Ce 20 avril 2023 (ainsi qu'hier et demain),
la Scène de Recherche de l'ENS Paris-Saclay donne
/Violet/, de Tom Coult.
Création française d'un opéra anglais (passé par le ROH !), autour de la catastrophe climatique finale.
#ConcertSurSol #95
Chaque jour, une heure disparaît : les habitants de la petite ville voient disparaître le temps, jusqu'à ce qu'au 23e jour, il n'en reste plus qu'une.
Seulement quatre personnages : le maire, sa femme (l'héroïne), leur bonne, et dans deux scènes l'horloger du village.
Tout est bâti sur des scènes courtes, souvent traitées musicalement sous forme d'ensemble, 2 ou 3 personnages chantent ensemble.
Tout cela se fait dans une prosodie très claire, avec une musique où les lignes vocales sont plutôt tonales, et la partie orchestrale plutôt atonale.
On peut comparer l'esprit atmosphérique si dispositif musical à /L'Inondation/ de Filidei, pour situer.
Le duo de décibels pour le dîner avec l'Horloger (à qui le Maire désespéré demande de réparer le Temps…) est particulièrement frappant.
Beaucoup de duos autrement entre le maire (autrefois fier) complètement perdu et sa femme dépressive qui, elle, a tout compris ; ou bien entre la bonne apeurée et l'épouse confiante.
Un des ressorts récurrents : pour chaque nouvelle journée (on en saute, évidemment), interlude avec bande de sons de cloche synthétiques, repris ensuite par l'orchestre de plus en plus densément, comme pour représenter l'étendue croissante du temps qui se comprime.
Très chouette.
Le livret d'Alice Birch, avec sa composante fantastique (les horloges passent en un instant à l'heure suivante), est assez stimulant, mais j'ai tout de même quelques réserves :
¶ il se refuse à donner des pistes de causes, de perspectives. Je me retrouve un peu à sec au bout d'un moment, on a compris le principe, mais on aimerait avoir des pistes pour penser au delà du constat ; le temps disparaît, mais quelles sont les hypothèses ? Et dans le futur ?
¶ j'ai trouvé la dureté sur le personnage du maire assez gratuite : rien n'indique qu'il se soit mal comporté, mais le livret présente avec une certaine jouissance son humiliation par sa femme et sa fin tragique, en nous mettant du côté des rieurs ; je ressens ça comme une forme de réflexe (critique du puissant / du nanti) devenue quasiment une discrimination vis-à-vis d'un type de personnage (un maire ne peut être que méchant avec sa femme, même si le livret ne le dit nulle part) ;
¶ l'action ne semble pas se dérouler dans un passé lointain, et il est donc assez incompréhensible que personne ne cherche à fuir, ou à tout le moins à vérifier si d'autres villes ne vivent pas la même fatalité (c'est dit explicitement, « on ne sait pas ») ;
¶ la fin n'offre pas plus de résolution que le début, avec un choix cyclique amusant, mais qui ne répond pas à la question, même de façon détournée, incomplète ou interrogative.
Le livret est donc stimulant, mais les incohérences / béances l'empêchent de se renouveler ou d'être pleinement opérant / porteur de questions – à mon sens.
Super équipe, où Olivier Gourdy fait comme toujours des étincelles avec sa voix. Et l'Ensemble Maja de Bianca Chillemi, vraiment épatant d'investissement et de précision.
→ https://ens-paris-saclay.fr/en/agenda/opera-violet