Mozart, dans sa Symphonie n°29 en la majeur, composée en 1774, emploie une orchestration dépouillée, sans percussion ni trompettes. Simplement deux cors et deux hautbois et les cordes. Et pourtant, avec cet effectif réduit, la facture de cette partition est tout simplement admirable. Et cette musique est tout ce qu'il y a de plus mozartienne. Dans l'ambitieux premier mouvement noté Allegro moderato, trois sujets se distinguent. Dans le premier, le chef imprime un son léger et aérien aux cordes. Les violons attaquent bille en tête dans cette mesure vive à 2/2 avec beaucoup de dynamisme. Le deuxième sujet, plus tranquille fait apparaitre énormément de détails d'orchestration, notamment dans le chant confié au quatuor. Le deuxième mouvement, d'une grande élégance rappelle par moment la Symphonie concertante. Le hautbois impressionne par ses couleurs. Le menuet joueur, au rythme saccadé, consiste en un jeu de question réponse du plus bel effet avant un final intense et dynamique, notamment la fugue irrésistible du premier sujet du dernier mouvement.
Changement d'époque et d'ambiance après l'entracte. La Symphonie n°5 de Chostakovitch a été composée en 1937 après une cabale contre son opéra mythique, Lady Macbeth de Mzensk que Staline n'aurait pas aimé. Et à cette époque en URSS, une telle chose pouvait valoir une condamnation à mort. C'est ainsi que la Symphonie n°5 constitua pour son auteur une "Réponse d'un artiste soviétique à une juste critique." Le succès fut au rendez-vous, et la symphonie sauva probablement la vie du compositeur. Cependant, ce qui plu autant au régime réussit également à plaire au public qui y reconnu la douleur de l'époque dans la force émotionnelle de la partition. Daniele Gatti de son côté, envisage la chose de façon assez cérébrale, marmoréenne, propre. Le début du premier mouvement, intense, plein de tension fait entendre le superbe pupitre de cordes de l'orchestre de Munich, dans le premier thème, avec un vibrato magnifique. Le deuxième thème, à la rêverie un peu sinistre, contraste avec la tension du début. Le chef joue cela avec un étrange rubato du bel effet, avant que le développement ne commence avec fracas. Les thèmes fusionnent, les climax sont oppressants, les percussions tonnent. La direction de Gatti permet une lisibilité de la structure du mouvement très sereine et très éloquente. Le retour des deux thèmes à la coda, (notamment le premier aux cuivres) est un grand moment de musique. Le scherzo qui suit est bref, strident, avec des attaques généreuses de chaque pupitre. L'humour est omniprésent, notamment grâce aux trilles des bois. Le Largo, commencé par les fonds de pupitre de cordes se déploie comme un mécanisme implacable, inexorable. Les nuances sont précises, le pianissimo trouvé dans la grande salle de la philharmonie est miraculeux. Le vibrato de cordes confirme bien le registre élégiaque de ce mouvement où on sent toute la détresse du monde et les sentiments d'un compositeur qui craint pour sa vie. Et le chef a le mérite d'être très sobre et de s'effacer derrière la musique. Aucun effet pour prendre la couverture. Aucune indélicatesse, au contraire, une grande sobriété. Le final enfin, un peu frivole comparé au Largo est quand même une page remarquable. Pris sur un tempo modéré, le chef prend le temps de phraser, d'articuler et de décomposer la musique afin de construire une apothéose sans faille et sans reproche, avant que la musique ne passe subitement en ré majeur pour conclure, sur une pédale de dominante, fortissimo, avec des cuivres et des percussions déchaînés, pour notre plus grand plaisir. Un concert de grande facture alternant les époques et les genres, mais cultivant la belle musique. Valery Who ? sommes-nous tentés de dire. Il n'y a pas de place pour la propagande de l'innommable dorénavant dans les salles de concerts, où on essaye tant bien que mal de trouver de la beauté, dans ce monde parfois un peu sinistre.