Déterrage, et, circonstance aggravante, un peu à la limite du HS, pour deux mises en scène récentes dont
j'espère très fort une prochaine sortie en DVD. Si jamais quelqu'un a des infos...
Pelléas et Mélisande - Festival d'Aix 2016
Direction : Esa-Pekka Salonen. Mise en scène : Katie Mitchell.
Avec : Barbara Hannigan (Mélisande), Stéphane Degout (Pelléas), Laurent Naoury (Golaud).
Parmi les représentations d'opéra auxquelles
j'aurais pu assister et que j'ai ratées, celle-là compte sans doute parmi mes plus grands regrets
(à ma décharge, le "j'aurais pu" est tempéré par le fait que je travaillais à Nancy cet été-là, et n'avais pas encore regagné le sud... ). Mon opéra français préféré. Tout le talent d'interprète, tant du point de vue vocal que du jeu scénique, de Barbara Hannigan (avec, par ailleurs, une excellente diction tout juste marquée par le soupçon d'une pointe d'accent anglophone, touché d'étrangeté qui ne nuit pas à une Mélisande...), Degout et Naoury qui sont évidemment des références en Pelléas et Golaud, le premier faisant apparemment en cette occasion son adieu au rôle. Une direction inspirée de Salonen. Et à mon avis — puisque c'est un peu le sujet du topic — la plus réussie des trois mises en scène aixoises de Katie Mitchell (les deux autres étant, elles, disponibles au DVD,
Alcina chez Erato et
Written on Skin chez Opus Arte via la reprise de la production à Glyndebourne).
Point commun de ces trois mises en scène, l'obsession de compartimenter l'espace ; ici montée un cran au-dessus, puisqu'il ne s'agissait pas de présenter plusieurs "salles" simultanément, mais
(par un dispositif qui a dû être un bel enfer à mettre en place) de n'en montrer qu'une à la fois, cachant au fur et à mesure les autres pans de l'espace, permettant ainsi des changements de décors. L'idée ici est que tout l'opéra est un rêve de la jeune femme (/ jeune mariée ?) qui y est Mélisande, choix de lecture qui ne remet rien en question des dynamiques internes à l'œuvre, tout en se coulant tout à fait dans son atmosphère d'étrangeté particulière, le rythme bizarre de ses péripéties, et en justifiant de très belles idées de mise en scène "pure", à commencer (littéralement) par cette chambre-forêt (de l'image ci-dessus) où Mélisande rencontre Golaud.
La captation était légalement disponible sur The Opera Platform et
moins légalement sur Youtube, l'un comme l'autre ont été retiré, j'espère que c'est le signe d'une commercialisation prochaine : il y aurait là à mon avis de quoi se placer en tête des versions de
Pelléas en DVD, aucune de celles que j'ai vues (pas toutes, mais tout de même : Boulez / Stein, Davies / Vick, Gardiner / Strosser et De Billy / Pelly) ne m'ayant jamais aussi pleinement convaincu.
Parsifal – Wiener StaatsOper 2017
Direction : Semyon Bychkov. Mise en scène : Alvis Hermanis.
Avec : Christopher Ventris (Parsifal), Nina Stemme (Kundry), Gerald Finley (Amfortas).
Assez étonnamment, je n'ai trouvé en ligne
aucun retour en français sur cette production (alors qu'au minimum on aurait pu croire que la prise de rôle de Nina Stemme en Kundry aurait, à elle seule, été cause de quelque attraction...).
Autant je n'ai généralement pas de problème avec la "transposition" simple des costumes et décors d'une époque à une autre, autant je suis généralement plus circonspect avec les metteurs en scène qui "réécrivent" carrément, changeant les relations avec les personnages, etc. — le genre de manipulation dont Tcherniakov est coutumier, typiquement. Mais à toute généralité il faut des exceptions, et en voilà une. C'est la seule mise en scène que je connaisse d'Hermanis avec ses
Soldaten à la Felsenreitschule de Salzbourg (avec Ingo Metzmacher à la baguette et Laura Aikin en Marie - DVD EuroArts), et ce sont à mes yeux deux réussites. Je m'empresse néanmoins de préciser qu'en l'état, cette mise en scène se trouve sur Youtube sans sous-titrage, et je ne peux prétendre encore connaître assez mon
Parsifal sur le bout des doigts pour être absolument sûr que dans le détail, tout fonctionne. Une des raisons pour laquelle un DVD serait bienvenu, d'ailleurs !
Hermanis transporte l'action de la légende médiévale dans un hôpital, choix qui, passé les premiers a-prioris (combien de tristes mises en scène à l'asile psychiatrique y a-t-il déjà eu ?...), fait immédiatement sens dès qu'on songe à ce grand blessé qu'est Amfortas. Mais tant qu'à faire, un hôpital viennois Art Nouveau, sorte de concaténation des architectures d'Otto Wagner : au-delà du clin d'œil (gentillet) à l'homonyme, d'une part, et de la somptuosité visuelle, d'autre part (
a minima, c'est très beau), le choix fonctionne parce qu'Otto W. est aussi célèbre pour les hôpitaux que pour les églises qu'il a laissées, entre autres ; et Hermanis mêle des éléments empruntés aux deux ; ainsi, la dimension religieuse n'est pas absente, avec notamment ces quatre anges monumentaux du fond, qui viennent en fait (ainsi que le grand lustre) de l'église Saint-Léopold. Dans ce cadre, Amfortas et ses chevaliers du Graal, Kundry et les filles-fleurs, et le nouvel arrivant qu'est Parsifal, sont autant de patients que se disputent Gurnemanz et Klingsor, comme deux médecins-chefs aux méthodes divergentes. Hermanis n'est pas le premier à faire de
Parsifal une exploration de la psychée (il suffit de penser à Syberberg), mais — encore une fois, pour ce que je peux en juger dans les conditions actuelles — on tient là une jolie réussite en la matière.
Bychkov dont je n'attendais rien de spécial, ne m'étant jamais auparavant enthousiasmé pour ce chef, réussit en outre une lecture à l'orchestre absolument superbe, et la distribution vocale est de haute volée, musicalement sans faute et avec un vrai sens dramatique en sus.