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| Liszt: guide de l'oeuvre pour piano | |
| | Auteur | Message |
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Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Mer 25 Aoû 2010 - 20:20 | |
| L'oeuvre pour piano de Liszt, au contraire de celle de Chopin qui ne déborde pas trop des numéros d'opus, est difficile à appréhender. Difficile d'y voir clair, d'autant que les clichés cloisonnent souvent Liszt au seul piano (lui qui écrivit pour tous les genres), et à la vaine virtuosité. Les recueils sont multiples, et comportent souvent plusieurs versions, plusieurs états de composition ayant été révisés. Le but ici sera donc de créer un guide, une boussole, qui puisse permettre de s'y retrouver dans cette somme, à la fois dans le corpus et dans les oeuvres elles-mêmes, et nous aurons l'occasion en particulier, de tenter de saisir un peu le discours du compositeur (comme je l'ai déjà fait ici même pour la Légende No.1). L'approche sera donc exhaustive: toute l'oeuvre a été enregistrée, d'une manière plus ou moins heureuse, par Leslie Howard. Je pourrais donc tout aborder. Le but sera aussi, pour les farouches à toute sonorité pianistique, de se concentrer sur la richesse expressive des oeuvres composées pour cette instrument, qui est sans aucun doute l'un des corpus les plus riches et passionnants tous répertoires confondus. Voilà, je vais commencer par la Sonate en si mineur, évidemment. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Mer 25 Aoû 2010 - 20:30 | |
| On attend. Edit : Je veux pas couper ton exposé, mais je crois que ça va justifier facilement une petite réécoute bréviaire en mains.
Dernière édition par DavidLeMarrec le Jeu 26 Aoû 2010 - 15:11, édité 1 fois |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Mer 25 Aoû 2010 - 20:57 | |
| La Sonate en Si mineur pour pianoJe vous invite très vivement à suivre avec la partition: vous avez un choix grandiose sur IMSLP... http://imslp.org/wiki/Piano_Sonata_in_B_minor,_S.178_%28Liszt,_Franz%29 Elle est composée de 1852 à 1853, alors que Liszt est à Weimar. Cette Sonate, souvent jugée à juste raison comme le chef d'oeuvre de Liszt, est en un seul tenant et a une durée approximative de 30 minutes. Liszt y pousse ses recherches formelles à leur paroxysme. Une des grandes controverses qui touchent à cette Sonate concerne le caractère narratif de cette Sonate: certains veulent y voir une pureté, une oeuvre complètement métaphysique, là où d'autres veulent y voir un véritable récit. Sans vouloir y plaquer une attente personnelle, il convient de comprendre qu'évidemment, et particulièrement à cette période, Liszt s'intéresse aux capacités narratives, évocatrices de la musique. Et les thèmes eux-mêmes possèdent une signification, et leur enchaînement aussi, créant une cohésion narrative qui ne peut être hasardeuse. Mais il est sûr qu'à côté de cela, Liszt exploite ce côté métaphysique et abstrait de la musique instrumentale pour parler d'une manière universelle et pure d'actes, de faits et de sentiments. En bref, il faut trouver, dans ce débat, le juste milieu qui corresponde effectivement aux intentions de Liszt. Allons-y, commençons avec cette Sonate. Je vais faire le minutage, avec la version... Zimerman, tiens. http://www.musicme.com/Krystian-Zimerman/albums/ Liszt:-Piano-Sonata-In-B-Minor;-Nuages-Gris;-La-Notte;-La-Lugubre-Gondola-Ii;-Funerailles-0028943178020.html?play=01 A vos partitions! Lento assai [0'00 / 0'54] Ce lento assai possède une structure A / A' : le A possède, de base, comme caractéristique ces deux Sol (deux octaves) piqués enveloppés de silence, suivis d'une gamme descendante (en octave), le tout dans le grave. Le A diffère du A' seulement parce que la gamme descendante en question n'est pas la même. Ce thème A, je l'appelle le thème "de la descente aux enfers", un peu comme l'on nomme les leitmotivs dans les opéras de Wagner. Dans l'introduction, Liszt nous place dans un contexte d'attente, peu rassurant. La gamme descendante représente effectivement cette chute dans un abîme sombre, accompagnés par un decrescendo. Les Sol piqués eux-mêmes ont quelque chose de diabolique. Je ne pense pas qu'il soit utile de détailler la nature des deux gammes descendantes, simplement nous préciserons que pour ce qui est des intervalles descendants qui la composent: -dans A, on ne trouve qu'une seule seconde mineure: Mi b/Ré -dans A', elles sont au contraire au nombre de quatre: Sol/Fa#, Mi b/Ré, Ré/Do#, Si b/La La seconde mineure, que Lussato rappelle être le codon universel de la souffrance, accentue justement celle-ci dans A' par rapport à A, instaurant une très intéressante gradation parfaitement perceptible à l'oreille. Puis Liszt nous replace dans un contexte d'attente: deux Sol piqués, toujours aussi précis, séparés par un soupir: réglés comme une horloge dont les secondes se dilatent. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Mer 25 Aoû 2010 - 21:35 | |
| Allegro energico [0'54"] C'est dans une semi-explosion que Liszt nous sort de cette attente, avec ce rebond d'octaves main gauche/main droite (piquée). Je dis semi-explosion, parce que l'on entend souvent des pianistes taper ces octaves de toutes leurs forces, alors que la partition indique bien que le crescendo sur ces premières octaves de Sol mène au... forte, f, et non pas fffffffffffffffff. Zimerman fait effectivement cela avec la modération nécessaire. Donc, nous aboutissons à l'exposition d'un nouveau thème, qui commence à la 9ème mesure, qui souvent nommé "Thème Faust". Or, il faut bien se dire que quand Liszt veut écrire de la musique sur Goethe, il le dit dans le titre. Il faut se résoudre à ce que Liszt ait créé de toute pièce sa Sonate, et suivre cette résolution ici. Ce thème sera donc appelé thème "de l'âme", ou "de l'esprit humain", d'une manière très générale. Evidemment, ces appellations que je vous livre ne sont pas hasardeuses, et trouveront leur justification un peu plus loin dans l'oeuvre. Pendant que Liszt expose, je fais de même. Le thème "de l'esprit humain" se termine au début de la 13ème mesure. [1'05"] Ce thème, exposé dans toute sa simplicité mélodique (aucune harmonie autre que des octaves), se caractérise par son énergie, sa vivacité: c'est tout l'esprit romantique, dans ce qu'il a d'héroïque, de valeureux, qui est exprimé ici. Liszt ne s'arrête pas là dans l'exposition des thèmes, et en expose un troisième, que l'on nomme communément thème "Méphistophélès", mais que nous appellerons thème "diabolique". Ainsi, dans la lecture la Sonate que je vais vous proposer, et que je vous propose déjà, il s'agira d'une lutte intérieure, et non pas d'une lutte entre deux personnages. Encore une fois, je pense que cela est plus proche des intentions de Liszt, qui jugeait cette oeuvre trop personnelle et ne voulait plus qu'on l'exécute - craignant certainement que personne n'en comprenne le sens. Le but est donc ici de s'en rapprocher en étant le plus objectif possible. Le nom que j'ai donné aux thèmes se réfèrent à toutes leurs apparitions et à ce qu'ils expriment, comme nous le verrons. Ainsi donc, le thème "diabolique". Celui est joué à la main gauche, forte et marcato, de la fin de la mesure 13 à la mesure 17. [1'06] Tout comme le thème de la descente aux enfers, il est exposé deux fois de suite et différemment. Je n'ai pas inventé l'eau chaude en nommant ce thème comme je l'ai fait, l'expressivité est ici optimale. Voilà, maintenant que les présentations sont faites, place à l'action! |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 11:35 | |
| "Agitato", note Liszt, au début de ce passage joué piano. Effectivement, les choses s'agitent, il va y avoir interaction: Liszt exprime ici le commencement de celles-ci. [1'20"] Il écrit un motif qu'il va répéter: voici de quelle manière: il l'expose deux fois, puis le transpose à la seconde majeure ascendante, l'expose deux fois, puis à nouveau le transpose à la seconde majeure ascendante et le répète deux fois. Chaque motif dure une mesure, et il y a un crescendo à l'intérieur de chaque motif, et si l'on revient au départ au piano initial au début de chaque motif, il finit par apparaître un crescendo global, l'énergie finissant par se libérer avec la disparition de motifs remplacés par des accords à la main droite et des arpèges mouvementés à la main gauche. [1'29"] On aboutit à une acmé, qui consiste en une ré-exposition des thèmes "de l'esprit humain", mesure 25 [1'32"], puis du thème "diabolique", mesure 30 [1'42"]. Loin de l'aridité, les thèmes sont présentés dans une atmosphère agitée, en mouvement. Sur la fin du trémolo suspendu du thème diabolique, s'engage une lutte, en tout cas une interaction entre ces deux thèmes, à partir de la mesure 32. [1'48"]
C'est alors qu'il est très intéressant de suivre avec la partition, ou alors de bien prêter l'oreille, pour voir comment Liszt exprime l'interaction entre les deux thèmes - car ce que Liszt narre ici, c'est comment l'esprit de l'humain devient diabolique et cède à ces avances. On voit donc mesure 32 et au tout début de la mesure 33, que la main droite expose le début du thème de l'esprit humain, et mesure 33, c'est la main gauche qui expose le thème diabolique. Les deux se répondent mutuellement, dans un mouvement permanent qu'expriment ces arpèges. Finalement, les thèmes disparaissent au début du longue transition [2'00" - 2'20"], la lutte ne paraissant que plus féroce au début, puis avec un motif qui se répète à la main gauche par dessus la main droite (mesure 44, 45, 46, 47...), qui exprime comment l'esprit diabolique s'intègre à l'esprit humain. Après un crescendo (più agitato et cresc.), nous aboutissons à une exposition du thème de l'esprit humain, vivement transformé par les événements qui précède: mesure 55. [2'20"]
Ainsi, le thème est complété par de nombreuses octaves piquées, diabolique: le diable est donc bien parvenu à s'immiscer dans l'esprit humain: le thème est nettement plus joyeux, presque léger, bien loin de la vertueuse aridité initiale. A noter la première modulation de l'oeuvre, mesure 67. [2'41"] Le tout finit par s'emballer, dans une montée en puissance impressionnante avant de s'effronder subitement au fond du piano. [3'00"]
Nous avons alors le retour d'un thème dont nous n'avions plus entendu parler: le thème de la descente aux enfers. [3'02] Il est exposé à la main gauche dans l'extrême grave, dans une situation d'attente insupportable (octaves frénétiques à la main droite). Le thème est présenté deux fois ainsi. Ensuite, il est présenté dans l'aigu, 4 fois de suite. [3'20"] L'esprit humain, non content d'être devenu diabolique donc, descend donc aux enfers, cède à la jouissance (le thème de la descente aux enfers semble plus positif présenté dans l'aigu). La main droite continue ses accords répétés, la main gauche fait la transition avec de puissantes octaves victorieuses (mesure 101-104). [3'34"]
Puis c'est le Grandioso. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 11:58 | |
| Grandioso
Un très grand moment que ce Grandioso, qui paraît si simple. [3'42"] On module à nouveau, et nous voilà en Ré majeur. Pas la peine, je crois, d'expliquer ce que l'enfer peut avoir de grandiose, de monumental, de jouissif. Par dessus ces accords répétés, Liszt place une mélodie d'une efficacité absolue, une montée superbe qui aboutit à un accord de Do majeur dans toute sa simplicité [3'56"], qui tend ensuite vers une autre apogée, avec l'accord La/Mi b/La [3'59"], constitué de la fameuse et diabolique quinte diminuée, sans rien enlever à la beauté et à la pureté de l'instant, je dirais. Ce accord, suspensif, ce résout dans une ligne mélodique superbe. Quelle inspiration mélodique dans ce passage, on baigne dans un bien-être, dans une plénitude faste. Les choses se calment et aboutissent, sans quitter la plénitude, à l'exposition d'échos de ce Grandioso, fortissimo, puis piano, répétés deux fois. [4'11"] Quelques accords plus loin, nous revoilà dans une position d'attente, mais on est bien mieux dans ce calme et dans le bain de ces douces harmonies qui résonnent. [4'32"]
Le thème de l'esprit humain est alors re-présenté, dans le dénuement le plus stricte, uniquement mélodique. [4'34"] Les douces harmonies reprennent alors, et le thème de l'esprit humain est exposé avec toute la plénitude dans laquelle il baigne. [4'42] Nouvelle exposition, un peu plus loin, pareillement. [5'03"] Une petite chute mélodique nous mène alors au thème diabolique. [5'18"] Evidemment, il est plus que jamais d'actualité. Il est répété plusieurs fois dans le calme, puis est suivie d'une transition, toujours dans la douceur, qui nous amène à une partie que l'on nommera Cantando expressivo, même si la partition n'indique pas réellement qu'il s'agit d'une partie. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 14:06 | |
| Cantando espressivoLes deux thèmes vont être à nouveau mêlé ici, dans une voluptueuse danse abstraite. Tout d'abord, mesure 153 [5'44"], on a le thème "diabolique" savamment transformé, avec ces quatres notes suspendues, caractéristiques, suivis de leur petit mouvement mélodique. Après un bref mouvement (arpèges à la main gauche puis gamme chromatique ascendante à la main droite) le thème est transposé d'une seconde mineure ascendante, mesure 157 [5'57"], à nouveau suivis des arpèges de la main gauche puis d'une gamme chromatique, descendante cette fois-ci, à la main droite. Ce passage, qui semble être chanté, relève d'une grande douceur de sentiment. Juste après, mesure 161 à 164, c'est le thème "de l'esprit humain" qui est repris, toujours dans une ligne mélodique supérieure, en superbe réponse au thème précédant. Ce thème est exposé deux fois à l'identique [6'09" - 6'18"], avant le retour du thème diabolique [6'18"], plus passionné, avec ce crescendo, cette gamme mouvementée [6'24"], qui se suspend finalement dans des octaves aiguës répétées, mesure 170. [6'30"] Puis le thème "diabolique" est repris, dans le registre médium, par la main gauche, tandis que la main droite l'accompagne, égrenant de voluptueux arpèges, à partir de la mesure 171. [6'34"] Le thème est répété, mesure 175. [6'44"] Alors, nous avons un retour du thème "de l'esprit humain" à la main gauche, tandis que la main droite ne va cesser d'arpéger: mesure 179. [6'53"] Ce thème va être répété de nombreuses fois: 8 fois entre la mesure 179 et la mesure 190, en étant découpé, et transposé de manière variable. L'esprit humain et le diable sont donc l'un avec l'autre, cohabitent parfaitement. On voit qu'ici, les thèmes sont utilisés de manière extrêmement récurrente et vont véritablement former la trame de la Sonate. Liszt fait preuve ici d'une maîtrise totale de l'art de la transformation thématique. Mesure, 191, retour du thème diabolique, un peu plus pressé et agité, répété 3 fois, dans un crescendo, opérant une gradation. [7'11" - 7'22"] Et l'on retrouve à nouveau le thème de l'esprit humain, mesure 197, énoncé à la main gauche tandis que la main droite suspend le temps par un trémolo. [7'23] Après un doux roucoulement aqueux (olé! ), le thème est à nouveau présenté mesure 201. [ 7'35"] Passage qui précède une explosion de joie...
Dernière édition par Percy Bysshe le Jeu 26 Aoû 2010 - 15:53, édité 1 fois |
| | | Xavier Père fondateur
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| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 15:30 | |
| - Percy Bysshe a écrit:
- Grandioso
Un très grand moment que ce Grandioso, qui paraît si simple. [3'42"] On module à nouveau, et nous voilà en Ré majeur. Pas la peine, je crois, d'expliquer ce que l'enfer peut avoir de grandiose, de monumental, de jouissif. Tiens c'est étonnant, je ne vois pas du tout l'enfer là-dedans moi... C'est tellement majuestueux, tellement clairement en majeur, plus qu'à n'importe quel autre endroit de la partition... que je n'arrive pas à y voir quelque chose de sombre. - Citation :
- Par dessus ces accords répétés, Liszt place une mélodie d'une efficacité absolue, une montée superbe qui aboutit à un accord de Do majeur dans toute sa simplicité [3'56"], qui tend ensuite vers une autre apogée, avec l'accord La/Mi b/La [3'59"], constitué de la fameuse et diabolique quinte diminuée, sans rien enlever à la beauté et à la pureté de l'instant, je dirais. Ce accord, suspensif, ce résout dans une ligne mélodique superbe.
Je trouve cette interprétation un peu tirée par les cheveux; ce n'est jamais qu'une appoggiature (très belle certes), avec la fondamentale de l'accord (le mi bémol) redoublée à l'intérieur. L'harmonie en question n'a rien de diabolique, contrairement à d'autres passages justement. Les deux tritons que tu vois sont contredits par l'harmonie de la main gauche. Pour moi Méphisto n'est pas présent ici justement. Il l'est tellement ailleurs... - Citation :
- Quelle inspiration mélodique dans ce passage, on baigne dans un bien-être, dans une plénitude faste.
On est d'accord finalement... Si on baigne en plein bien-être, il ne s'agit pas du diable ou de l'enfer, non? |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91592 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 15:38 | |
| - Percy Bysshe a écrit:
- Cantando espressivo
Les deux thèmes vont être à nouveau mêlé ici, dans une voluptueuse danse abstraite. Tout d'abord, mesure 153 [5'44"], on a le thème "diabolique" savamment transformé, avec ces quatres notes suspendues, caractéristiques, suivis de leur petit mouvement mélodique. Après un bref mouvement (arpèges à la main gauche puis gamme chromatique ascendante à la main droite) le thème est transposé d'une tierce mineure ascendante, mesure 157 [5'57"], à nouveau suivis des arpèges de la main gauche puis d'une gamme chromatique, descendante cette fois-ci, à la main droite. Ce passage, qui semble être chanté, relève d'une grande douceur de sentiment.
Seconde mineure. Là par contre je me permets d'ajouter une remarque sur l'harmonie qui justement nous rappelle (en plus du thème que tu as appelles "diabolique" qui est sous-jacent, même si à la première écoute on a l'impression d'un thème tout à fait nouveau) la présence de Méphisto, c'est une alternance de deux accords de mi mineur et si bémol majeur qui justement nous donne un rapport de triton, là bien audible: ces deux accords sont très éloignés, et tonalement, l'accord de si bémol majeur serait bien difficile à analyser "normalement" par rapport à mi mineur. On sent bien quelque chose d'étrange derrière ce thème en apparence très doux et lyrique. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 15:50 | |
| Tu fais très bien de faire ces remarques-là.
L'enfer, dans l'idée, ce n'est pas seulement quelque chose de sombre, de mal. C'est aussi une tentation, le fait de céder aux plaisirs terrestres, à une jouissance. Ce qui fait toute la force du diable, précisément, c'est qu'il s'agit d'un séducteur hors pair, avec tout ce que ça implique de miroitement, de beauté. C'est une subtilité qui figure déjà dans le Faust de Goethe, mais aussi dans les oeuvres de Lord Byron, dont Caïn, et dans le romantisme en général, et que s'approprie évidemment Liszt qui les a beaucoup lu. Le diable n'est plus abordé de la même manière.
Pour essayer de saisir un peu mieux le discours, on peut aussi essayer de voir du côté de la vie de Liszt à ce moment là, qui cède à la jouissance plutôt qu'à la vertu et à la religion, il trompe en particulier Carolyne von Sayn Wittgenstein: c'est mal, dans la morale chrétienne, mais ce sont quand même des voluptés dont il s'agit. Attention, je ne dis pas du tout que Liszt raconte sa tromperie dans sa Sonate, j'illustre simplement le propos.
Et puis avant le Grandioso, il y a quand ce premier thème de Lento assai qui est répété 6 fois, et dont la signification est parfaitement compréhensible. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 15:52 | |
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| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91592 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 15:54 | |
| - Percy Bysshe a écrit:
- Tu fais très bien de faire ces remarques-là.
L'enfer, dans l'idée, ce n'est pas seulement quelque chose de sombre, de mal. C'est aussi une tentation, le fait de céder aux plaisirs terrestres, à une jouissance. Ce qui fait toute la force du diable, précisément, c'est qu'il s'agit d'un séducteur hors pair, avec tout ce que ça implique de miroitement, de beauté. C'est une subtilité qui figure déjà dans le Faust de Goethe, mais aussi dans les oeuvres de Lord Byron, dont Caïn, et dans le romantisme en général, et que s'approprie évidemment Liszt qui les a beaucoup lu. Le diable n'est plus abordé de la même manière.
OK, je vois. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97914 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 16:13 | |
| Intéressant, je le sens comme quelque chose d'abouti, de presque paisible, ce Grandioso (d'ailleurs ça sonne assez modéré, un peu comme le premier mouvement de l'Héroïque de Beethoven au tempo traditionnel, comparé à ce qui l'entoure), mais il est vrai qu'on est au début de la Sonate. Je vais tâcher de réécouter en me mettant du point de vue de ton guide. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 18:45 | |
| On aura l'occasion d'en reparler dans les "Grandioso" à venir, d'autant qu'ils sont différents. Mais ce que tu dis est juste.
Nous en sommes donc mesure 204. Suite à ce moment paisible, la main droite effectue un trait virtuose crescendo molto [7'44"], gamme descendante puis ascendante qui nous mène à un accord de Do majeur mesure 205, et à une véritable explosion de joie fortissimo, qui est une nouvelle transformation thématique du thème de l'esprit humain, qui est décidément bien là où il est. [7'48"] C'est un passage superbe autant qu'unique dans la Sonate, avec cette gamme en octave triomphante à la main gauche, suivis d'arpèges descendants qui se partage entre la main droite et la main gauche. Après une brève transition crescendo (mesure 209 à 211) [7'55], on aboutit à une nouvelle et même explosion, fff cette fois-ci, mesure 215. [8'01"] Puis à nouveau la transition crescendo. [8'08"]
Alors, nouvelle exposition du thème de l'esprit humain en beaucoup plus mouvementé et orageux, en octave à la main gauche, mesure 220. [8'13] Comme une lutte des éléments, qui s'emballe, les contradictions tragiques semblent commencer à s'exprimer, et s'effondrent dans un climat tragique. [8'28"] Les gammes jouées aux deux mains vont se nicher au fond du piano, se ressassent dangereusement, et c'est alors qu'une voix inespérée s'élève, surgissant de nulle part, cessant la discorde, ramenant la main droite en haut du clavier. [8'33] Après une douce gamme chromatique, le thème de l'esprit humain est à nouveau transformé voluptueusement, entourés de doux arpèges. [8'37"] Une transition [8'43] nous reconduit au même point. [8'50]
A nouveau une transition [8'55], qui va elle nous mener au thème diabolique. [9'01"] Ce dernier nous sort du bien être: la gamme chromatique de la main gauche se fait de plus en plus menaçante, de même que ces accords répétés à la main droite, dans un même motif de la fin du thème qui devient frénétique. Alors que l'on avait commencé piano, on est maintenant fortissimo. [9'12] Les choses s'emballent dans une perte de contrôle qui donne le vertige. [9'17"] Les choses deviennent désordonnées.
Alors, nous avons le retour du thème de la descente aux enfers, avec des trilles à la main droite. [9'28] Les choses se passent plus douloureusement cette fois-ci, si l'on compare à ce qui précède le Grandioso. C'est une véritable souffrance pour l'esprit que cette descente 4 fois énoncée. Surgit le thème de l'esprit humain, dans le plus grand dénuement (aucune harmonie aitre que des octaves). [9'42"] Ayant goûté aux jouissances et à la plénitude, il est évidemment difficile de payer l'addition, de souffrir de ce diable. Juste après surgissent ces octaves diaboliques, comme partie prenante du thème. [9'53"] Le diable lui colle au corps.
On module rapidement pour arriver à une explosion, de rage cette fois-ci. L'âme humaine veut se défaire de cette malédiction. De puissants accords, pesante et fortissimo, sont l'expression de cette souffrance et de cette révolte. [10'02"] Mélodiquement, il s'agit d'une reprise du thème du Grandioso: on voit ici toute la différence du rapport qu'entretient l'esprit au diable. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91592 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 20:45 | |
| - DavidLeMarrec a écrit:
- Intéressant, je le sens comme quelque chose d'abouti, de presque paisible, ce Grandioso
Là je trouve que ça peut vraiment dépendre de l'interprète. Ca peut aussi être fougueux, passionné, presque dingue. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97914 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 20:46 | |
| - Xavier a écrit:
- DavidLeMarrec a écrit:
- Intéressant, je le sens comme quelque chose d'abouti, de presque paisible, ce Grandioso
Là je trouve que ça peut vraiment dépendre de l'interprète. Ca peut aussi être fougueux, passionné, presque dingue. Oui, si on fait une rupture de tempo en le prenant vite, mais ce n'est pas écrit comme cela. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91592 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 20:51 | |
| On n'est pas obligé de faire une rupture, on contraire si on est dans le tempo d'avant ça fait déjà quelque chose de rapide. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 20:56 | |
| - Xavier a écrit:
- On n'est pas obligé de faire une rupture, on contraire si on est dans le tempo d'avant ça fait déjà quelque chose de rapide.
Il y a un poco rall. qui précède. |
| | | Xavier Père fondateur
Nombre de messages : 91592 Age : 43 Date d'inscription : 08/06/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 20:58 | |
| Oui à la fin du passage, mais ensuite il n'y a pas écrit de garder le tempo final, ni de reprendre le tempo précédent, c'est pour ça que je dis qu'il y a une certaine liberté qui fait que ce Grandioso peut revêtir des caractères assez différents suivant comment on le joue. |
| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97914 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Jeu 26 Aoû 2010 - 21:04 | |
| - Xavier a écrit:
- On n'est pas obligé de faire une rupture, on contraire si on est dans le tempo d'avant ça fait déjà quelque chose de rapide.
Oui, de rapide, mais par contraste avec les doubles croches partout, ça donne l'impression d'une respiration. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Sam 28 Aoû 2010 - 12:43 | |
| Recitativo
Ici, Liszt s'approprie cette convention de l'opéra dans sa Sonate: l'indication Recitativo, comme l'indique la partition, est écrite en "caractères normaux, conformément aux instructions formelles de Liszt." Nous avons donc affaire à un véritable Récitatif en tant qu'élément de structuration. La main droite joue la ligne que l'on peut dire vocale, tandis que la main gauche égrène des arpèges à la manière d'un clavecin dans un accompagnement, dans une langueur qui touche et la "voix" et le "clavecin". [10'18"] Difficile d'établir avec précision "qui" s'exprime dans ce Recitativo. Peut-être l'esprit humain qui se désespère de son lien avec le diable et après sa vaine révolte implore le ciel, par une prière?
Cet esprit de révolte revient alors, juste après, dans des accords toujours aussi puissants. [10'42"] On peut aisément comprendre que c'est certainement à cause de ce passage que Clara Schumann trouva que cette Sonate n'était que du bruit, tant ces accords sont violents et âpres. Liszt sacrifie tout à l'expressivité ici et n'hésite pas à les écrire.
Puis nous avons un deuxième Recitativo, juste après, toujours languissant, plaintif et désespéré. [10'57"] Ce fa aiguë sonne un déchirement. [11'04"] La fin de ce deuxième Recitativo est composée d'accords qui montent dans l'aiguë de la même manière que l'esprit humain veut se défaire du diable et tendre vers la chose céleste.
Surgit alors le diable, qui rôde. [11'26"] A cette présence, l'esprit humain répond à nouveau par cette aspiration divine. [11'30"] Le diable se répète, inamovible [11'36], et nous avons alors réapparition du thème de l'esprit humain, découpé pour qu'il n'en reste que le début, dans un motif en quatre accords par mesure (315 à 318), et joué energico, l'esprit humain se débat en vain dans cette montée dans les aigus, tandis que les octaves qui ponctuent chaque début de mesure l'entraîne vers le bas dans une gamme chromatique descendante, vers l'enfer donc. [11'39"]
Apparaît alors un ostinato sur le thème du diable, à partir de la mesure 319 [11'46"], avec le thème de l'esprit humain, par dessus à la main droite, qui, n'ayant plus de force, abandonne la lutte dans une atmosphère crépusculaire diminuendo puis una corda. Sur les derniers accords, tout semble apaisé, mais avec une certaine tension diabolique sous-jacente dans l'harmonie. [12'06"]
On module pour arriver alors à l'Andante sostenuto. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Sam 4 Sep 2010 - 12:30 | |
| Andante sostenuto [12'18"] Partie extrêmement émouvante de la Sonate, qui commence mesure 331, avec la résonance du dernier accord. Apparaît un nouveau thème, que j'appellerai "de la pureté", ou "du sentiment religieux". La mélodie, extrêmement simple, est très proche d'une ligne de chant grégorienne monodique, bien qu'harmonisé ici, par sa stabilité et sa simplicité; regardez le fragment mélodique qui part du dernier temps de la mesure 334 et qui se termine au premier temps de la mesure 336: ce fragment mélodique est composé de cinq notes, dont trois do#. [12'28" - 12-32"] Il faut savoir aussi que pour son Oratorio Christus, Liszt s'inspira énormément de lignes mélodiques grégorienne: cette parenté n'est donc pas ici hasardeuse. Le thème se caractérise aussi par sa beauté plastique, sa pureté, l'absence de tension, des éléments qui renvoient évidemment à la foi; ce passage ressemble fortement à une prière, dans l'instant de paix et de came qui succède aux événements précédents. Magnifique apaisement, ou les vertus de la tension/détente... On arrive mesure 347 au Quasi Adagio.
Dernière édition par Percy Bysshe le Ven 10 Sep 2010 - 14:17, édité 1 fois |
| | | ouatisZemusic Mélomane averti
Nombre de messages : 247 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 11/08/2010
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Dim 5 Sep 2010 - 0:29 | |
| - Percy Bysshe a écrit:
- Andante sostenuto Partie extrêmement émouvante de la Sonate, qui commence mesure 331, avec (...) On arrive mesure 347 au Quasi Adagio.
Il semble que l'influence des remarques qui t'ont été faites en cours de route soit de mauvaise conséquence pour moi. Xavier avait sans doute de bonnes raisons de te corriger , mais ça casse ton élan , et du coup, tu cesses de penser aux pauvres gens qui ne pouvaient se cramponner à tes explications qu'avec le minutage... Dommage... ... ... mais si tu continues ton décryptage en "battant" minutes et secondes malgré les critiques, je te suis jusqu'au bout . Il y a longtemps que je m'interroge sur la musique de Liszt en essayant de me mettre dans sa peau, pour mieux comprendre... je me fondais (entre autre) sur quelques traits superficiels qu'on connaissait de lui lorsqu'il jouait en public, mais pas vraiment sur l'histoire de sa vie, si bien que je n'accédais pas à l'interprétation d'un conflit entre ses faiblesses sentimentales et la culpabilité qu'il aurait pu en avoir vis-à-vis de son engagement religieux. J'avais toujours présupposé (à tort) qu'il avait été psychologiquement à l'aise à ce sujet (je me forgeais une compréhension par l'écoute musicale seule, et non par l'étude du contexte de vie). Donc... je découvre cette possibilité d'interprétation ... Au départ, j'ai eu un peu de réticence devant l'idée du conflit mystique... je ne croyais pas que ça pouvait se tramer dans ces eaux-là... mais après un sérieux réépluchage des données, je la tiens pour très vraisemblable. Mes encouragements pour le reste de l'analyse, et bonsoir à tous . |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Dim 5 Sep 2010 - 0:38 | |
| Pas de problème pour le minutage, il arrive, il est prévu, ne t'en fais pas! Son absence n'est due qu'à un simple contretemps. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Ven 10 Sep 2010 - 14:40 | |
| Quasi Adagio [13'08"] Ce Quasi-adagio commence par une courte transition de deux mesures (mesures 347 et 348) qui nous mène au thème diabolique [13'17"], énoncé dans l'aigu à la main droite, en octave, dolcissimo con intimo sentimento - pour une fois, l'indication de la partition nous enlève tout effort d'interprétation. Après un trémolo suspendu, on retrouve ce même thème diabolique énoncé à nouveau. On ne peut que ramrquer à nouveau le génie de Liszt qui arrive par la simple transformation thématique à exprimer de manière pertinente des choses très différentes en utilisant le même matériel mélodique, mais en changeant les autres paramètres musicaux: on est passé du grave à l'aigu, du staccato/piqué a un legato, avec un accompagnement plus souple, et bien sûr la présence des deux pédales. On se retrouve ainsi, comparé à la première exposition de ce thème, avec un résultat extrêmement différent. Après un subtil roucoulement dans l'aigu [13'43], dans une ambiance générale extrêmement douce, nous retrouvons à nouveau notre thème de l'esprit humain, énoncé deux fois [13'50"], immédiatement suivi des quatre fameuses notes du thème diabolique, tandis que la fin du thème est énoncé à la main gauche. (14'01"] On voit bien ici que dans un si petit périmètre on trouve les thèmes qui échangent: on est pas dans une lutte, mais en tout cas la dualité est affirmée, et les contradictions vont être mises ai grand jour dans ce que l'on peut appeler le deuxième Grandioso, bien que la partition ne le mentionne pas, simplement pour des raisons de commodités, car c'est le thème du Grandioso qui revient. Cette apparition des contradictions entre les deux thèmes s'exprime par ce crescendo ed agitato, ainsi que le rinforzando qui précèdent ce deuxième Grandioso dans une descente vertigineuse de tout le clavier: le climat de la pièce devient brusquement mouvementé; une lutte à l'abîme s'engage, le suspense est à son comble, alors que nous sommes suspendus sur ce Ré. [14'14"] Nous touchons à l'un des moments les plus géniaux de la partition. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9940 Date d'inscription : 06/04/2009
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Ven 10 Sep 2010 - 15:13 | |
| Deuxième Grandioso [14'19"]
Ce Grandioso, comme nous allons le voir, va être beaucoup plus mouvementé que le premier, et va prendre la forme du lutte fabuleuse entre l'esprit humain et le diable. En vérité, c'est plutôt l'esprit humain qui lutte, qui veut tendre à nouveau vers la vertu et le sentiment religieux, qui n'a plus rien à perdre, ayant déjà sombré dans les plus profondes abîmes. Comparé au premier Grandioso, on note l'absence du thème de la descente aux enfers en amont: forcément, l'esprit humain y est déjà, il n'a plus à s'y rendre. Nous avons vu que le thème du Grandioso exprimait la jouissance diabolique (ou terrestre, cela revient au-même), ainsi, ici, l'esprit humain est à nouveau appeler à ce type de voluptés. Car alors que tout se passe comme il faut dans ce début de deuxième Grandioso, subitement, une refus tragique, désespéré, prend place, con passione. [14'30"] Quelle douleur, dans ce mélodie mouvementée en octaves!
Nous arrivons alors mesure 375, et un léger motif à la main droite [14'55"], va nous ramener à nouveau au thème du Grandioso. Le diable essaye à nouveau de tenter l'esprit humain, et l'invite à nouveau, après cet échec, l'air de rien, en se disant que le seul fait d'insister suffira. [15'00"] A nouveau ce crescendo, et nouvelle réaction de refus de la part de l'esprit humain, encore plus mouvementée celle-ci, dans un tourment violent. [15'11"] Le thème de l'esprit humain surgit alors, dans une nouvelle transformation thématique, à la main droite (par-dessus la main gauche). [15'23"] Le thème est présenté et suivi immédiatement d'un motif descendant dans l'extrême grave: symbole de cette lutte à l'abîme qui est menée, ou bien du fait qu'il soit retenu et balancé à nouveau au fond des enfers dont il cherche à sortir. Quoiqu'il en soit, l'esprit humain résiste toujours plus fortement, et le Grandioso prend une tournure... grandiose, enfin, à partir de la mesure 393. [15'40"] Que peut bien ici signifier ce renouveau, ce retour à quelque chose de glorieux?
L'esprit humain se détache, échappe enfin du diable et de ses tentations pour tendre au sentiment religieux, thème qui apparaît immédiatement à partir de la mesure 397. [15'53"] Tout ce passage où l'esprit humain s'émancipe du diable pour tendre à Dieu et extrêmement émouvant, et constitue probablement mon passage préféré dans la Sonate. |
| | | jerome Fugueur intempéré
Nombre de messages : 8896 Date d'inscription : 10/03/2008
| Sujet: Re: Liszt: guide de l'oeuvre pour piano Sam 11 Sep 2010 - 16:20 | |
| En ce moment chez Arioso, rue de Rome, ils ont en occase un petit bouquin d'analyse sur la sonate de Liszt, si ça te tente. 3 euros, un fascicule bleu dans l'étagère des occasions poche, juste à côté de l'entrée. |
| | | Percy Bysshe Mélomane chevronné
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