Ce fut un beau concert, il n'y a pas de doute.
Celui-ci débutait par une pièce de Charles Koechlin intitulée "Vers la voûte étoilée", que j'avais déjà écoutée il y'a longtemps. Quelle œuvre superbe, elle devrait être aussi connue que "Prélude à l'après-midi d'un faune" ! Elle commence tranquillement aux cordes, dans une atmosphère mystérieuse et indéfinissable, avant d'entamer un long et superbe crescendo, parfaitement géré par la direction lisible et graduelle d'Ariane Matiakh, qui maîtrise très bien sa partition. Au tiers de l'oeuvre, je me suis vraiment senti décoller de mon siège pour entamer un étrange voyage parmi les nébuleuses, tant cette lente montée en puissance est impressionnante. J'ai particulièrement admiré l'orchestration (belle utilisation du piano, des timbales, des cuivres ...) et les étranges couleurs harmoniques aux teintes argentées, qui me semblent vraiment être la marque du style très singulier de Koechlin. Cela ne sonne pas comme du Debussy, du Ravel, du Schmitt, du Dukas : c'est un monde un peu à part. Une entrée en matière pour le moins envoûtante, qui donne envie de se replonger dans l'œuvre d'un compositeur majeur mais méconnu (que je connais moi-même assez peu, d'ailleurs).
Changement d'ambiance avec le très romantique deuxième concerto pour piano de Chopin. J'ai tout de suite été frappé par la direction dynamique et précise d'Ariane Matiakh, qui ne semblait pas vouloir cantonner l'orchestre dans un rôle de simple accompagnateur, alors même que le compositeur polonais n'est pas forcément connu pour ses talents d'orchestrateur. Je me suis amusé de certains détails, notamment durant le troisième mouvement (les archets tapotant les cordes, les appels de cor ...) qui montrent que Chopin s'est tout de même fait un peu plaisir pour varier les effets. Le jeu de Lise de la Salle m'a semblé engagé, poétique et sans trop d'emphase. Mais j'aurais du mal à le juger en détail, car le piano sonnait de façon un peu reverbérée et floue, et certains traits se noyaient dans l'acoustique de la salle. Peut-être était-ce dû à mon placement au premier balcon latéral droit (que j'aime beaucoup), qui ne flatte guère les solistes ? Toujours est-il que certains passages m'ont paru un peu mous. Il faut dire que ce concerto, bien que très beau (séduisant deuxième thème particulièrement chopinien dans le premier mouvement, deuxième mouvement très poétique) m'emporte beaucoup moins que celui de Schumann ou le 2e de Brahms, par exemple. Lise de la Salle a joué une piecette de Schubert en bis (dédiée à la "paix dans le monde", ce qui a visiblement émerveillé des vieilles dames qui en parlaient encore à la fin du concert ...), qui est passée comme un songe sans que je ne sois très ému.
J'ai été ravi d'entendre une nouvelle fois en salle les remarquables interludes de Peter Grimes de Britten (vu dans son intégralité à Garnier il y'a quelques mois), et ce dans une acoustique qui rend mieux justice à l'orchestre. L'OP a d'ailleurs déployé de très belles couleurs tout au long de la soirée, à mon grand bonheur. J'ai pu profiter à fond de l'orchestration très étonnante de ces pièces, dans lesquelles Britten fait usage de nombreuses percussions (xylophone, cloches tubulaires, tambourin ...) avec intelligence. L'intermède final de la tempête fut dirigé à pleine puissance, comme il se doit (timbalier en folie !).
Quel bonheur d'entendre ma première Mer en concert, une œuvre que j'aime par-dessus tout !
Je n'ai pas été déçu par la direction d'Ariane Matiakh, qui n'était certes pas vaporeuse comme on peut parfois l'attendre dans cette pièce, mais d'une grande lisibilité et précision, avec une volonté de mettre en valeur chaque instrument. Le rendu global était très satisfaisant, et l'orchestre ne s'est pas montré avare de couleurs. Une mer plutôt calme dans les deux premiers mouvements, sans qu'il n'y ait de moments de flottements, et qui se déchaîne à la façon de la tempête de Peter Grimes dans le troisième ! J'ai frissonné dans les passages où je m'attendais à frissonner, comme la fin du premier mouvement où les vagues semblent se fracasser contre les falaises (passage qui manque parfois de puissance et de netteté dans certaines versions de référence) ou la fin du troisième. Timbalier une nouvelle fois en folie, ce qui lui a valu des applaudissements nourris à la fin du concert.
Un petit incident a d'ailleurs été évité entre le deuxième et le troisième mouvement, où des bribes d'applaudissements ont immédiatement été interrompus par des "chuuuuuts" en provenance du parterre et du premier balcon
Public content et soirée revigorante !