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| Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) | |
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Auteur | Message |
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Wagneropathe Mélomaniaque
Nombre de messages : 1476 Age : 33 Localisation : Paris Date d'inscription : 01/06/2010
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Sam 1 Jan 2011 - 22:57 | |
| - Montfort a écrit:
- je ne t'en voudrais pas de ne pas relever que pour assurer la cohérence de cette entreprise, le metteur en scène aurait du aussi réécrire quelques phrases du livret qui, pour un esprit borné comme le mien, mettent à mal la crédibilité de sa démarche....
Ce n'est pas un problème pour moi (comme disait Daniel Balavoine) : à partir du moment où une transposition est effectuée, on peut comprendre que quelques phrases du livret ne correspondent plus exactement à ce que l'on voit. J'ajoute que tout cela peut très bien se produire sans que soit trahie la signification générale de l'oeuvre. Sinon, il faudrait aussi s'horrifier de voir presque toujours Isolde debout au moment où le Roi Marke s'exclame "tout le monde est mort !"... Tisser des liens familiaux entre les personnages de Don Giovanni me semble opportun au point que j'ai du mal à dire qu'il s'agit d'un artefact ex nihilo, ce qui pourtant est le cas (enfin, presque : en son temps déjà, Sellars avait su voir et faire voir la gémellité entre Don Giovanni et Leporello). Il s'agit d'un moyen efficace de mettre en valeur quelques unes des particularités structurelles de l'opéra, en particulier pour ce qui concerne les personnages. Ceux-ci sont relativement peu nombreux, et de typologies homogènes. Bien sûr, l'un est le rôle-titre, et 7 autres ne le sont pas, mais il est clair qu'il n'y a pas de comprimarii dans cette oeuvre, que tous les personnages sont traités en véritables protagonistes non seulement individuellement à travers quelques morceaux de bravoure mais encore et surtout ensemble, en tant que troupe finalement (la construction des ensembles, la manière dont Da Ponte a su faire porter par chacun une pierre essentielle à l'intrigue est éclairante à cet égard), au contraire des Noces de Figaro, mais à l'instar de Cosi fan Tutte, qui se déroule entre les murs d'une même maison. On a parfois dit que Don Alfonso est "un Don Giovanni revenu de l'enfer" (je ne sais plus qui, de Raimondi ou de Chéreau, a dit le mot en premier, mais ils ont su magnifiquement le comprendre ensemble, à Aix déjà, en 2005), que Guglielmo et Ferrando, en apprenant à tromper, apprennent à se comporter en futurs Don Juan, que Despina est le pendant féminin de Leporello... La petite intrigue familiale brodée par Tcherniakov montrait ce qui, dans Don Giovanni, annonce Cosi fan Tutte : point de Mozart qu'on assassine de ce côté-ci. Courageusement, l'optique de Tcherniakov tente également de démêler ce que beaucoup des metteurs en scène de Don Giovanni (la grande majorité, en fait, à part peut-être Haneke) avaient, par superficialité ou par découragement, laissé de côté : la première fois que j'ai écouté cette oeuvre, qui est le premier opéra que j'ai entendu intégralement, j'ai eu clairement l'impression que Mozart et Da Ponte me faisaient prendre connaissance d'une intrigue qui avait déjà commencé bien avant l'intrusion du personnage éponyme chez Donna Anna. Il se dissimule à son regard car il craint d'être reconnu : un peu plus tard, on saura qu'il a, avec Ottavio et sa fiancée, des liens "d'amitié" ; il est probable que les paysans, habitant non loin de sa propriété, ne sont pas ignorants de ce qu'il est, ni de la réputation qui est la sienne, pourtant Zerlina ne fait pas trop de difficultés (et finalement Masetto non plus) ; les travestissements qui peuplent l'ouvrage soulève des questions : au lever du rideau, Anna ne semble agacée que par le masque de celui qu'elle appellera ensuite son "agresseur" qui refuse de lui montrer son visage ; serait-ce qu'elle ne s'est pas trop farouchement opposée à ses avances ? Pourquoi les trois masques sont-ils opportunément invités par Leporello à participer à la petite sauterie du final du I ? "L'échange" Leporello-Don Giovanni au début du II est également plutôt troublant... Tout ces éléments donnent confusément au spectateur (et même au simple auditeur de CD que j'étais en ma folle jeunesse) la certitude que toute cette petite société se connaît, se côtoie, se tolère peut-être avec de plus complaisance qu'il n'y paraît. Le cadre familial de Tcherniakov correspond assez bien (et par définition) à cette familiarité que l'on peut déceler entre les différents personnages. Et, ce faisant, le metteur en scène russe rappelait astucieusement que même au théâtre, ce qui paraît être n'est pas forcément ; là encore, j'y vois un hommage à l'oeuvre, au compositeur, à son librettiste, grands maîtres des clairs-obscurs. Fallait-il vraiment pour cela que Tcherniakov fasse cette transposition de cette manière précise ? Non, bien sûr : il y a toujours plusieurs manières de transcrire visuellement des thèses à défendre. Mais Tcherniakov prend le parti d'exposer ce qu'il veut révéler de l'oeuvre le plus nettement possible, et dans cet esprit, je maintiens que la "transposition familiale" était sans aucun doute la démarche la plus cohérente à adopter. Et je pense sincèrement qu'on ne saurait assimiler tous ces efforts effectués dans le sens d'une démonstration (mais aussi d'une incarnation: quelle cohérence et quelle vie, dans les déplacements des acteurs, quelle vérité se dégage des personnages !) de ce que l'oeuvre a de plus profond, de plus complexe et peut-être de plus dérangeant, à des lubies d'artiste narcissique sans faire preuve d'une certaine mauvaise foi, d'autant plus forcenée quand on essaye par le même coup de faire passer ceux que ces démarches artistiques intéressent pour de graves psychopathes perdus dans les vapeurs du haschich. Ceci dit, bonne année 2011 tout de même, car je suis un progressiste. |
| | | Pelléas Mélomaniaque
Nombre de messages : 1875 Date d'inscription : 02/08/2009
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 0:01 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Oui, Guryakova était pas mal à l'époque, même si Tatiana n'a jamais été le rôle qu'elle caractérisait le mieux.
Pour la reprise en revanche, c'était plus discutable. C'est en 2003 que je l'ai vue et entendue Olga Guryakova , j'en ai un bon souvenir, c'est vrai que c'est toujours elle aujourd'hui... |
| | | Montfort Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4155 Age : 75 Localisation : Paris 16 Date d'inscription : 11/05/2010
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 10:22 | |
| - Xavier a écrit:
- Vous pouvez pas discuter calmement?
Quel besoin de s'invectiver comme ça? Ca sert à quoi? C'est pas un combat, juste une discussion... Tu as raison, mais si on me traite de vieux réactionnaire aigri, j'aimerais bien savoir pourquoi - je constate que dès qu'il s'agit de parler du fond, c'est à dire de ce que donnait à voir cette mise en scène, mes contradicteurs deviennent moins diserts. Montfort |
| | | Dave Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2659 Age : 34 Localisation : Toulouse Date d'inscription : 17/04/2008
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 12:49 | |
| - Montfort a écrit:
- Xavier a écrit:
- Vous pouvez pas discuter calmement?
Quel besoin de s'invectiver comme ça? Ca sert à quoi? C'est pas un combat, juste une discussion... Tu as raison, mais si on me traite de vieux réactionnaire aigri, j'aimerais bien savoir pourquoi - je constate que dès qu'il s'agit de parler du fond, c'est à dire de ce que donnait à voir cette mise en scène, mes contradicteurs deviennent moins diserts.
Montfort Tu as lu le post de Wagneropathe ? |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 13:44 | |
| - Wagneropathe a écrit:
- Ce n'est pas un problème pour moi (comme disait Daniel Balavoine) : à partir du moment où une transposition est effectuée, on peut comprendre que quelques phrases du livret ne correspondent plus exactement à ce que l'on voit. J'ajoute que tout cela peut très bien se produire sans que soit trahie la signification générale de l'oeuvre.
Si ça ne trahit pas l'ensemble, ça le fragilise, ça c'est certain. Si l'on trouve des problèmes dans l'apport d'une transposition avec certains éléments du livret, c'est la preuve de son manque de pertinence (d'une manière générale, j'ai du mal à voir imaginer une transposition pertinente). Le problème, c'est que ces transpositions n'apportent en général que bien peu de choses, et nous obligent à nous coltiner de graves paradoxes visuels et/ou auditifs, qui, s'ils peuvent être voulu dans des oeuvres d'esthétiques contemporaines, n'ont aucune légitimité dans des oeuvres d'esthétique classique, romantique... Le pire étant bien sûr lorsque l'on arrive au point où l'on coupe littéralement dans l'oeuvre certains passages. Au XXIème siècle, il serait temps d'avoir une certaine éthique esthétique vis-à-vis des oeuvres du passé. - Citation :
- Tisser des liens familiaux entre les personnages de Don Giovanni me semble opportun au point que j'ai du mal à dire qu'il s'agit d'un artefact ex nihilo, ce qui pourtant est le cas (enfin, presque : en son temps déjà, Sellars avait su voir et faire voir la gémellité entre Don Giovanni et Leporello). Il s'agit d'un moyen efficace de mettre en valeur quelques unes des particularités structurelles de l'opéra, en particulier pour ce qui concerne les personnages.
Le but d'une mise-en-scène, ce n'est pas de transformer l'implicite en explicite, ni de métamorphoser une structure profonde en apparence de surface. Le metteur en scène devrait être le complice du compositeur et du librettiste dans leur démarche et dans leurs procédés. Or, dans ce type de cas, on a bien souvent l'impression que le metteur en scène ne comprend pas ce que le compositeur et le librettiste ont fait, ni ce qu'il fait lui-même, et qu'il n'en mesure pas plus les incidences esthétiques. |
| | | Montfort Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4155 Age : 75 Localisation : Paris 16 Date d'inscription : 11/05/2010
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 14:08 | |
| Wagneropathe a du talent dans l'argumentation, mais sur le fond, je reste en total désaccord avec lui : le livret de Da ponte n'a pas besoin d'etre surinterprété ni "enrichi" avec des inventions qui l'affaiblissent plutot qu'elle ne le renforce. Il y avait aussi le caractère outrancier de certaines scènes, qui rendait le propos parfaitement ridicule. j'ai envi de citer le mot de Stravinski à propos d'un chef qui lui suggérait de modifier une de ses partitions "ici, vous n’êtes pas chez vous, jeune homme !" Si Tcherniakov estime avoir des choses nouvelles à dire sur Don Juan, et pourquoi pas, c'est un mythe universel, qu'il aille au bout de sa démarche et écrive une pièce ou un livret pour une oeuvre originale...
Ceci dit, excellente année 2011 à tous.
Montfort
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| | | Otello Mélomane chevronné
Nombre de messages : 7308 Age : 58 Date d'inscription : 20/05/2010
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 18:45 | |
| - Montfort a écrit:
- Wagneropathe a du talent dans l'argumentation, mais sur le fond, je reste en total désaccord avec lui : le livret de Da ponte n'a pas besoin d'etre surinterprété ni "enrichi" avec des inventions qui l'affaiblissent plutot qu'elles ne le renforcent. Il y avait aussi le caractère outrancier de certaines scènes, qui rendait le propos parfaitement ridicule.
J'ai envie de citer le mot de Stravinski à propos d'un chef qui lui suggérait de modifier une de ses partitions "ici, vous n’êtes pas chez vous, jeune homme !" Si Tcherniakov estime avoir des choses nouvelles à dire sur Don Juan, et pourquoi pas, c'est un mythe universel, qu'il aille au bout de sa démarche et écrive une pièce ou un livret pour une oeuvre originale... excellent! entièrement d'accord sur tout |
| | | Montfort Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4155 Age : 75 Localisation : Paris 16 Date d'inscription : 11/05/2010
| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) Dim 2 Jan 2011 - 18:49 | |
| Pour compléter la réflexion sur le sujet, fréquemment débattu, des limites que devraient ou non s'assigner les metteurs en scène d'opéra, je recommande la lecture dans : Dialogue sur la musique et le théâtre - écrit par Chéreau et Barenboim à propos de la mise en scène de Tristan à la Scala, du chapitre intitulé "Dangers de l'interprétation" - on voit comment un esprit rigoureux aborde la question.....
Montfort |
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| Sujet: Re: Eugène Onéguine / Bolchoï / Garnier (09/2008) | |
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