J'y allais un peu à reculons... ca commence bien, ils inversent les deux parties, avec Coyote Blues et Feria en première partie, et Kraft en deuxième (on va comprendre ensuite pourquoi).
Alors Coyote Blues et Feria c'est du post-sériel d'aujourd'hui, c'est à dire avec des parcelles modales voire tonales (surtout sur Coyote blues)... je me suis lassé de ces musiques, même si c'est le haut du panier dans le genre. Feria est meilleure grace à quelques envolées de l'orchestre assez puissantes, même si ce n'est sans doute pas une raison très subtile pour apprécier... C'est l'ensemble intercontemporain avec l'orchestre du conservatoire, ca joue très bien.
Ensuite pause de 35 minutes (!) à cause de la mise en place complexe de Kraft...
... qui est un chef d'oeuvre. C'est pour solistes, orchestres et électronique spatialisé, avec des solistes (clarinette, violoncelle, percussions, piano) qui bougent dans la salle et jouent des percussions à divers endroits, derrière le public et sur les côtés, plus les cuivres et certains vents qui bougent sur les côtés à un moment. Sur scène, c'est une orgie de percussions : je n'ai jamais vu autant d'instruments sur une scène... des gongs, des cymbales, des cloches de toutes tailles, une poubelle, des percussions électroniques avec des sons de toms, des bidons remplis d'eau dans lequel le clarinetiste souffle, j'en oublie les trois quarts, le tout joué de toutes les manières possibles. Le résultat est presque un concerto de percussions - pas loin de la musique concrète quelque part. L'expression est post-sérielle, mais les percussions et les effets de masse orchestrales supplantent le côté déstructuré et pointilliste habituel du style. Le discours est clair, avec des sections contrastées et assez clairement différenciées (le reproche que l'on pourrait faire à nombre d'oeuvres contemporaines). Les solistes n'arrêtent pas de bouger dans la salle, on s'en prend plein la gueule, c'est d'une puissance absolument monstrueuse, la volume sonore est énorme, c'est bourré d'idées - d'orchestration surtout. Je n'ose imaginer combien Lindberg a mis de temps pour écrire cette oeuvre. C'est peut être un poil trop long (30 minutes quand même), l'électronique sert assez peu, mais c'est vraiment génial et il n'a à mon sens jamais retrouvé ce niveau là.
Par contre, il est inimaginable d'écouter cette oeuvre en disque - je vais aller jeter une oreille sur l'enregistrement pour voir, mais je crois que ca n'aura rien à voir avec le live.