En l’occurrence, il ne s’agit pas de musique de film (enfin, en partie: apparemment, les
Songs for Ariel sont extraites de la B.O. de
Prospero’s Book de Greenaway), mais bon, je ne vais pas non plus créer un fil Michael Nyman en rubrique générale juste pour médire...
Donc, j’ai écouté ce disque qui vient apparemment de sortir:
• No Time in Eternity (2016), Songs for Ariel (1992), Self-Laudatory hymn of Inanna and her Omnipotence (1992) pour voix et ensemblePaulin Bündgen (contre-ténor) / Ensemble Céladon
Lyon, XI.2016
æonJuste un mot pour dire que ce disque contient aussi un certain de nombre de compositions d’époque élisabéthaine pour voix et / ou pour consort de violes qui sont très recommandables: d’une part, parce qu’il s’agit d’œuvres assez rares, même dans les disques consacrés à ce répertoire (deux Tye et un Byrd, mais aussi du Nathaniel Patrick, du Picforth, du Farrant), d’autre part parce qu’elles sont très bien interprétées (Paulin Bündgen a une voix vraiment fluette mais fait preuve d’un souci du mot assez rare pour un contre-ténor, et l’Ensemble Céladon est excellent - avec Emmanuelle Guigues et Nolwenn Le Guern...) Même si je préfère l’accompagnement de luth dans ce répertoire, c’est vraiment bien.
En revanche, toute la partie Michael Nyman...
Je me suis laissé entraîner dans ce traquenard, pour deux raisons: d’abord parce que le label æon ayant quand même plutôt pour habitude de publier des compositeurs comme Pauset, Jarrell, Dufourt ou Ferneyhough, je m’étais dit que s’ils publiaient du Nyman, ce serait peut-être du Nyman un peu exigeant; ensuite parce que les
Songs for Ariel faisaient partie du disque
Michael Nyman Songbook par Ute Lemper que je me souvenais avoir trouvé pas mal il y a très longtemps.
Dieu sait que suis bien moins usager de ce vocabulaire que d’autres ici, mais pour le dire simplement, Nyman c’est vraiment
nul à ch***. En fait, techniquement, c’est aussi consternant que du Philip Glass (des boucles d’arpèges à l’harmonie sommaire qui se succèdent systématiquement par nappes rythmiques lent-vif-lent-vif-lent...), mais sans le conceptualisme austère de ce dernier: chez Nyman, il y a en sus une manière mélodique assez racoleuse - ça sonne souvent variété ou musique de pub.
Une fois cela posé, il convient de préciser que:
1. il n’y a
aucune évolution stylistique entre les pièces de 1992 et celle de 2016;
2. les
Songs for Ariel sont plus supportables parce que plus courtes: quand ça dure de 10 à 15 minutes comme
No Time in Eternity ou
Self-Laudatory hymn..., ça devient vraiment très,
très pénible;
3. ce genre de musique avec en plus une voix de falsettiste (je précise que Paulin Bündgren n’est pas lui-même en cause), c’est réellement une purge.
Par souci de comprendre pourquoi je n’avais pas gardé un si mauvais souvenir que ça du
Michael Nyman Songbook, j’ai donc retenté:
• Six Celan Songs (1990), Songs for Ariel (1992), L’Orgie parisienne (1989) pour voix et ensembleUte Lemper, Michael Nyman / Michael Nyman Band
Londres, 1991
ArgoÇa ne devient pas par enchantement de la bonne musique, mais effectivement ça fonctionne beaucoup mieux - pour des raison assez faciles à cerner:
1. Les
Six Celan Songs et
L’Orgie parisienne sont sensiblement moins mauvaises parce que la gestion du flux rythmique y est moins systématique que dans les
Songs for Ariel (et a fortiori que dans les deux pièces plus longues du disque de l’Ensemble Céladon).
2. Le Michael Nyman Band intègre aussi des vents (dont pas mal de cuivres), ce qui certes ne rajoute pas au raffinement de la chose (on peut même dire que ça pouëtte-pouëtte sévère) mais lui confère une variété de timbres et un mordant que ne peut avoir un consort de violes qui sonne à la fois crincrin et lisse.
3. Ute Lemper y apporte son style de chant non-classique et sa personnalité, ce qui là aussi relève sensiblement l’exercice: ça prend tout de suite un côté un cabaret très marqué - c’est très engagé, le chant est un peu rauque, grasseyant, parfois beuglé, tantôt
sprechgesang tantôt
musical, pas dénué d’un certain érotisme un peu poisseux, et du coup, c’est beaucoup plus expressif et même prenant (en particulier
Chanson einer Dame im Schatten dans les
Celan Songs). Là aussi, un contre-ténor classique sonne par contraste forcément trop lisse et trop précautionneux.
(Après, bon, ce genre de musique pour du Shakespeare, du Celan ou du Rimbaud, hein...)