Mozart-Bruckner/Abbado - Pleyel octobre 2011

Qui va voir, et écouter surtout, Abbado à Pleyel ce soir?

olivier le normand a écrit:

Qui va voir, et écouter surtout, Abbado à Pleyel ce soir?

Pas eu de place à 10 € et sinon c'est trop cher. En plus Abbado dans la 5e de Bruckner, je n'y crois pas trop. Vous nous raconterez.

Bah, j'y vais pas non plus!!!

C'est pour que ceux qui vont avoir la chance d'assister au concert nous fassent un comte-rendu!

Effectivement, les places sont chères- trop chères, ai-je envie de dire, et je suis d'accord avec vous, Abbado dans Brückner, ça ne me passionne pas plus que ça!

Je vais aller le voir en juin 2012, et les places sont chères aussi- mais le programme m'intéresse plus (Schumann et Beethoven)

Comment un concert peut-il être majeur si on n'y joue que des oeuvres mineures ?

Edit : Ca répondait à Théo, page précédente.

oleo a écrit:

Euh oui, c'est une petite semaine de vacances... (bien que je ne vois pas ce que cela change au sujet )

Ca dépend si tu te déplaces exprès pour les spectacles ou pas, c'est là que ça change tout au sujet. Mais en effet, ça ne me regarde nullement.

Après avoir vu le même concert d'Abbado à la télévision à Lucerne, je ne me serais pas risqué à aller à Pleyel ce soir

M'enfin un vrai concert et un concert à la télé, c'est quand même pas la même chose, non??

C'est pourquoi j'utilisais le verbe risquer : en estimant que les choix d'Abbado sont à côté à la télé, je ne pense pas que je les aurais trouvés satisfaisants en vrai...

Ben moi, hier soir et en vrai, j'y ai pris ma claque

Abnegor a écrit:

Ben moi, hier soir et en vrai, j'y ai pris ma claque

Je n'ai pas l'impression qu'il serait retransmis sur FM. Sinon à quel niveau la claque ?

Utnapishtim a écrit:

Sinon à quel niveau la claque ?

Pas des mollets, andouille.

DavidLeMarrec a écrit:

Utnapishtim a écrit:

Sinon à quel niveau la claque ?

Pas des mollets, andouille.

Andouille toi-même !

J'étais dans la salle hier soir, et effectivement j'ai pris une énorme baffe.

Pour situer, je situe ce concert à des sphères encore plus hautes que l'année dernière dans la 9ème de Mahler, c'est dire!!
Etant le premier arrivé (4h avant!) j'étais le premier dans la fille d'attente, et j'ai pu avoir une super place à 30 euros, 1er balcon 3ème rang quasiment plein axe, j'adore être là.

Tout d'abord, la Haffner, pleine de fougue et de jeunesse. N'étant pas un grand mozartien, je retiens surtout de très beaux phrasés, très naturels, avec cette fluidité dont Abbado fait preuve ces dernières années, des nuances impalpables dans les pianissimos, un finale ivre de virtuosité, et un timbaler (Raymond Curfs) extraordinaire. Un très bon moment.

Le gros du concert commençait pour moi après l'entracte, avec l'entrée de l'effectif complet et la 5ème de Bruckner, pièce que je connais bien mieux.
Et là, alors que je ne considérais pas Abbado comme un brucknérien de premier ordre, j'ai pris ma claque.
Tout d'abord, l'orchestre, sublime, cordes voluptueuses, bois veloutés et cuivres éclatants, me convainc totalement et sans réserve. Je retiens particulièrement Reinhold Friedrich, immense à la trompette, sans doublure de 1ère (ce qui dans cette oeuvre est assez hallucinant tant elle fatigue), qui projette un son mordoré magnifique, capable de toutes les nuances; incroyable. Aussi Alessio Allegrini au cor, qui prend des risques énormes dans les pianissimos, et qui nous offre de grands instants; Lucas Macias Navarro (hautbois du Concertgebouw) qui nous donne un sublime début de second mouvement... Tout en fait, tout me semble à retenir tant cet orchestre est beau.

Ensuite, la vision de Claudio Abbado, toute en fluidité, en nuances, me convainc tout autant. nous avons droit à un premier mouvement très pensé en termes de nuances, commençant par un pianissimo irréel, pour aboutir à un fortissimo étourdissant, le tout dans une grande coulée, jamais l'interprétation ne semble segmentée. L'adagio, tout en apesanteur, nous montre la qualité des bois de l'orchestre; là encore, réussite pour Abbado, qui ne le joue pas particulièrement vite, mais sait donner un mouvement idéal dans les montées en tension de cordes à la fin du mouvement, tout en souplesse. Le scherzo qui suit est convaincant, excellement éxécuté, pas complètement aérien (ce qui me semble être un contresens) mais sans aucune lourdeur. Enfin le finale, dans lequel Abbado nous fait entendre toute la complexité du contrepoint avec un naturel désarmant. On admire encore les solistes, et j'ai encore dans la tête une fin de concert emportée, immense, avec Friedrich projetant les phrases finales avec une beauté de son et une énergie folles (il semblait épuisé à la fin, il y avait de quoi)... Un seul petit regret: les bravos commançant avant même que le dernier accord ait fini de résonner dans la salle, j'ai horreur de ne pas avoir les quelques secondes qui suivent les dernières notes d'un aussi beau concert...
Au final, pour moi le plus beau concert depuis ce début d'année, je ne regrette absolument pas l'attente; Haitink va devoir faire très fort en mai avec le Concertgebouw pour rivaliser dans la 5ème de Bruckner...

Je souscris à tout cela. Effectivement, pour moi, j'ai finalement beaucoup plus apprécié que sa neuvième de Mahler.

Son Mozart avait beaucoup de charme : ce que j'aime chez la baroqueux (fluidité, simplicité) mais sans être baroqueux (orchestre plus fourni, plus moelleux).

Bruckner, j'adore sur CD... mais la plupart des quelques concerts auxquels j'ai assisté m'ont en général refroidi. En particulier :
- la quatrième par Masur : moche (en plus je crois que c'était l'Orchestre de Paris version Eschenbach) ;
- la neuvième par Chung : avec des effets de ralentis, accélérations qui m'ont un peu donné le mal de mer ;
- la neuvième par Mehta : des lenteurs dignes de Celibidache, mais sans les qualités qui vont avec ce dernier (l'impression de voir un vieil éléphant en train de mourir) ;
- la seconde par Muti : à quoi ça sert de faire original en jouant la moins aimée si ça n'est pas pour essayer de nous convaincre ? ;
- la huitième par Thielemann : "Ayaye ! Nous faire grosse volume car nous peuple allemand être fort" ;
- la quatrième par Jansons : tout en forte, comme ça pas besoin de se casser la tête, avec un souci du détail, mais de façon très ostensible et démonstrative ;
- la septième par Haitink : là par contre j'ai trouvé ça pas mal, mais pour éviter d'être bourrin, tout était retenu, même dans les deux derniers mouvements pourtant censé être un minimum nerveux.

Les deux seuls que j'ai vraiment pu apprécier sont deux outsiders : la septième par Nézet-Séguin et la cinquième par Herrewegghe.

Après avoir écrit tout ça, je sens que je vais me faire descendre

La cinquième d'hier ma enfin fait entendre une Grande version avec une optique plus "droit chemin". Bon, l'orchestre est effectivement magnifique, aussi bien par leur habileté technique que dans la beauté du son. Dans les tutti, ça a parfois cogné fort, mais sans jamais saturer ou résonner (et ça m'arrive souvent au second balcon, dès qu'un orchestre de débride).
Bruckner est finalement assez facétieux : entre deux tutti bien costauds, il nous place quelques instants de grâce viennoise. D'habitude, j'entends souvent les orchestres continuer sur leur lancée, et "gommer" un peu ces accalmies. Là, Abbado nous montre tous les contrastes, mais sans que cela fasse figure de démonstration.
Je n'ai ressenti aucun tunnel, c'est pourtant pour moi la plus dure d'accès de ses symphonies (ben oui, je suis rentré tout de suite dans la huit et la neuf, allez savoir pourquoi) mais là l'heure et quart est passée toute seule.

Détail amusant, j'ai vu le plus jeune auditeur de Bruckner possible : une des flûtistes en était à vue d’œil à un bon quatrième mois de grossesse (ou alors elle a sacrément abusé de bière !). En plein milieu d'un tutti bruckérien en étant encore au stade fœtal, ça ça doit être le pied

Moi aussi je trouve que la 5° est la plus difficile d'accés. Mais elle est excellente évidemment.
Mais bon je reconnais que la 5° faut un degré de brucknéritude dans l'âme important pour l'aimer.

discobole a écrit:

Après avoir vu le même concert d'Abbado à la télévision à Lucerne, je ne me serais pas risqué à aller à Pleyel ce soir

J'avais complètement oublié que j'avais enregistré le concert à Lucerne !
L'orchestre est magnifique et semble idéal pour jouer la 5e de Bruckner (pas écouté le Mozart), et je pense qu'en salle ça doit être magique !
Seulement la direction d'Abbado, ben je trouve pas ça idéal du tout, ça manque de mystère et de continuité dans le discours ! Le début du 1er mvt est très bien mais après ça se gâte et mon passage préféré n'est pas magnifié. Le second mvt est trop lent et je me suis ennuyé etc... Par contre il est vrai qu'en concert j'aurais peut-être été scotché, qui sait.

J'y étais. J'ai eu la chance d'être invité Et je confirme le choc immense que cela a été.

Je m'étonne des doutes exprimés par certains sur Abbado dans Bruckner. Sans doute il le dirige avec parcimonie, trop peut-être pour être considéré comme un "brucknérien", mais ce n'est pas un mal à mon avis, par rapport à d'autres qui en ont fait un fonds de commerce. Sa 5e avec Vienne était déjà extraordinaire de flamboyance et de maîtrise : la meilleure à mon avis ! Sa 7e avec Vienne n'est pas mal non plus... C'est certainement l'effet concert, mais je me demande si cette 5e-là n'est pas allée plus loin encore. Je crois qu'il peut maintenant s'attaquer à la 8e : allez Claudio, allez !!!

Bref, je reprends l'expression de ce vieil article : "la commotion produite par Bruckner". Heureusement qu'aujourd'hui on ne joue plus rien après Bruckner...