Mahler 1, Adams, Korsun Philar de Paris 23/01/2023

Un grand bravo à l'orchestre du Conservatoire de Paris. Chaque pupitre montrait une grande maîtrise instrumentale, même si la cohésion n'était pas toujours (quoique rarement, finalement) d'une grande précision. Cela dit, cela donnait très bien et de façon très homogène.
 La pièce de John Adams était très intéressante sur le plan des superpositions rythmiques et de l'orchestration. Je l'ai personnellement trouvé un peu trop longue pour ce qu'elle avait à dire. J'ai en revanche beaucoup aimé la pièce d'Anna Korsun qui développait un langage de déconstruction à la Penderecki des premières heures. J'ai en revanche été déçu par l'enchaînement direct avec la symphonie. J'aurais préféré une courte pause, afin de savourer pleinement cette oeuvre contemporaine et de me préparer à l'œuvre que j'étais venu voir.
Une très bonne interprétation de la Première Symphonie. Dommage que certains détails motiviques (je parle notamment des motifs que je nomme "identitaires" dans l'analyse que j'ai publié dans le forum) n'aient pas été assez mis en valeur dans le final. Je suis aussi un peu déçu par l'accélération que Kirill Karbits a insufflé à la fin des sherzi, cela le rendait un peu confus. Mais ce sont de menus détails en comparaison du plaisir que j'ai eu à écouter cette Première Symphonie, pour laquelle j'ai toujours éprouvé une très grande admiration

Concert réjouissant en effet ! J'ai pu arriver à temps pour la Titan, que Kirill Karabits a mené avec beaucoup d'allant, c'était très vivant et enlevé, avec des climax particulièrement spectaculaires.
En effet, l'orchestre n'était pas parfait dans les finitions, pas mal de petits décalages et de problèmes d'intonations dans les attaques chez certains vents, c'est là qu'on mesure tout de même la différence avec nos grands orchestres parisiens.
Globalement de très belles cordes (les violoncelles et les contrebasses s'en sont donnés à coeur joie dans le Scherzo), un pupitre de cors irréprochable, d'une grande douceur, et une trompette solo très sure également.

Dans les dernières mesures, les cors se sont levés de manière habituelle, mais ils ont été accompagnés par un trombone et une trompette.

La pièce d'Anna Korsun servait de préambule à la symphonie puisque Karabits a choisi de les enchainer, le début de la Titan a donc été accompagné par les bruits de feuille (?) qui concluaient le morceau contemporain. Le temps de faire la transition, Karabits a fait durer au moins 30 secondes le premier accord de la Titan.

quelle était la pièce de Korsun ?

Concert qui devait, au départ, être dirigé par Marin Alsop, et sans la pièce de Korsun. J'avais plaisir à retrouver le chef Kirill Karabits, découvert il y a une quinzaine d'années déjà à Bordeaux, avec l'ONBA : il m'avait déjà laissé une forte impression, que sa carrière discographique a confirmée. Je connaissais également sa version de Mahler 1, précédée déjà de la pièce contemporaine Audioguide, disponibles sur Youtube.

Adams : je ne connaissais pas une note de cette pièce, facile à écouter, dans le style de Philip Glass, avec des cellules et des manières caractéristiques (utilisation du 3 pour 2, thèmes à la fois minimalistes et entêtants...). Assez agréable dans l'ensemble, malgré quelques longueurs. Jeux des deux claviéristes intéressants, très concentrées, voire absorbées. Karabits dans la direction minimaliste aussi, je ne l'ai pas senti fasciné par le morceau. Je note que cette œuvre correspond plus aux tropismes de Marin Alsop (musique américaine de la seconde moitié du XXème siècle), et j'admire le fait que son remplaçant ait adhéré à son programme.

Korsun : c'est l'occasion de parler de l'orchestre des étudiants du conservatoire. Si on sent qu'ils n'ont pas particulièrement le trac dans le programme habituel, ce morceau les a carrément déstabilisés. Kirill Karabits a instauré le silence absolu dans la salle (silence qu'il a eu le plus grand mal à obtenir d'ailleurs... public assez dissipé), puis l’œuvre a démarré avec des interventions vocales par les instrumentistes (rappelant en cela une œuvre de Ligeti entendue en début de saison par l'OP et Salonen). On lisait sur les visages des musiciens une lente décomposition de trac, chaque musicien entrant dans le chant à son tour, en commençant par les pupitres placés autour du chef, et en élargissant à tout l'orchestre. Ce n'est pas une satisfaction intrinsèque qu'ils fussent déstabilisés, mais ça les a clairement sortis de leur confort, de la routine de leur instrument, et j'ai particulièrement apprécié l’œuvre, grâce à cette attention et cette participation exceptionnelles qu'elle réclame des musiciens.

Mahler : comme si Audioguide avait été composé pour ça, ça s'enchaînait de façon très fluide avec les accords de quarte introductifs de Mahler 1, sur une pédale qui fut ce lundi très très longue, mais qui installait bien l'ambiance mystérieuse et épurée du début de la symphonie. Je ne partage pas forcément l'enthousiasme des copains : j'ai trouvé que chaque pupitre était parfait à sa place, mais que l'ensemble manquait du souffle épique nécessaire à cette symphonie. Kirill Karabits a opté pour une direction minimaliste au premier mouvement, bien que je l'ai senti plus impliqué au fil du développement de l’œuvre, à tel point qu'il en était devenu très expressif à la fin, avec des gestes extrêmes (accroupi, des sauts...). Ils ont tout de même réussi à me faire vibrer dans le final ! Il manquait peut-être l'empreinte d'un orchestre confirmé, avec une couleur propre, fatalement manquante à un orchestre d'étudiants.

Néanmoins, un très beau concert, avec des découvertes, des retrouvailles et une symphonie toujours enthousiasmante.