ONDIF/Sinaisky - MacMillan/Mozart/Chostakovitch - 30/03/23

Programme de la soirée :
James MacMillan : Ein Lämplein verlosch
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n°21
Dmitri Chostakovitch : 10e symphonie

Direction : Vassily Sinaisky
Piano : Sélim Mazari
Orchestre national d'Ile-de-France

Concert programmé à la Philarmonie mardi que j'ai vu en différé à l'espace Carpeaux de Courbevoie, où j'y ai un abonnement depuis plusieurs années. Jusqu'à présent, c'est principalement dans cette salle que j'assiste à mes concerts classiques annuels (soit avec l'ONDIF, soit avec l'Ensemble Orchestral des Hauts-de-Seine).

Ce joli programme pour le moins contrasté proposait, en guise de hors-d'œuvre, une pièce contemporaine (2018) de James MacMillan intitulée "Une petite lampe s'est éteinte". Le compositeur écossais (auteur d'un Anthem pour les funérailles de la reine Elizabeth II) a composé cette œuvre, témoin de sa foi catholique, en hommage à sa petite-fille polyhandicapée et décédée en 2016. Il s'agissait ce soir d'une création pour un important ensemble de cordes, l'œuvre ayant été initialement composée pour quatuor.
En tout cas, j'ai bien aimé : l'atmosphère à la fois mystérieuse et fervente du début était plutôt réussie, notamment grâce à l'utilisation des harmoniques. La pièce alternait entre courts passages tonaux et d'autres beaucoup plus dissonants et violents, certaines montées dans les aigus m'ont clairement évoqué Chostakovitch (peut-être fallait-il y voir un lien avec la 10e symphonie jouée en deuxième partie de soirée). Une œuvre courte, qui est passée comme un songe.

Ensuite, le célébrissime 21e concerto pour piano de Mozart, qu'il est évidemment toujours plaisant d'entendre. Le jeu du jeune pianiste Sélim Mazari était sobre, élégant, sans esbrouffe, bien engagé dans les passages plus véhéments, ce qui convient tout à fait à cette œuvre. Il m'a tout de même semblé manqué d'un peu de poésie et d'abandon dans son interprétation, notamment dans le fameux deuxième mouvement. Pas grand-chose à dire sur la direction dynamique de Sinaisky et l'orchestre, d'une belle clarté.

Le point fort de la soirée fut incontestablement la 10e de Chostakovitch, et j'y ai senti le chef et l'orchestre plus dans leur élément que dans le concerto de Mozart. On voit que Sinaisky, qui fut l'assistant de Kirill Kondrachine, connait bien son Chosta : une direction au cordeau et des climax parfaitement maitrisés de bout en bout, très impressionnants à entendre en concert. Dès les premières notes, dévolues aux contrebasses, on est happé par cette musique lugubre et pesante, qui finit par devenir entêtante et à muer en une véritable explosion sonore. J'ai trouvé les cordes particulièrement belles dans les passages sombres et mystérieux, tandis que les bois ont fait montre d'une belle énergie (il faut dire que cette partition ne les ménage pas !). Tout comme le timbalier qui semblait très fier de sa prestation.
Seule ombre au tableau : un groupe d'enfants qui ne cessaient d'applaudir au mauvais moment, en plein milieu des mouvements (phénomène débuté durant le concerto), notamment à la fin des climax. Lorsque nous avons entendu des bribes d'applaudissements trois minutes avant la fin de la symphonie, je me suis dit que nous avions affaire à un bel exemple de comique de répétition
En bref, une belle soirée !

Merci Napo pour ce joli compte rendu !

J'y étais également, à la PP mardi soir. Très beau concert, satisfaisant de bout en bout. Je ne connaissais ni le chef, ni le pianiste, mais les deux m'ont séduit. Comme j'avais un peu de temps l'après-midi, je suis allé assister à la "Clef d'écoute" consacrée à la symphonie, dans la salle de conférence : passionnante analyse ! Conférencier bien sérieux, voire un peu austère, public de gens plutôt âgés et très féminin, mais expérience qui porte bien son nom de "clef d'écoute", conférence qui explique parfaitement le propos du compositeur, ses intentions, les moyens déployés... avec un langage à la fois technique et pédagogue. Finalement, c'est plus intéressant que le concept d’œuvre augmentée tel que nous l'avons vu à RF la semaine passée, car plus efficace pour un public déjà formé aux rudiments de la musique, où le vocabulaire et les bases sont acquis. Ça a duré 1h tout rond, avec des extraits de la magnifique vidéo de la symphonie par l'Orchestre de la WDR Cologne, dirigé par Bychkov en 2010 (lien ici : https://www.youtube.com/watch?v=CftCpQf8vXo la prise d'images est en elle-même une œuvre d'art).

Salle plutôt correctement remplie, avec de larges trous dans les rangs néanmoins.

MacMillan : je partage l'avis de Napo, belle pièce, manquant peut-être d'envergure, du fait de son effectif réduit (cordes uniquement) et de sa petite dimension (5 minutes). J'espérais y retrouver les émotions monumentales et mystiques de La confession d'Isobel Gowdie, découverte la saison passée à RF avec Marin Alsop, et qui ne cesse de tourner sur mon ordinateur depuis (magnifique pièce que je recommande à toutes les oreilles). On en redemande !

Mozart : lassé et même plus que lassé d'entendre des concertos de Mozart à la PP depuis des semaines, c'est une over-dose... J'aurais dû mieux cibler mes concerts, en veillant à me pas créer de tels doublons. Néanmoins, comme le précédent (le n°24, entendu le 20 avec Montero/Alsop/RSO Vienne), celui-ci fait partie des concertos de grande envergure, avec de magnifiques passages. Le mouvement central est terriblement célèbre, mais le réentendre en condition de concert permet de l'apprécier différemment. Pianiste de grande qualité, habité par son jeu et son interprétation. Direction un peu en retrait, mais sans relâchement pour autant. Piano qui sonnait parfaitement, sans prendre le dessus, sans ce son métallique si souvent entendu à la PP.

Rappel : Beethoven, Bagatelle n°5 op. 33, réinterprétée par Richter (identifiée grâce au mail de l'ONDIF qui remercie d'avoir assisté au concert). Morceau joyeux, lumineux, riant, très agréable, avec un pianiste qui prend plaisir à jouer.

Chosta : le plat de résistance du concert, en effet. Le chef aurait dû imposer le silence à la salle, car les premières notes ont commencé dans le brouhaha général, alors qu'elles ont une importance capitale, exposant le premier thème du mouvement. Lecture assez académique, sans parti pris particulier, et qui a tout de même parfaitement fonctionné. C'était très beau, très efficace. Chef charismatique, très engagé, malgré une économie de mouvements notable. Pour la beauté de l'orchestre, je reprends les mêmes mots que Napo : belles cordes, bois efficaces, cuivres magnifiques, timbalier très en forme... L'ONDIF des grands soirs, du même bois que pour le concert récent dans Sibelius 1, ou en janvier dans Prokofiev. Débauche de moyens orchestraux dans certains tuttis, cette partition regorge de surprises et de ruptures, le tout dans un genre d'économie de moyens cocasse (seulement trois thèmes dans un premier mouvement de... 25 minutes !). Le scherzo est l'une des plus belles pages de la musique symphonique du XXème siècle, je ne m'en lasserai jamais ! Tempo fouetté, des frissons tout du long ! Le conférencier indiquait qu'il s'agissait d'un portrait de Staline : bien beau portrait !
Symphonie magnifique !

Chef qui salue bizarrement : à seulement quelques pas de la porte des coulisses, de sorte que le premier violon ne le voyait pas, lui tournant le dos.

Magnifique soirée !

J'y étais aussi mardi soir, et je partage à peu près tout ce que tu as dit.

La bagatelle de Beethoven n'avait rien à voir avec Richter je crois, ils ont envoyé un mail pour corriger cette erreur.

Xavier a écrit:

La bagatelle de Beethoven n'avait rien à voir avec Richter je crois, ils ont envoyé un mail pour corriger cette erreur.

Leur second mail laisse planer le doute : s'agissait-il de la bagatelle de Beethoven et c'est tout, ou d'une version augmentée/améliorée/malmenée par Richter ? Je ne connais pas assez le morceau pour me prononcer.

Citation :

Le bis interprété par Sélim Mazari était bien évidemment la Bagatelle n° 5 op. 33 de Ludwig van Beethoven dont nous avions réécouté avec plaisir l'interprétation de Richter !

Toutes nos excuses pour l'erreur qui s'était glissée dans notre premier envoi !

Ils expliquent leur erreur (dans le premier mail, ils annonçaient la bagatelle opus 33 n°5 de S.Richter) par le fait qu'ils ont écouté l'oeuvre par Richter, je crois que c'est tout.

Merci pour ton compte-rendu, Rocktambule, qui confirme toutes mes impressions !

J'ai eu droit à la même "clé d'écoute" que toi, on dirait. J'ai beaucoup apprécié la grande rigueur du conférencier, ainsi que les extraits vidéo de la version Bychkov proposée, filmée de façon très étonnante en effet.
Le fameux groupe d'enfants dont je parlais était présent (ce qui contrastait avec un public particulièrement âgé), et s'est beaucoup amusé des nombreuses grimaces de Bychkov... Évidemment, cette conférence n'était pas vraiment adaptée pour ce jeune public, mais ils ont au moins trouvé le moyen de passer le temps
Lorsque nous sommes passés à la présentation du 21e concerto, le conférencier a brièvement abandonné son sérieux et a déclaré, d'un ton malicieux : "Maintenant c'est le pianiste qui va vous faire rire".