Autour de la musique classique

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 Bloch - Schelomo

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Barbajuan
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MessageSujet: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyJeu 29 Jan 2009 - 14:19

J'ai lu sur ce forum pas mal de critiques assez élogieuses de cette pièce, que j'aimerais bien découvrir car Bloch m'est quasi inconnu. Il semblerait que beaucoup de grands noms l'aient dirigée (Ancerl, Bernstein, Järvi, Svetlanov,...). Quelques versions de référence à me suggérer ? Merci !
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2009 - 13:28

Bernstein, sans hésitation!
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2009 - 14:25

voilà, j'attendais que quelqu'un le signale: une version démesurée mais qui est la seule à rendre compte de la puissance dévastatrice de ce chef d'oeuvre .
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adriaticoboy
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2009 - 22:39

Il y a au moins 2 versions de Bernstein, non ? Une avec Rostro et le National (EMI) et une autre plus tardive avec Maisky et le philharmonique d'Israël.
De laquelle parlez-vous ?

Je ne connais que Navarra/Ancerl (Supraphon) et il faudrait d'ailleurs que je réécoute.
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2009 - 22:43

Rostro et Paris en ce qui me concerne (couplée à l'époque en vinyl avec le plus beau concerto de Schumann), je ne connais pas la plus tardive (mais ça m'étonnerait qu'il ait oublié comment faire entre temps)
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Barbajuan
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2009 - 22:56

Ah ben j'ai chopé celle avec Maisky et l'Israel Philarmonic, c'était la seule de disponible. On verra bien ce que ça donne, j'ai pas de référentiel de toute façon.

Merci pour le tuyau Very Happy
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptySam 7 Fév 2009 - 22:03

moi je parlais de l'autre, celle avec Israel.
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Diablotin
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyDim 10 Oct 2010 - 13:56

Magnifique version de cette oeuvre émouvante par Pierre Fournier avec le philharmonique de Berlin, dirigé par Alfred Wallenstein, chez DGG, enregistrée en 1967 semble-t-il. Prise de son un peu sèche, mais très correcte.
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Horatio
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyMar 3 Jan 2012 - 0:30

Bloch : Schelomo

Une petite présentation sur une œuvre qui me tient particulièrement à cœur Very Happy !

  1. Présentation

    Le Cycle Juif
    La Rhapsodie hébraïque pour violoncelle et grand orchestre de Bloch est la dernière œuvre de son "cycle juif" - nom que l'on donne généralement à sa première période créatrice, qui s'étend de 1912 à 1916. Bloch vivait alors encore en Suisse, à Genève - il émigrera bientôt aux Etats-Unis. A cette époque, prenant conscience de ses racines juives, il tente de recouvrer un certain esprit juif, l'essence même de cette spiritualité et de l'exprimer en musique.
    En conséquence, les différentes œuvres de ce cycle comportent plusieurs similitudes, dans leur inspiration comme dans leur écriture. Bloch avait écrit les 3 Poèmes Juifs en 1913, sa Symphonie "Israël" entre 1912 et 1916, et Schelomo date de 1916. Le travail de Bloch quant à sa culture peut faire penser à celui de Dvorak : ni l'un ni l'autre ne se contente de reprendre textuellement des thèmes folkloriques (la plupart sont originaux d'ailleurs), mais ils essayent au contraire de extraire la spécificité et de l'exploiter. Ainsi, Bloch n'utilisera presque pas de thèmes folkloriques, mais on retrouve des techniques de composition communes dans ces différentes œuvres.

    Mélodiquement, il construit ses thèmes avec beaucoup de quartes, de quintes et de secondes augmentées. Bloch fait également un usage - parcimonieux - des quarts de ton, toujours dans un but expressif. Il y en a 1 ( Cool ) dans Schelomo, mais une partition comme son Premier Quintette, ultérieur de quelques années, en fait un usage important.
    On a aussi pu voir des similitudes entre ses phrasés et l'hébreu : l'accent tonique (l'intensité) est souvent placé en fin de phrase - en musique, Bloch le traduit par des formules rythmiques répétées en dégradant le matériau musical vers un sommet d'intensité (dans Schelomo, la première descente vers la formule cadentielle).
    On retrouve une grande liberté rythmique dans ces œuvres. Liberté dans la partie soliste, très rhapsodique justement et souvent cadentielle ; dans l'accompagnement également, les ritardandi et les accelerandi étant fréquemment utilisés - Bloch change souvent le mètre ou les tempi. Enfin, la juxtaposition de ces deux parties se fait également de manière très libre, les motifs rythmiques du soliste étant quasiment inconciliables avec l'accompagnement orchestral. Cela m'amène à souligner la chose suivante : la partition de Schelomo est un vrai foutoir Mr. Green , mais j'y reviendrai plus bas. Gardons cependant en tête la grande liberté qui est accordée au soliste quant à l'exactitude rythmique.
    Quant à l'orchestration, elle est à proprement parlée foisonnante, digne des dernières œuvres post-romantiques (Gurrelieder et autres), versant souvent dans une démesure assez hallucinante. La musique est très contrapuntique, et Bloch n'hésite pas à doubler les lignes, à l'unisson ou en parallèle.

    L'Ecclésiaste en musique
    Bloch fut marqué par la Première guerre mondiale, et chercha le réconfort dans la spiritualité. Il fut très touché par le texte de l'Ecclésiaste, et en était profondément marqué lorsqu'il reçu la visite du violoncelliste Alexander Barjansky, avec qui il se lia d'amitié. Bloch pensait alors à mettre en musique les texte de l'Ecclésiaste, c'est-à-dire vocalement, mais déplorait son peu de connaissance en hébreu ; la visite de ce talentueux violoncelliste le décida à abandonner la voix pour le violoncelle.
    «Pourquoi n'utiliserais-je pas une voix plus vaste et plus profonde que tout autre langage parlé - le violoncelle ?»
    Il se mit immédiatement au travail, montrant ses esquisses à Barjansky. Il n'avait pas d'intention descriptive en écrivant Schelomo, mais traduisait l'ambiance du texte qui l'imprégnait tant. Il nomma son œuvre Schelomo (Salomon) en référence à son auteur mythique, et base sa progression spirituelle sur cette phrase : «Vanité des vanités, tout est vanité». Tout au plus a-t-il précisé que le violoncelle représentait le roi Salomon et l'orchestre, le peuple juif.

    La Rhapsodie n'a donc pas de forme prédéfinie ; Schelomo évite toute forme sonate et autre, et se divise en trois parties (de longueurs quasiment égales) qui gardent cependant de forts liens entre elles. En spoiler, quelques extraits thématiques pour illustrer mon propos. Je m'en servirai à la fois comme repères mélodiques, mais aussi rythmiques - il me semble important de bien les identifier ici.

    Spoiler:

    Spoiler:

    La 1e partie s'ouvre par un monologue du violoncelle ponctués d'accords aux vents et aux harpes (A), incarnant le roi Salomon et ses préoccupations. Les premières mesures, profondément élégiaques et incantatoires, mènent à la premières formules rythmiques (C). Après avoir répétés quelques fois ce groupe rythmique, le violoncelle effectue l'une de ces descentes sur un motifs répétés dont je parlais plus haut, pour déboucher sur la cadence (qui reviendra à plusieurs reprises : B), au ton plus sombre encore. L'orchestre rentre après cette cadence, sur le rythme C aux violons, suivis par une formule de triolets (D). Cette première partie a un ton incantatoire, qui évolue lentement vers le premier climax de l'œuvre. Les deux rythmes de D reviennent constamment, rejoins par la nouvelle formule du violoncelle (E), immédiatement reprise par l'orchestre. L'intensité augmente progressivement : thème D aux cuivres, nouvelle déclamation du violoncelle, de plus en en plus enflammée (retour de la formule E). Un court sommet précède une nouvelle montée par palier du violoncelle, qui débouche sur le rythme C. L'orchestre prend le relai dans ce premier climax. Triolets triomphants des cuivres sur des vagues de cordes, avant que ces dernières n'entonnent le thème F. Après ce sommet d'intensité, l'orchestre se délite peu à peu, laissant place à la formule cadentielle du soliste (B), menant à la seconde partie.
    La 2e partie s'ouvre par l'énoncé d'un nouveau thème au hautbois puis à la clarinette (G) - un thème juif d'une sérénité extrême que Bloch aurait appris de son père. Le violoncelle développe sa cadence alors que le thème se propage dans l'orchestre, avant de le reprendre lui-même. Le rythme G et les triolets parcourent l'orchestre, le ton devient incandescent sur les suppliques du violoncelle, qui reprend le thème C. Nouvelle montée par paliers, bien plus urgente cette fois, avant l'explosion orchestrale qui forme le sommet de l'œuvre. Dans un chaos orchestral impressionnant (l'un des plus grands climax de la musique, rien que ça bedo !) résonnent les thèmes C, G et une descente implacable aux cuivres avant que les cordes à l'unisson ne prennent le thème F. Après cette démonstration de force, l'orchestre se délite à nouveau.
    C'est sur le rythme F aux timbales que commence la 3e partie, par un chant ravagé du violoncelle : une longue plainte sans espoir, qui se métamorphose en prière de repentir. Le ton devient soudain plus lumineux avec un changement d'armure (une sorte de vision du paradis). Le thème F revient encore, cette fois rêveur et réconfortant. Après cette courte éclaircie, l'atmosphère se charge à nouveau, et le violoncelle entonne le fatidique thème C vers un nouveau sommet lumineux avec le thème D aux trompettes. Nouveau sommet orchestral, en majeur cette fois - mais la matière sonore est toujours aussi ambiguë, puisqu'elle reprend le précédent climax, résolument mineur ! mais cette fois, les cordes ne reprennent pas le thème F. Au contraire, c'est le violoncelle qui reprend son monologue désespéré et résigné qui s'achève dans les graves, dans une conclusion ambiguë.

    Il est presque impossible de décrire la richesse et la luxuriance de cette partition, dont la majesté semble venir d'un autre âge. Si le cycle juif ne forme qu'un cinquième de la production totale de Bloch, c'est cette partie qui reste la plus célèbre - et Schelomo reste son plus grand succès.
    Je parlais plus haut du caractère post-romantique de la partition, notamment en raison du véritable délire orchestral des différents climax et des différentes ambiances. La virtuosité de l'orchestre est primordiale, sans quoi de nombreuses parties ne seraient que bouillie sans direction. Les pupitres des vents notamment sont très sollicités, les cordes doivent aligner des rythmes impossibles (quintolets - hendécatolets - septolets bedo ) - et les textures sont souvent imbriquées les unes dans les autres. Bref, Schelomo est un tour de force orchestral, encore plus que "solistique", et un exemple de l'art de Bloch, qui a atteint ici l'un de ses sommets.

    _______________________________
    Pour ceux qui souhaiteraient une analyse plus poussée et complète, je recommande cette excellente page web.



  2. Discographie

    Si l'on ne voit pas souvent cette rhapsodie en concert de nos jours, elle est restée très populaire chez les violoncellistes, et compte un très grand nombre d'enregistrements. En voici quelques uns ;

    • Isserlis, Hickox, LSO (1988)

      Bloch - Schelomo 61rJ%2Bt1YNPL._SL500_AA300_

      Le violoncelliste anglais nous fait encore une fois part de sa maestria technique et de son énergie dans les contrastes et ses fulgurances. Le LSO est plus qu'honorable ici : clair, précis, maniable - bien qu'un peu neutre, manquant de mystère. Cependant, on passe à côté de l'œuvre pour moi - et ceci en grande partie du fait d'Isserlis, qui n'a pas saisi l'esprit de cette évocation, qui tombe donc à plat. Le problème est qu'à force de maniérer les phrasés, de souligner chaque trouvailles et d'utiliser constamment le même ton péremptoire - voire prétentieux -, il reste superficiel. La couleur est toujours la même, on ne ressent pas d'évolution et on reste dans le show-off.

    • Fournier, Wallenstein, BPO (1967)

      Bloch - Schelomo 612Z-bCg-iL._AA300_

      Voici la version dont parlait en très bons termes Diablotin. Le jeu de Fournier garde ses caractéristiques, à savoir beaucoup de noblesse et de majesté. Le violoncelliste ne recherche pas l'effet, adopte un tempo mesuré. Ce qui étonne ici, c'est l'intensité qu'il met dans son jeu - intensité qu'il n'atteint que rarement dans ses enregistrements. On pourrait parler d'incandescence contrôlée, d'un moule de classicisme qui contiendrait une énergie sauvage. De plus, le jeu de Fournier est magnifiquement mis en valeur par l'orchestre, qui trouve l'atmosphère adéquate, et par le chef, dont l'entente avec le soliste est remarquable (Wallenstein était d'ailleurs violoncelliste).
      Par contre, chose assez étonnante pour un enregistrement studio, Fournier connaît quelques petits ennuis techniques en début de 2e partie Confused .

    • Kniazev, Svetlanov, Orchestre d'Etat de Russie (1998)

      Bloch - Schelomo 51%2B9YV7DrjL._SL500_AA300_

      Je n'ai pas grand chose à dire de cette version Neutral , sinon qu'elle me laisse relativement indifférent. Tout est trop lent : en conséquence, l'orchestre est diffus et dispersé, les effets de masse perdent de leur intérêt, l'ambiance peine beaucoup à prendre forme, la sonorité orchestral est assez éteinte. Le violoncelliste possède un beau son, très soigné et élégiaque, mais n'arrive pas à dépasser une certaine intensité. Une version mineure.

    • Rostropovitch, Bernstein, ONF (1976)

      Bloch - Schelomo 51L75DRj26L._SL500_AA300_

      Disons-le sans détours, c'est pour moi LA version de Schelomo. On trouve un Rostropovitch plus inspiré que jamais, et un Bernstein incandescent. Un mot sur l'orchestre : l'ONF n'est pas toujours précis ou clair (Bernstein oblige Rolling Eyes ), mais il a le mérite de créer une belle densité sonore et de suivre son chef dans tous ses délires.
      Cette version luxuriante, mégalomane, donne un sens aux qualificatifs "post-romantique", "puissante", "démesurée". On a rarement aussi bien senti la structure en arche, les déchaînements orchestraux sont époustouflants (le climax central !) et les phrasés de Bernstein, qui tord l'œuvre dans tous les sens, sont irrésistibles. Quant à Rostropovitch, il est souverain : sa sonorité est pleine, ses phrasés profondément ressentis (il ne tombe jamais dans la démonstration comme Isserlis), son autorité complète. On le sent même investi du personnage, développant une éloquence démiurgique. Son chant funéraire au début de la 3e partie est véritablement le sommet de cette discographie...

    • Navarra, Ancerl, Philharmonique Tchèque

      Bloch - Schelomo 51ZsRQrCqeL._SL500_AA300_

      Un autre Français dans une version qui tient à la fois de Rostropovitch et de Fournier. Navarra emprunte au premier son tempo, ses phrasés, sa présence - et au second sa majesté, sa retenue. Une belle version donc, très pudique et colorée dans l'accompagnement orchestral, très immédiate dans son expression et moins démesurée que la version de Rostropovitch. Un classique.
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Horatio
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptySam 7 Jan 2012 - 11:51

Citation :
Bref, Schelomo est un tour de force orchestral, encore plus que "solistique".

Je reviens sur ce que j'ai dit plus haut pour étayer un peu mon propos.
A l'écoute de cette rhapsodie, surtout de la partie du soliste, on se rend bien compte qu'elle est assez singulière, qu'elle sort du cadre strictement concertant. En effet, le violoncelle n'a pas vraiment de rôle mélodique - les mélodies ont bien plus souvent reprises et développées par l'orchestre -, ni thématique - certes, il énonce souvent les nouvelles formules, mais il ne les développe pas beaucoup, n'en fait pas de nouvel usage (le thème de la 2e partie n'est repris qu'une seule fois par le violoncelle) et les place souvent aux mêmes endroits (les cadences, les formules rythmiques C avant chaque climax). On se rapproche plus d'une symphonie concertante, mais on peut encore aller plus loin.

Revenons sur la partie soliste : hormis les cadences et les formules rythmiques dont je parlais plus haut, elle se compose surtout de rapides mouvements ascendants et descendants, qui n'ont aucune prétention mélodique propre : trop rapides, souvent au second plan, ils font souvent office de liaisons entre nos différents formules. Ainsi, ce n'est pas le contenant qui importe ici (la "mélodie"), mais bien la direction, le mouvement de la musique. La partie du violoncelle n'est au final qu'inflexions - de longues parenthèses qui se déploient et qui n'ont de sens que prises dans leur ensemble. Pour ma part, je vois ici une donnée essentielle de cette musique : le violoncelle ne chante pas, il parle (non, ça n'a rien à voir avec une certaine violoncelliste française !). Dans ce sens, sa partie devient donc une déclamation, un monologue dont les éléments principaux sont ces inflexions.
Cependant, ce discours ne saurait rester sans réponse : le monologue doit impérativement devenir dialogue avec l'orchestre - car c'est l'orchestre qui prend la fonction mélodique et thématique et qui donne une justification aux inflexions du violoncelle. L'instrument soliste n'est plus une voix dans le désert (pour reprendre une œuvre de Bloch) puisqu'il ne dit pas tout (j'hésite à écrire qu'il ne dit pas l'essentiel !), et sa partie n'a pas de sens sans le répondant de l'orchestre : de la même manière qu'il ne peut y avoir de dialogue mené par une seule personne, le violoncelle ne peut se suffire à lui-même (voilà, par exemple, l'erreur d'Isserlis dans son interprétation). Quitte à subir sa puissance, le violoncelle doit jouer avec l'orchestre, parfois devenir l'accompagnant - mais n'en déduisons pas que Bloch a voulu une cohabitation inégale : c'est celle de l'éloquence et de la luxuriance, si bien que Schelomo n'aurait pas non plus de sens sans la voix grave et profonde du violoncelle.
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyLun 9 Jan 2012 - 13:40

Un grand merci Horatio : tu nous a rédigé une porte d'entrée de grande classe pour cette oeuvre.
Sur tes conseil, j'ai acheté la version Bernstein / ONF / Rostropovitch (téléchargée sur I-Tunes, car assez inabordable au disque...). C'est effectivement une musique très belle mais pas très facile d'accès je trouve. D'où le grand intérêt de ta présentation.
J'ai également le cycle "From Jewish Life" de Bloch (3 pièces pour piano et violoncelle) qui sont plus easy listening, comme on dit en bon français. Les connais-tu ?
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyLun 9 Jan 2012 - 18:47

Merci de ta réponse Fiordiligi Very Happy !
Oui, ce n'est pas une musique d'accès, c'est même étonnant de la part de Bloch (il y a une symphonie de sa jeunesse qui est du même acabit je crois). Réussir à isoler les parties et surtout les différentes atmosphères est assez salutaire je pense - d'autant plus que ce n'est en rien un concerto classique comme je l'ai dit plus haut, le rôle du violoncelle est assez spécial.

Le cycle "From Jewish Life" est un petit bijou, justement ! Là on se rapproche d'une musique juive plus traditionnelle. Je ne peux pas écrire grand chose de plus spontanément, peut-être qu'un de ces jours j'y reviendrai.
A ce sujet, un superbe disque qui regroupe les œuvres pour violoncelle et piano de Bloch. Le jeu de Kanka est d'une grande classe ;

Bloch - Schelomo 51u6aKI7C9L._SL500_AA300_

Quant à moi, j'attends qu'un label réédite les trois suites complètes de Bloch pour violoncelle, les éditions actuelles étant à peu près indisponibles Mad ...
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Hippolyte
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptySam 25 Fév 2012 - 0:30

Je rapatrie ces quelques remarques du fil "Playlist" au sujet de la version Leonard Rose / Eugene Ormandy :

Horatio a écrit:
Hippolyte a écrit:
Horatio a écrit:

Oui, j'ai déjà entendu celle de Leonard Rose ; proche de Navarra par son intensité, et quelle puissance dans ce son ! Rose déploie une sonorité à la fois puissante et colorée, jamais sèche - et ça convient à merveille à la pièce de Bloch, même si on peut trouver plus authentique dans l'expression.

Qu'entends-tu par "authentique" ici ?

Tout le substrat psychologique de la pièce - Bloch avait précisé, bien qu'assez vaguement, qu'il s'inspirait des textes de l'Ecclésiaste (Vanité des vanités...) ; dans Schelomo (dont le titre est une variante de "Salomon") il y a toute cette force presque mystique de la musique, j'oserais dire une puissante réminiscence de la culture juive - Bloch était en pleine exploration de ses racines à ce moment. L'œuvre étant en parallèle foisonnante et très valorisante pour la sonorité du soliste, on peut tout à fait laisser de côté cet aspect mystique (qui resortira toujours, de toute façon) pour se concentrer sur la richesse étonnante de la partition.
Rose n'est pas celui qui se soucie le moins de l'aspect authentique (Isserlis, par exemple, est assez navrant de ce point de vue), mais je trouve par exemple la version de Rostropovitch plus habitée (le monologue d'ouverture, les montées vers les climax) ou celle de Navarra plus "humaine" et concernée. On pourrait ausi parler de l'accompagnement - Ormandy n'est pas aussi cinglé que Bernstein Mr.Red . Il n'empêche que la version Rose est magnifique - d'ailleurs je l'écoute en ce moment même drunken .
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyJeu 26 Avr 2012 - 16:04

Personnellement, je possède une version avec Anne Gastinel qui est excellente.
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyJeu 29 Jan 2015 - 23:33

plenum a écrit:

Horatio a écrit:

Bloch : Suite hébraïque pour alto et orchestre, Schelomo, etc.

Quel dommage, tout de même, que dans la quasi-intégralité des enregistrements de Schelomo la partie orchestrale soit si peu réussie... il n'y a guère que Bernstein (avec l'ONF) pour lui donner un traitement à sa démesure Shit .


Connais-tu la version Navarra et Ancerl?


Smile Horatio, tu connais la version de Lynn Harrell, avec l'orchestre du Concertgebouw dirigé par Haitink (Decca) ?


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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2015 - 9:19

Gabetta/Slatkin récemment paru chez Sony ?
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Horatio
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2015 - 14:09

Mélomaniac a écrit:
plenum a écrit:

Horatio a écrit:

Bloch : Suite hébraïque pour alto et orchestre, Schelomo, etc.

Quel dommage, tout de même, que dans la quasi-intégralité des enregistrements de Schelomo la partie orchestrale soit si peu réussie... il n'y a guère que Bernstein (avec l'ONF) pour lui donner un traitement à sa démesure Shit .


Connais-tu la version Navarra et Ancerl?


Smile Horatio, tu connais la version de Lynn Harrell, avec l'orchestre du Concertgebouw dirigé par Haitink (Decca) ?



Non, je ne l'avais jamais entendue... je me suis donc dépêché de réparer cela Smile .
Une magnifique version, dans une très belle prise de son, assurément, parmi les plus belles que j'ai entendues. Elle dispose de quelques qualités particulières qui méritent d'être soulignées. En premier lieu - quel bonheur d'entendre le Concertgebouw dans cette œuvre ! Quelles attaques chez les cuivres, quelle précision aux pupitres des bois ! Le geste d'Haitink n'est pas pressé, il dévoile cette luxuriante partie orchestrale en la gratifiant d'une exactitude rythmique bienvenue. Les grands intermèdes orchestraux qui ponctuent le discours du violoncelle sont grandioses, contrastés, haletants. Bernstein était plus orgiaque, mais quel festival de couleurs avec Haitink !
Lynn Harrell joue sa partie frénétiquement, brise les lignes et se rapproche aussi près que possible du langage parlé, sans pourtant qu'on puisse l'accuser de vulgarité, et donne ainsi une incarnation particulièrement tourmentée du roi Salomon. Cette approche fragile, d'une certaine manière très humaine, fonctionne parfaitement comme complémentaire du lyrisme bouillonnant de l'orchestre ; cette version est particulièrement vivante, tableau aux mille couleurs d'un roi qui doute et peine à s'imposer face aux murmures qui l'entourent.

Merci de cette superbe découverte cheers !
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MessageSujet: Re: Bloch - Schelomo   Bloch - Schelomo EmptyVen 30 Jan 2015 - 22:51

Very Happy Super !

Dans ta pénétrante exégèse de l'oeuvre (ci-dessus), tu évoquais la complexité, la luxuriance et les luxes de l'écriture orchestrale.

Je ne connais pas d'autre interpétation qui en restitue mieux la virtuosité et les splendeurs. Un des grands disques d'Haitink.

Oui, le violoncelle d'Harrell est très expressif, mais aussi d'une magnifique cohérence, qui sans outrance offre opulence, chaleur et un pouvoir d'émotion là encore rarement atteint.
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