PP - Orch. National de Lille / A. Bloch - Mahler 7 - 19 oct.

Samedi 19 octobre 2019 — 20h30

Grande salle Pierre Boulez - Philharmonie

Gustav Mahler
Symphonie n° 7 "Chant de la nuit"

Orchestre National de Lille
Alexandre Bloch

C'est la première fois que vais entendre Alexandre Bloch dirigeant l'ONL.

Une seule fois pour ma part (grosse claque, dans les Pêcheurs). Et apparemment, à en juger par leur disque Chausson, ils se sont même bonifiés !

J'ai hâte.

Je ne l'ai jamais entendu !
Il reste des places à tarif très abordable pour des bonnes catégories, je crois que je vais me laisser tenter

Même si la 7ème est loin d'être ma préférée...

Si jamais tu veux être présenté à tout le forum, je crois que ce sera l'occasion.

(Non, en fait il va y avoir moins de monde que pour une soirée Wagner, évidemment.)

J'ai pas mal pratiqué Bloch l'an dernier, et je trouve qu'il a très bien pris ses marques avec cet orchestre au cours de la saison dernière.
Je ne serai pas là samedi, a priori, et je ne retourne pas à Lille avant janvier, mais je serai intéressé par vos réactions.

J'y serai. Il est vrai que les tarifs sont alléchants, et les occasions d'avoir Mahler 7 ne sont pas si nombreuses.

J'y serai (avec mon fils: ce sera son premier vrai grand concert symphonique.)

Moi aussi : ma première septième et la seule des symphonies de Mahler que je n'ai pas encore entendues en live !

J'en rentre et c'était formidable: à la fois la construction du discours (l'élan qui ne se relâche jamais, l'art des transitions et des ruptures, les gradations de dynamiques et les équilibres) et la sonorité orchestrale (même si - comme le pressentait Eusèbe - l'acoustique réverbérée de la Philharmonie ne servait pas au mieux l'orchestre, l'image était remarquable de clarté, les timbres extraordinairement colorés - cette petite harmonie! - , des solistes remarquables - mention spéciale pour l'alto - et des percussionnistes d'une maîtrise époustouflante - toutes les sonorités percussives remarquablement détaillées et en place, comme je ne l'avais jamais entendu en concert dans cette symphonie...)

Par ailleurs, je crois n'avoir jamais entendu d'aussi spectaculaires progrès chez un orchestre: dans mes souvenirs d'il y a quinze ou vingt ans avec Casadesus, c'était un orchestre toujours valeureux et engagé mais assez terne de sonorité; alors que là...

(Très heureux aussi d'avoir pu offrir une aussi belle soirée à mon fils pour son premier concert symphonique - et l'occasion de lui expliquer que des différences par rapport à ce qu'il a entendu au disque ne sont pas forcément des «fausses notes», mais peuvent être des choix d'interprétation différents.)

Même il y a 3 ans, j'ai un souvenir vraiment très moyen de Métaboles avec Casadesus.
https://classik.forumactif.com/t8215-philharmonie-chopin-dutilleux-ravel-casadesus-20-06-16

Benedictus a écrit:

des solistes remarquables - mention spéciale pour l'alto -

Remarquable effectivement, et les solistes des cordes sont bien servis par cette partition. Le violon solo (deuxième Nachtmusik) mais aussi le violoncelle et l'alto. Le poste d'alto solo de l'Orchestre National de Lille est vacant (concours en 2020) et c'est Jean-Pascal Oswald, alto solo de l'autre ONL (Lyon) qui jouait hier soir.

Xavier a écrit:

Même il y a 3 ans, j'ai un souvenir vraiment très moyen de Métaboles avec Casadesus.
https://classik.forumactif.com/t8215-philharmonie-chopin-dutilleux-ravel-casadesus-20-06-16

Là, c'était vraiment l'orchestre fin, coloré et élancé qu'on entend dans le disque Chausson... De tels progrès dans un laps de temps si court, c'est tout bonnement incroyable. Ce serait dû aux seules qualités de Bloch, ou il a pu y avoir d'autre facteurs (gros renouvellement des pupitres...)?

Actéon a écrit:

Remarquable effectivement, et les solistes des cordes sont bien servis par cette partition. Le violon solo (deuxième Nachtmusik) mais aussi le violoncelle et l'alto. Le poste d'alto solo de l'Orchestre National de Lille est vacant (concours en 2020) et c'est Jean-Pascal Oswald, alto solo de l'autre ONL (Lyon) qui jouait hier soir.

Oui, je n'ai mentionné que l'alto parce que je crois que c'est la première fois que j'entendais au concert ce solo-là réalisé de façon impeccable; mais tous étaient excellents. (D'ailleurs, Bloch a fait applaudir un à un tous ses solistes - et le public a suivi!)

Cela dit, en y repensant ce matin, les deux impressions les plus fortes qui me restent d'hier soir, c'est d'abord le miroitement kaléidoscopique des timbres de la petite harmonie et la performance des percussionnistes: à la fois sur la netteté des détails que je n'avais entendus jusque là, au mieux, que totalement noyés (le triangle, les verges sur la grosse caisse, les cloches de vaches en coulisse, le tambourin...) ou réalisés de façon assez approximatives (la partie de glockenspiel à deux percussionnistes), et la maîtrise de la dynamique (la manière dont les timbales et la grosse caisse ont gardé une réserve de puissance pour le Finale, le savant amorti du premier coup de gong et l'extraversion du second, le juste niveau sonore des cloches du Finale...)

Je suis content (et pas très surpris) que tu apprécies dans cet orchestre les mêmes choses que moi.

Les progrès faits en deux saisons sont absolument exceptionnels. C'est dû à Bloch, bien entendu, qui a remué une formation qui ronronnait peut-être un peu avec Casadesus: il a un sens des couleurs et une énérgie débordante, qui ne va pas sans risques. J'ai des souvenirs de prestations un peu confuses. Je crois que le projet Mahler est une excellente chose, qui permet un travail de fond. Et le disque Chausson, aussi contribue à construire une identité.

Les pupitres, en particulier les bois, se sont pas mal renouvelés, avec de jeunes musiciens de haut niveau, comme Carlos Barbos-Ferreira à la clarinette, Clément Dufour et Mathilde Calderini à la flûte (sans doute le plus beau pupitre de cette petite harmonie).

C'est avec des chefs invités que j'ai mes meilleurs souvenirs: avec De Vriendt, l'orchestre des modes de jeu radicalement différents. Et puis un Sibelius exceptionnel avec Michal Nesterowicz.

Complètement enthousiaste moi aussi, à la fois de la métamorphose (il y a dix ans avec Casadesus, engagés mais limités instrumentalement, assez gris ; puis il y a deux ou trois ans avec Bloch pour les Pêcheurs de Perles, énergie folle mais pas particulièrement coloré… et aujourd'hui on a l'impression d'entendre un bon orchestre allemand !) et du résultat lui-même, habitué dans chaque interstice – j'ai été étonné de trouver que les mouvements que je n'aime pas (les nocturnes pittoresques) passent aussi vite, et pas seulement à cause du tempo très vif.

Bravo au chef d'avoir impulsé tout cela, et aux musiciens de s'être prêtés à la proposition ! Ils enregistrent cette symphonie dans les jours prochains, les absents pourront en juger.

Exact, enregistrement au Nouveau Siècle, à paraître chez Alpha en 2020. Voilà qui fait envie

Lorsque l'Orchestre National de Lille arrive sur la scène de la Grande Salle Pierre Boulez, on est tout d'abord étonné de voir la disposition des pupitres, notamment avec les contrebasses qui se placent derrière les cuivres. Les violons 1 et 2 placés de part d'autre du chef. Mais à peine le temps de remarquer ces détails que l'on est emporté par l'énergie d'Alexandre Bloch, qui emporte tout sur son passage. Après un début aux couleurs onctueuses, grâce notamment à un pupitre de cuivres excellent. Impossible de se lasser des pages du fameux Tenorhorn dans ce premier mouvement. Sa forme, faite de ruptures de tons, est empoignée avec gourmandise par le chef qui fait crisser les cordes à chaque changement de direction. Une impression de séquençage domine au détriment d'une vision globale hypothétique. Mais plus que le débat intellectuel, l'effet immédiat produit est sans doute ce pourquoi l'on se déplace au concert un samedi soir. L'orchestre s'accorde de nouveau avant d'attaquer la première Nachtmusik. Quel choix judicieux de tempo. Ce mouvement noté Allegro moderato n'est pas gâché lorsque le chef choisit de ralentir un peu. L'ensemble est d'une redoutable précision et une atmosphère mystérieuse s'instaure, ponctuée par la variété de couleurs apportées ça et là par la petite harmonie et les cuivres. Dans ce tourbillon de musique de nuit, on apprécie également les dialogues entre les différents pupitres, mais on déplorera toutefois ne pas forcément entendre certains instruments de l'orchestre à certains moments, pour des raisons d'équilibre. Mais soulignons toutefois ici la légèreté des cordes et surtout, le fabuleux pupitre de violoncelles. Dans le troisième mouvement, le fameux Schattenhaft, le chef apporte un grand soin aux nuances, l'ambiance s'assombrit, comme si un voile recouvrait la salle et l'orchestre. Un son ouaté où les violons se révèlent pleinement, dans un emballement jeu de questions réponses. La seconde Nachtmusik quant à elle étonne par la tension qui en ressort, alors qu'il s'agit d'une élégante sérénade. Mais c'est pour mieux jouer la détente après les passages animés. Ce contraste entre la douceur des harpes, de la mandoline et de la guitare, avec les les cordes qui sont dans un autre registre. Un épisode emplit de délices avant un final en fanfare. Un do majeur de circonstance. Aucune retenue, aucune crainte de la part du chef qui n'hésite pas à assumer l'ambiance festive ce final. Les attaques sont franches, le tempo allant, et les percussions s'illustrent. Ambiance de kermesse, de cirque, pour une joie réelle d'entendre une telle musique jouée par un orchestre à l'engagement sans faille.

En résumé, Alexandre Bloch, c'est des idées, de l'enthousiasme, de la passion. Aucune routine n'a sa place avec lui, et son petit nœud papillon rouge est du plus bel effet !

andika a écrit:

Une impression de séquençage domine au détriment d'une vision globale hypothétique.

Je n'ai pas eu du tout cette impression-là: comme tu le dis, la forme elle-même est toute en ruptures et bifurcations, mais j'ai trouvé que Bloch parvenait au contraire à maintenir une continuité, grâce en particulier à un art assez remarquable des tuilages (les différents morceaux de ce patchwork de textures, de timbres et de rythmes m'a semblé très finement suturé) et de transitions (où il joue avec pertinence d'un rubato assez généreux), mais aussi grâce à un assez remarquable sens du flux, sensible en particulier dans la gestion globale du tempo et des dynamiques (la façon dont toute la gradation des timbales et de la grosse caisse étaient pensée en fonction du fortissimo du dernier mouvement...)

(Pour autant, il peut y avoir des lectures très séquentielles intellectuellement plus satisfaisantes et musicalement plus abouties que bien des lectures «globales» - au disque, Stenz / Gürzenich, par exemple.)

andika a écrit:

la première Nachtmusik. Quel choix judicieux de tempo. Ce mouvement noté Allegro moderato n'est pas gâché lorsque le chef choisit de ralentir un peu. (...)
La seconde Nachtmusik quant à elle étonne par la tension qui en ressort, alors qu'il s'agit d'une élégante sérénade.

Tout à fait d'accord: le choix des tempos et la façon de les moduler par des choix d'agogique assez francs a donné à ces deux mouvements une intensité (et un intérêt!) que je leur avais rarement entendus!

andika a écrit:

mais on déplorera toutefois ne pas forcément entendre certains instruments de l'orchestre à certains moments, pour des raisons d'équilibre.

Où étais-tu donc placé? au deuxième balcon de face, c'était au contraire extraordinaire, on entendait avec netteté le moindre détail (jusqu'aux cloches de vache dans la coulisse!)

andika a écrit:

et son petit nœud papillon rouge est du plus bel effet !

Pas remarqué, en revanche.

J'étais placé orchestre, au 5ème rang, à côté cour. Et je pense que mon positionnement m'a fait manqué quelques délices de la première Nachtmusik, en effet.

Oui, il faut être au moins au 8è rang au parterre pour voir et entendre l'ensemble de l'orchestre, et le plus possible de face bien sûr.

Assez ébloui de voir la transfiguration de cet orchestre. Oui, lecture séquentielle, mais sans baisse de tension (effectivement les Nachtmusik passaient comme des songes, alors qu'elles sont assez pénibles pour moi, d'ordinaire).

L'ensemble a même gagné en couleur depuis leurs Pêcheurs de Perles déjà fous d'intensité.

Absolument ravi (dans une symphonie qui ne me convainc toujours pas vraiment, hors mouvements extrêmes).

Xavier a écrit:

Oui, il faut être au moins au 8è rang au parterre pour voir et entendre l'ensemble de l'orchestre, et le plus possible de face bien sûr.

Je confirme. J'étais au 5ème rang et on n'entend pas si bien que ça la petite harmonie. C'est étonnant car j'étais presque en face.

Déjà été dans les rangs 8-10 : on voit très bien l'orchestre, mais on entend mal (un peu comme au parterre de Pleyel, des vagues de son un peu opaques).