Love, Hope and Destiny : 11/12/2012
Salle Pleyel, Paris
Ludwig van Beethoven
Ouverture de Coriolan
Edvard Grieg
Jeg elsker dig op.5 n°3
Jean Sibelius
Flickan kom fran sin älsklings möte, op 37 n°5
Valse triste op 44 n°1 (extrait de la musique de scène Kuolema)
Richard Wagner
Stehe still! (extrait des Wesendonck-Lieder)
Maurice Ravel
Pavane pour une infante défunte
Kurt Weill
The Saga of Jenny
Johannes Brahms
Nein, es ist nicht auszukommen op.52 n°11 (extrait des Liebesliederwalzer)
Hector Berlioz
Le spectre de la rose (extrait des Nuits d'été)
Franz Schubert
Der Tod und das Mädchen D.531
Edward Elgar
Nimrod (extrait des Variations Enigma op.36)
Richard Strauss
Morgen op. 27 n°4
BIS :
Richard Wagner : Träume
Jean Sibelius :Flickan kom fran sin älsklings möte, op 37 n°5
Ludwig van Beethoven
Symphonie n° 5
BIS :
2 pièces inconnues...
Edward Elgar : Nimrod (extrait des Variations Enigma op.36)
Soprano : Nina Stemme
Swedish Chamber Orchestra
Direction : Thomas Dausgaard
Vendu principalement comme un récital de Nina Stemme, ce concert n'avait tout de même pas réussi à totalement remplir la salle de Pleyel. Le public avait-il peur de l'orchestre ? De la faible part de chant programmée ? Ou tout simplement du répertoire ?
Il faut dire qu'après son Isolde monumentale il y a quelques mois dans les mêmes murs, la voir revenir avec un programme de mélodie entremêlée de pièces orchestrales pouvait surprendre. Et pourtant, la chanteuse sait tellement bien tenir sa grande voix qu'elle va donner, tout au long de la soirée, une vraie leçon de phrasé de d'émotions. Il faut dire aussi que le programme est fort bien construit, car au lieu d'enchaîner les mélodies, il essaye de construire une certaine continuité dans la musique, alternant musique et chant bien sur, mais sans les éternelles entrées et sorties des artistes, ainsi que les applaudissements. Ici, on enchaîne les morceaux, tenus en respect par la baguette implacable du chef envers le public. La chanteuse reste toujours durant les différentes pièces orchestrales, en profitant pour se déplacer sur scène pour changer d'endroit ou pour modifier légèrement sa tenue.
Ainsi, dès l'Ouverture de Coriolan, Nina Stemme se trouve sur scène, cernée par l'orchestre dans une grande robe rouge. Le chef immédiatement nous donne le ton du concert avec un Beethoven très articulé et phrasé, jouant sur un orchestre au son assez clair et sans aucune emphase facile. C'est précis dans la construction, mais aussi superbement vécu. Et Stemme semble totalement imprégnée par la musique et son visage prend vie pour la mélodie de Grieg. Peu familier avec ce répertoire de mélodies, je ne peux que noter l'implication et la retenue de la chanteuse. Là non plus il n'y a pas d'effet facile et grandiloquent. La mélodie de Sibelius qui suit restera sur le même registre, avec ici une vraie douleur qui s'exprime dans cette voix si large et égale.
Pour Valse Triste, le chef opte pour une direction très retenue, avec un étirement du tempo, des silences et sa lecture est favorisée par un pupitre de cordes tout bonnement splendide délicatesse mais aussi avec un petit quelque chose de désabusé et gris (mais dans le bon sens du terme!). Peut avant la fin de la valse, alors que le mouvement dansant se fait plus présent, Nina Stemme s'avance et, par quelques pas dansés, va enlever une partie de sa robe rouge puis se placer sur une estrade derrière l'orchestre pour nous chanter "Stehe Still !" de Wagner. Wagner me direz-vous... mais oui... et toujours avec retenue ! Point ici d'Isolde farouche ou de Brünnhilde guerrière. Nina Stemme se tient, fière dans sa robe rouge, mais pour demander, supplier et non pas ordonner. Magnifique moment d'émotion que cette grande voix retenue qui remplie malgré tout l'immense salle de Pleyel. Le moindre murmure se trouve projeté et vient toucher l'oreille de chaque spectateur.
La Pavane pour une Infante Défunte ne marque pas beaucoup, malgré une belle tenue de l'orchestre. Pendant ce temps Nina Stemme va chercher un manteau noir pour revenir sur le devant de la scène : de part sa tenue et sa coiffure, on se croirait devant Liza Minelli pour un Kurt Weil très "comédie musicale". Peut de chant opératique ici, où la voix se trouve souvent dans des graves roques et un chant plus parlé que vraiment lyrique. Seule la dernière note nous est claquée dans un aigu opératique vainqueur. Et là, le public applaudit... mais il est rapidement repris en main par le chef, toujours attentif à l'orchestre bien sûr, mais aussi à la continuité du concert. Car je parle beaucoup de Stemme. Mais il ne faut pas oublier le chef qui toujours propose un accompagnement superbe, avec un orchestre dont les sonorités ne sont pas sans rappeler par certains côtés les orchestres baroques !!
Rapide valse de Brahms qui permet à Nina Stemme de troquer son manteau par une sorte de petite traine. Elle nous arrive pour Le Spectre de la Rose de Berlioz... Très étrange interprétation. On a l'impression que la chanteuse a choisi une tessiture trop basse pour elle tant le chant reste dans le grave de la voix. Du coup, certains passages ne sont pas très sonores ou beaux. Mais d'un autre côté, le fait de rester dans cette zone un peu sourde donne quelque chose de sombre et mélancolique. Le phrasé est magnifique, par contre la diction laisse quelque peut à désirer. Le Schubert qui suit n'emporte pas vraiment mon adhésion par manque sûrement de passion pour les Lieder de ce compositeur.
Avec l'extrait des Variations Enigma d'Elgar, le chef touche un répertoire plus contemporain et m'a fait découvrir une magnifique partition. Très étrange dans sa composition mais superbe dans la mélodie. Pour terminer cette partie, Nina Stemme renoue avec Strauss pour un superbe Morgen. La voix se fait solaire et plane au dessus de l'orchestre où la mélodie s’amplifie sans pour autant en devenir violente. Superbe ensoleillement de fin de récital pour Nina Stemme.
Bien sûr, le public majoritairement venu pour la soprano lui fait un accueil au final... Succès mérité par la tenue du chant et l'émotion qui s'en dégage. Pour la peine, un autre Wesendonck-Lieder (Traüme) tout aussi magnifique que le premier, avec ce lyrisme pas trop appuyé et cette lumière qui point dans une voix assez sombre à l'origine. Et puis la reprise de la mélodie de Sibelius....
Ainsi se termine cette première partie. Au lieu d'un récital de Nina Stemme, nous avons finalement assisté à un concert complet, avec une vraie construction où les interventions de la chanteuse se trouvent inclue dans un tout. Il faut d'ailleurs rendre hommage à Nina Stemme qui sait admirablement s'effacer alors que son statut lui permettrait de présenter un récital "habituel" qui la mettrait beaucoup plus en avant.
Pour la deuxième partie, la Symphonie n°5... Rebattue et mille fois entendue, je ne m'attendais pas forcément à grand chose (sorte de remplissage d'un concert trop court). Quelle ne fut pas ma surprise dès les premiers accords si connus d'entendre une tension rarement donnée, un tempo rapide, un orchestre plus sec et tranchant que souvent ! Très loin du moelleux Beethoven d'un Karajan ou des couleurs d'un Cluytens, plus proche de la sauvagerie d'un Svetlanov mais avec plus de structure, le chef Thomas Dausgaard réussit à ré-inventer à mes oreilles cette symphonie.
Les thèmes sont particulièrement bien mis en avant pour chaque mouvement. L'orchestre est superbement bien construit et nous permet de bien entendre la structure des mouvements et de la partition. Avec des cordes plutôt sèches et claires, nous n'avons pas cette masse qui peut cacher les autres pupitres qui pourront même à l'occasion écraser les cordes. Il faut dire que du côté des cuivres par exemple, on se trouve face à quelque chose d'impressionnant ! Ils m'ont fait penser aux cuivres de l'Orchestre National d'URSS du temps de Svetlanov ! Quelque chose d'un peu claironnant (d'ailleurs, les trompettes n'étaient pas des trompettes modernes ! Première fois que je vois et entend ça dans ce répertoire!!) et sonore mais pas trop tranchant et lourd. Idem pour les timbales ! La percussionniste avait à sa disposition deux jeux : un ancien avec un son plus rond et résonnant, et à côté un jeu plus complet et moderne. Et bien c'est le jeu ancien qui lui sert pour la symphonie, donnant là aussi un quelque chose de plus humain et moins claquant. Et puis le pupitre des bois, splendide malgré quelques petits couacs.
Du coup, un orchestre magnifique qui sait sonner légèrement ancien, proche de la conception que pourraient avoir des chefs comme Harnoncourt je pense... mais avec un chef tendu et dramatique, donnant vie et relief aux moindres émotions qui doivent émailler la partition, sachant jouer du rubato pour marquer certaines phrases ou en mettre d'autre particulièrement en valeur... Un vrai travail d'orfèvre que cette direction par un chef très engagé, dirigeant sans partition et d'une manière qui montre combien il fait confiance à l'orchestre tout en lui donnant des indications précieuses. Fruit d'une longue collaboration sûrement, cette fusion entre chef et musiciens nous donne une 5ème symphonie comme je n'en ai jamais entendue. Magnifique !
Du coup, immense ovation lors des saluts ! Et pourtant, une petite partie du public avait déserté la salle lors de l'entracte, Nina Stemme ayant terminé de chanter . Quelle erreur ! Devant le triomphe, le chef visiblement très ému va nous offrir trois bis, et la salle l'accueillera à chaque fois par une véritable ovation. Et toujours cette manière d'imposer le respect à son auditoire et ainsi ménager des blancs nécessaires à la respiration une fois la musique terminée.
Du coup, si Nina Stemme était l'élément d'accroche, c'est plutôt l'orchestre et le chef qui resteront dans ma mémoire. Non pas que Stemme ait été mauvaise, au contraire. Je dirais juste qu'en restant un peu en retrait et en refusant de se mettre en avant, elle devient plus un instrument parmi d'autres (mais quel instrument bien sûr!) là où le chef est le grand acteur de la soirée. Il faut aussi dire que le programme chanté par Nina Stemme n'est pas forcément des plus valorisant et gratifiant. Demandant une belle pudeur pou beaucoup de pièces, il ne laisse pas la chanteuse totalement s'épanouir.
Un grand concert qui réserva donc une immense surprise pour toute la partie orchestrale !