Conférence de Jérôme Ducros au Collège de France

Salut à tous. Nombre d'entre vous doivent déjà savoir de quoi il s'agit, mais pour ceux qui l'ignoreraient, voilà une brève introduction à la chose.

 Le jeudi 20 décembre 2012, le pianiste et compositeur Jérôme Ducros a mené une conférence intitulée "L’atonalisme. Et après ?" au Collège de France, dans laquelle il met en question la place de l'atonalité dans la musique contemporaine (non sans quelque véhémence peut-être) à renfort d'exemples joués au piano ou diffusés par des haut-parleurs.

 Cette conférence, volontairement polémique, n'a pas manqué son but, et mit en branle tout une partie du monde musical français, ceux criant, en toute mesure, "au révisionnisme musical", et d'autres criant, tout aussi mesuré, au génie. Quoi qu'on en pense, je trouve que ce genre de prise de position peu "politiquement correcte" dans le milieu de la musique contemporaine est très salubre car elle a le mérite de relancer un débat qui vit, j'en suis convaincu, aux tripes de nombreux musiciens, mais que peu osent aborder (ceci dit, au vu des réactions hystériques de certains je ne m'en étonne pas).

Aussi, je serais très intéressé d'avoir votre avis sur la question, vos impression sur cette conférence controversée...

Je ne sais pas s'il est autorisé de poster le lien ici, mais sinon le nom de la vidéo sur youtube est:

" Musique : art, technique, savoir (10) - Karol Beffa (2012-2013) "

Hâte de lire vos réponses!

Kijé!

Coucou Kijé !

On en a déjà beaucoup parlé, tu l'imagines !

Je crois que la plupart d'entre nous sont tombés d'accord sur les faiblesses de cette conférence :

¶ Généralisations abusives : entre une série modale, le minimalisme, le spectralisme, le dodécaphonisme et la tonalité subvertie / dépassée – à base de quartes, de triades atonales, hyperchromatisme… aucun rapport. Et Ducros tend à mettre tout ça dans le même panier : c'est moche / c'est nul / c'est de l'imposture.

¶ Gestes rhétoriques faibles : mettre un extrait de quelques secondes de Stockhausen (l'un des compositeurs les plus sensibles à la réception, pas du tout un mathématicien dogmatique) pour faire rire la sale, il serait très facile de faire la même chose devant un public qui n'aimerait pas le classique avec un bout de Mozart ou de Brahms.

D'une manière générale, il laisse surtout éclater sa détestation de certaines musiques et sa rancœur de ne pas avoir trouvé sa place comme épigone de Fauré compositeur conservateur, mais ne donne rien à comprendre de ce qui est vraiment en jeu dans les nouvelles écoles du vingtième siècle – et il y aurait pourtant énormément à dire (et à redire) sur les choix opérés, la mise à distance du public, etc. Mais il faut le faire en expliquant les procédés et les projets, pas juste en se moquant de ce qu'on ne comprend pas.

Salut David!

Merci pour cette synthèse à la fois limpide et dense en réflexions. J'arrive donc après la bataille... Par curiosité, où pourrais-je trouver vos discussions passées sur le sujet? Je n'ai pas réussi à trouver...

Peut-être des contradicteurs quelque parts...?

Le Contemporain et vous, peut-être ? Possible qu'il y ait même un fil spécial. (Mais on a causé de ça en plusieurs fois, et la première c'était il y a presque quinze ans…)

Disons que si on n'aime pas la musique atonale, Ducros fait un excellent stand-up, on peut s'indigner avec lui et rigoler de ses saillies. Mais pour que ce qui est d'une argumentation décisive, on en est loin – et c'est assez en dessous du niveau ordinaire des conférences au Collège de France, même en musique (où ce ne sont clairement pas les communications les plus techniques).

Ah oui tiens, c’est vrai que c’était au Collège de France…

Pour moi on est clairement dans l’idéologie (voire dans le complotisme, par moments on croirait presque entendre Onfray, Didier Raoult ou je ne sais qui)…

Il y a apparemment eu une discussion ici .

Songeur a écrit:

Il y a apparemment eu une discussion ici .

Merci Songeur! Je viens de lire la discussion, très intéressante, grâce à ton lien.
Et merci David pour "Vous et le contemporain", des choses très intéressantes à lire (mais y'a foison tout de même;;; )

Golisande a écrit:

Pour moi on est clairement dans l’idéologie

Oui, enfin moi c'est surtout le ressentiment qui gêne ici, mais oui le manichéisme, avec ce niveau de mauvaise foi qui interdit au final la discussion, même si y a des choses qui pourraient se discuter, c'est exprimer d'une telle manière..
Un truc qui m'a marqué c'est quand il fait de la flagornerie en passant un morceau de Beffa... on sent vraiment la mécanique malsaine du milieu à l'œuvre.

Mais comment Beffa a pu le laisser rédiger et présenter une conférence pareille ?

bambou a écrit:

Oui, enfin moi c'est surtout le ressentiment qui gêne ici

Ça va souvent ensemble, surtout pour un certain type d’idéologie (qu’en l’occurrence je qualifierais tout de même de réactionnaire, même s’il ne s’agit « que » de musique et qu’il s’attaque à quelque chose de déjà ancien) : on sent effectivement qu’il a des comptes à régler, ce qui l’empêche d’être neutre et simplifie du coup énormément son propos — ç’aurait été une autre paire de manche d’essayer de démontrer d’où peut naître le plaisir dans l’écoute d’une œuvre de Schoenberg ou de Stockhausen, alors qu’en se limitant aux critères de la musique tonale rien de plus facile que de dézinguer en bloc tout ce qui ne l’est pas… En prime ça lui permet de faire son show et d’avoir les rieurs de son côté, ce qui serait plus difficile avec un propos sérieux et fouillé.

« Le style atonal, qu’on l’appelle moderne ou contemporain, peut-importe, n’a plus rien offert de véritablement étonnant depuis près d’un siècle »

Songeur a écrit:

Mais comment Beffa a pu le laisser rédiger et présenter une conférence pareille ?

Ben justement l'impression qu'on a c'est que Beffa est dans le coup, et utilise Ducros pour régler ses comptes avec ses "ennemis" du milieu.

bambou a écrit:

Songeur a écrit:

Mais comment Beffa a pu le laisser rédiger et présenter une conférence pareille ?

Ben justement l'impression qu'on a c'est que Beffa est dans le coup, et utilise Ducros pour régler ses comptes avec ses "ennemis" du milieu.

Golisande a écrit:

Et puis Beffa, franchement...

Beffa vaut beaucoup mieux que ça il me semble.

Que quoi ? (Je ne connais pas bien du tout, mais ce que j’ai entendu, bof…)

Golisande a écrit:

Que quoi ? (Je ne connais pas bien du tout, mais ce que j’ai entendu, bof…)

Que Ducros !

Beffa est un profond admirateur de Ligeti et Dutilleux, un passionné de la musique du XXème siècle, de Webern, je ne le vois pas trop accepter le genre de raccourcis que fait Ducros. Il faudrait examiner cette histoire de plus près.

Il a écrit une bio de Ligeti chez Fayard.

arnaud bellemontagne a écrit:

Il a écrit une bio de Ligeti chez Fayard.  

Et un livre sur le XXème siècle…