Je n'ai pas vu de sujet qui s'attache aux titres des oeuvres. Ou plutôt au rapport entre le titre et l'oeuvre.
Au-delà de la simple désignation formelle (ex : symphonie n°7, quatuor en mi bémol...), qualifiée par le genre, la tonalité, la référence (classement ordinal, numéro de catalogue...), certains auteurs ont ajouté un titre à leurs oeuvres.
Selon quel besoin ?
L'intérêt pour le compositeur est d'honorer un mécène (ce faisant d'assurer un certain prestige, un rayonnement) ou dédicataire (l'être aimé, un ami, un parent), de sortir l'oeuvre de l'anonymat, d'expliciter son inspiration, préciser le sujet, affermir sa force d'évocation musicale, ou simplement de distinguer les oeuvres entre elles par une appellation littérale.
Le public en est friand, comme le montrent certains titres apocryphes, pour le meilleur ou le pire (ainsi pour les Valses ou Préludes de Chopin, ou le Concerto
Elvira Madigan...), souvent à des fins mnémotechniques (l'anecdote se retient plus facilement qu'un numéro ou une tonalité).
Si on se risque à une classification, les titres peuvent se référer :
¶ au lieu de composition ou de création de l'oeuvre (
Mozart,
Symphonie Linz,
Stravinsky,
Concerto Dumbarton Oaks)
¶ à un dédicataire (
Mozart,
Quatuors à Haydn ;
Beethoven,
Sonate à Kreutzer ;
Bach,
Caprice sur le départ de son frère bien aimé ;
Berg,
Concerto à la mémoire d'un ange) ou à un inspirateur (
Elgar,
Enigma Variations) sans que parfois l'hommage soit très clair (
Beethoven,
Lettre à Elise)
¶ au contenu illustratif, souvent avec un référent naturaliste (
Vivaldi,
Les Quatre Saisons), paysagiste (
Debussy,
Les Collines d'Anacapri) ou géographique (avec ce que ça suppose de couleur locale :
Mendelssohn,
Symphonie italienne ;
Mozart,
Marche turque ;
Rimsky,
Capriccio espagnol ;
Gershwin,
Un Américain à Paris)
¶ à une source littéraire, philosophique ou mythologique (
Liszt,
Les Préludes ;
Berlioz, symphonie
Roméo et Juliette ;
Sibelius,
Légendes de Lemminkaïnen ;
Strauss,
Ainsi parlait Zarathoustra)
¶ à un événement ou des personnages historiques (
Janacek,
Taras Boulba ;
Chostakovitch,
Symphonie L'année 1905)
¶ à une circonstance particulière associée à l'oeuvre (
Haendel,
Water Music, conçue pour des réjouissances nautiques ;
Haydn,
Symphonie Le Miracle, en souvenir de la chute d'un lustre pendant un concert, qui miraculeusement ne fit aucun blessé ;
Mahler,
Symphonie des Mille, en relation avec l'effectif de la création munichoise)
¶ à des procédés d'écriture imitatifs (
Telemann,
Concerto Les grenouilles qui évoque le coassement ;
Vivaldi, Concerto pour flûte
Le Chardonneret)
¶ à divers thèmes d'inspiration (
Schumann :
Scènes d'enfants) ou contenus programmatiques (
Berlioz,
Symphonie fantastique)
¶ à un contenu émotionnel ou caractériel (
Bruckner,
Symphonie romantique ;
Nielsen,
Symphonie Les Quatre tempéraments ;
Tchaikovsky,
Symphonie pathétique)
¶ à des références mixtes : la
Symphonie du Nouveau Monde fut composée aux Etats-Unis et utilise certains idiomes musicaux amérindiens (ou supposés tels) tout en restant tributaire du folklore bohème.
Au-delà de cette taxinomie qu'on pourra compléter et préciser, je me faisais cette réflexion que décidément j'aime bien les titres évocateurs, notamment ceux qui éclairent la perception d'une oeuvre, la qualifient, tissent des liens avec son imaginaire ou ce qu'elle nous fait ressentir.
Et que l'on pourrait s'amuser à baptiser certaines oeuvres pour lesquelles le compositeur n'y a pas pourvu.
Sans s'atteler d'emblée aux 555 Sonates de Scarlatti, on pourrait réfléchir à des oeuvres que nous aimons, et auxquelles nous souhaiterions donner un titre, subjectif certes, et si possible qui pourrait faire consensus.