Je colle ici ce que j'ai posté dans le
topic genevois ; à la limite du HS mais pas si loin du
topic discographique, en fait, puisque cela doit être diffusion à la radio
!
Au sujet des Vêpres siciliennes au GTG. Un compte-rendu ici :
http://www.forumopera.com/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=2583&cntnt01origid=57&cntnt01lang=fr_FR&cntnt01returnid=54
Je ne suis pas sûr d'avoir assisté à la même production.
Comme pour la
Donna del Lago (moins tant d'ailleurs que pour la Veuve, en décembre) je salue la force de proposition que représente la mise en scène de
Loy. Comme pour ces deux productions l'assistance était partagée voire franchement hostile (huées, commentaires ; tout cela très attendu, autant que la mise en scène, si j'ose dire voire "folklorique"). Aucun tension vers une quelconque esthétique, ici, mais bien la recherche d'une crudité des images (la guerre, c'est moche !) ; complaisant à sa façon mais dans une volonté affichée de débarasser l'oeuvre d'oripeaux encombrants (inutiles, même, d'une certaine manière). Une tentative d'
aggiornamento qui joue à la fois le jeu de la tradition (il aurait été facile, dans ce contexte, de couper un ballet par ailleurs diablement bien utilisé à mon goût) pour mieux s'en jouer, justement (quelques tutus, quelques costumes "d'époque", à l'image des poncifs réutilisés/décalés dans la
Donna). Je parlais du ballet : il me semble que chercher à superposer un état antérieur (rêvé ? Folâtre, en tout cas) à l'action, qui introduit l'humour dans une narration naturellement pompeuse, comme un conte (comme, aussi, l'intermède/irruption de/dans la vie de trois écoliers) n'est ni totalement gartuite, ni parfaitement inutile.
Au-delà de ça, je reproche un moindre intérêt envers les chanteurs/acteurs (à la différence des deux productions précédentes de Loy, à Genève) et des idées dont on peine à saisir le sens. C'est sans doute la trace ultime de l'échec du metteur en scène, malgré un positionnement que je trouve, moi, à la fois intelligent et courageux (en dépit de la gratuité du déplacement de l'ouverture entre l'acte I et II, lequel dispose, déjà, d'une introduction orchestrale importante).
Quant à la musique, j'avoue une assez grande déception.
Habitué de la version italienne, j'avoue avoir trouvé la version française (pourtant
princeps, si j'ose dire) maladroite, verbeuse voire franchement longue. L'action était pourtant plutôt bien menée/amenée par la direction d'
Abel, vive, colorée (les instruments solistes) et très intelligente dans la gestion des
climax et d'une intimité d'autant plus significative au milieu des grands épisodes épiques ("Courage" au I, par exemple).
Il me semble, par contre, que le GTG a été incapable de réunir une distribution réellement apte à transformer l'essai du retour au français. D'abord parce que la langue elle-même est très rudement malmenée, allant du correct (Montfort) à l'exotique (Hélène, Procida) voire à un
volapük indigne (Henri qui écrète tout ce qui ressemble à une dentale). Henri (
Fernando Portinari), justement, me semble être la pire voix de la soirée, engorgée, distordue, lestée d'un vibrato important et d'une justesse aléatoire (le tiers supérieur de la voix, ici très sollicité) ; les demi-teintes sont très approximatives, le personnage falot pour ne pas dire pénible. Un cran au-dessus, le Procida de
Balint Szabo ; le timbre en lui-même est sympathique mais le chanteur parvient à chanter quasiment tout son air "Et toi, Palerme" quelque part au-dessus ou en-dessous des notes écrites (et paraît s'en excuser au rideau final). Le reste est à l'avenant et l'écoute est, d'emblée déconcertée et le personnage perdu, pour moi. Hélène (
Malin Byström entendue, naguère dans
Cosi à Lyon) est le caractère le mieux dessiné du plateau. Et, si la chanteuse affiche un aigu crâne, la tessiture de falcon dans laquelle est écrit le rôle d'Hélène la met souvent dans une position manifestement inconfortable (
medium détimbré, grave étouffé, etc. ; elle vient, par ailleurs, de faire Mathilde avec Pappano) ; en-dehors d'une entrée assez phénoménale ("Courage") et d'un dernier acte bien mené, les moments clés de la partition airs au IV et au V, duo du IV et "De Profundis" passent sans susciter l'émotion ni l'adhésion. Finalement c'est le Montfort de
Tassis Christoyannis qui satisfait le plus ; beau caractère, présence réelle. Mais la voix, en-deçà des caractéristiques du baryton-Verdi et sans l'empreinte qui fait les belles clés de fa françaises (la voix plie dans l'effort et pâlit devant les enjeux de son air au III) déçoit légèrement. La ligne reste, cependant, la plus musicale de la soirée et l'artiste, le plus finement musicien du plateau.
Une déception assumée, en somme !