament.
Ma note:
Igor StravinskySe trouve dans l'intégrale Sony dirigée par
Stravinsky. (pour rappel, coffret indispensable, 22 CD pour 40 euros, parfois encore moins)
C'est une splendeur d'un point de vue sonore par rapport à la version Cluytens qui ne précède celle-ci que de 5 ans.
Pourtant l'orchestre de l'Opéra de Washington n'est pas le plus beau qu'on puisse trouver (ni le plus virtuose, quelques ratés de trompette au 2è acte), mais la prise de son très claire nous fait enfin entendre les merveilles orchestrales de l'oeuvre. L'ensemble est dirigé de façon très tranchante, mettant plus en valeur l'esthétique post-1913 (tout ce qui fait penser au Sacre, notamment au II) que le côté debussyste du premier acte, ici d'une beauté froide.
Reri Grist est un beau Rossignol, très soigné et précis, d'un joli timbre.
Le reste de la distribution me semble sans faille. (Donald Gramm en Empereur)
Ma note:
James LevineSe trouve dans la collection des 40 ans de James Levine au Met, dans un coffret
Stravinsky. (10 dollars sur Amazon.com)
C'est une soirée de février 1984 enregistrée en live. (au passage, quel programme copieux pour une seule soirée!)
C'est un peu moins impeccable que les studios à venir de Boulez, Craft ou Conlon d'un point de vue purement instrumental (quelques ratés de trompette, un peu plus nombreux que chez
Stravinsky me semble-t-il), mais l'orchestre est très beau et la prise de son très naturelle.
La distribution est de belle tenue, sans maillon faible ni étincelle particulière. Le Rossignol de Gianna Rolandi est très virtuose mais ce n'est pas le plus beau des rossignols de la discographie. Le Pêcheur de Philip Creech n'est pas très agréable.
Un live intéressant notamment pour la direction et l'orchestre de Levine, mais la distribution la met un peu en-dessous des versions
Stravinsky, Boulez, Craft ou Conlon.
Ma note:
Pierre Boulez Peut-être la version la plus équilibrée, la mieux distribuée aussi.
Boulez n'est pas aussi moderne et tranchant que
Stravinsky, mais donne une lecture claire et articulée mettant autant en valeur les influences de Rimsky, Scriabine (piste 2, à 3'40, on se croirait vraiment dans le mouvement lent d'une symphonie de Scriabine, avec cette flûte et ce violon solo) et Debussy que le côté moderniste des deux derniers actes.
L'orchestre est vraiment idéal, plus propre et plus beau que celui de la version
Stravinsky, tout est transparent et resplendit, et le choeur est très au point.
Le Pêcheur de Caley est très clair et juvénile, j'aime beaucoup.
Le Rossignol de Bryn-Julson n'est pas le plus agile qu'on puisse trouver, mais ce n'est pas pincé comme d'autres, c'est chanté de façon très lyrique et nuancée; ça n'est peut-être pas toujours aussi aérien qu'on le souhaiterait, si on est un peu difficile.
Le reste de la distribution est très luxueux, avec F.Palmer en Cuisinière et Tomlinson en Chambellan.
Du coup, si ce n'est pas la perfection, on s'en approche.
(parfois il faut savoir reconnaître qu'en certaines occasions, Pierre Boulez n'est quand même pas loin d'être un très grand chef...)Ce disque ne se trouve plus en neuf, mais si vous le trouvez (ça se trouve facilement en occasion ou en médiathèque), les autres versions en deviennent beaucoup moins indispensables.
Livret et traduction française présents dans l'édition Erato.
Ma note:
Robert CraftC'est un peu plus terne globalement, la prise de son est un chouilla moins claire que celle des deux précédentes versions. (et puis une petite réverb alla Naxos, bon rien de bien méchant ceci dit, mais ça nuit un peu au tranchant du 2è acte)
Le début est peut-être un peu rapide, on y perd un peu de mystère.
L'orchestre Philharmonia fait de très belles choses dans l'ensemble.
Robert Tear n'est plus très frais et son Pêcheur au vibrato un peu envahissant n'est pas fascinant pour un sou.
Le Rossignol de Trifonova est vraiment admirable, le chant est très rond et très charmeur, mais les seconds rôles sont moins charismatiques que chez Boulez.
En résumé, un Rossignol admirable et un très bel orchestre, sinon c'est une version moins marquante, quoique tout à fait réussie dans l'ensemble.
Quelque part c'est un peu l'opposé de la version
Stravinsky, ça sonne plus opulent mais moins net et tranchant que le compositeur lui-même.
Bon ensuite il faut reconnaître que cette version a le mérite de se trouver à 1,30 euros d'occasion sur Amazon et de proposer un Sacre du printemps (pas tout à fait génial ceci dit) en complément...
Ma note:
James Conlon Très certainement l'autre grande référence avec Boulez, la prise de son de cet enregistrement studio est assez belle et naturelle, l'orchestre excellent, la distribution de premier choix ou presque, le Rossignol un peu maniéré de Dessay se révélant tout de même assez séduisant.
L'ensemble est juste un peu plus impersonnel et moins tranchant.
En fait il n'y a rien à redire mais c'est juste un peu moins enthousiasmant et moins définitif que la version de Boulez, un chouilla plus terne peut-être, en revanche c'est plus abouti que toutes les autres versions officiellement parues à mon sens.
Je déconseille le DVD du même enregistrement, qui est un film en playback. (mise en scène qui se veut moderne mais qui est déjà datée avec ses effets vidéo un peu ridicules)
Ma note:
(la suite prochainement)
Sinon j'aimerais beaucoup entendre le live Boulez Berlin Hannigan dont on trouve un extrait sur la chaîne de l'orchestre: https://www.youtube.com/watch?v=Hm9yQwN8s9k
Jukka-Pekka SarasteIl s'agit d'un live de 2012, mais l'enregistrement est un montage de plusieurs soirées.
La prise de son est assez chouette, proche et détaillée, l'orchestre excellent, même si malgré le montage il reste une ou deux imprécisions (tout de même très rares) par ci par là.
Du fait de cette prise de son, certains instruments ressortent plus ou moins que les équilibres habituels, ce qui n'est pas inintéressant.
Presque tous les chanteurs sont russes (Vaneev chante l'Empereur, Prudenskaya la Cuisinière...), à l'exception de Mojca Erdmann, qui est peut-être l'un des plus beaux rossignols de la discographie, même si une vocalise se trouve un peu basse au 2è acte, malgré le montage. (mes deux interprètes favorites du rôle, Peretyatko avec Ono et Hannigan avec Boulez, n'ont pas été publiées)
Le Pêcheur (Akimov) n'est pas très beau, mais ça fait bien chanson de pêcheur qui ne sait pas forcément bien chanter, ça marche assez bien donc d'une certaine façon...
Belle version, à écouter, mais derrière Boulez et Conlon pour moi.
Le sympathique couplage offre Pribaoutki chanté par Katrin Wundsam et les deux poèmes de Verlaine par Hans Chrisoph Begemann.
Ma note: