Les Sept paroles du Christ expirant sur la Croix – Stabat Mater : 27/03/2016
Salle des Concerts de la Philharmonie de Paris
Giovanni Battista Pergolesi :- Les Sept Paroles du Christ expirant sur la Croix
- Stabat Mater
Sunhae Im, soprano
Christophe Dumaux, contre-ténor
Julian Prégardien, ténor
Johannes Weisser, basse
Akademie für Alte Musik BerlinDirection :
René JacobsEn ce week-end de Pâques, René Jacobs nous venait à Paris pour un programme convenant parfaitement à la circonstance. Une œuvre rare qu'il a enregistré il y a quelques années... et le fameux
Stabat Mater qui jette une ombre sur l'ensemble de la production du compositeur italien. Mort à 26 ans, ce jeune compositeur possède la statut de martyre de la musique et cette dernière composition en forme de requiem le rapproche de Mozart dans sa triste vie de musicien. Mais il y a d'autres ouvrages et ces
Sept Paroles montrent un compositeur très sensible et recueilli aussi. La partition a été découverte dans les années 30 et il faudra attendre le début du XXIème siècle pour que mes recherches attribuent vraiment l’œuvre à Pergolese.
L'ouvre se décompose en sept cantates chacune sur une parole, et chacune de ces cantates se décomposent elles-même en deux parties : la première est chantée par le Christ, et la deuxième par l'âme qui réfléchit à cette parole. Avant ces deux parties, la parole en elle-même est donnée a capella par la basse dans un style de chant grégorien. La première partie est toujours assez sobre et recueillie, présentant avec délicatesse la parole et son développement. C'est cette alternance entre les différentes parties de chaque cantate qui donne la force à l'oeuvre car il y a comme un systématisme, renforcé par des accompagnements communs. Ainsi,les deux cantates extrêmes se montrent très proches avec un accompagnement d'altos et un cor solo alors que les autres cantates verront une trompette, un alto ou le violoncelle. Ces changements d'effectif pour chacune des parties donne une grande variété à la musique sans en enlever l'unité.
Les chanteurs rassemblés par René Jacobs sont des habitués du style et du chef. Dans le rôle du Christ (dans 6 cantates), Johannes Weisser se montre exemplaire de style et d'impact. La voix claire et limpide donne une grande sobriété au message malgré quelques fioritures et impose immédiatement cette sagesse qu'il prodigue à l'heure de sa mort. Les phrases en introduction sont comme un immense son de cloche qui nous immobilise et nous frappe par la noblesse du ton. Le chant est magistralement tenu et offre un portrait très marquant. A côté, Julien Prégardian dans son unique incarnation du Christ manque de charisme et de puissance dans son discours. A l'inverse, ses interventions en tant qu'âme le montrent parfait de grâce et de douleur.
Les deux voix aigus sont dévolues à Sunhae Im et Christophe Dumaux. La première est bien connue pour ses participations aux productions menées par René Jacobs. Si la voix manque un peu de corps pour vraiment s'affirmer dans une vraie dimension tragique, le chant est lui d'une finesse admirable et rayonnant. Mais elle ne peut rivaliser face au tragique qui se dégage de la voix du contre-ténor Christophe Dumaux. Il possède un impact et un ton tragique qui peuvent rivaliser sans aucun soucis avec la prestation de Weisser. Il y a ici un vrai contrepoids, une vraie réponse à la hauteur du message.
L'orchestre et le chef sont particulièrement impressionnants dans leur mobilité et l'ensemble qu'ils savent créer. Lui dirige avec finesse, sans grand geste mais on sent tout le travail qui se dégage de cet ensemble. Les musiciens ont certes l'habitude de jouer ensemble et sous sa direction, mais les pupitres semblent multiples tant ils peuvent former une ensemble ou donner naissances à des polyphonies admirables. Le chef donne ici un recueillement et une profondeur grandioses.
Pour terminer la soirée (même si ce premier ouvrage était loin d'être court avec ses 80 minutes), c'est la partition la plus connue du baroque italien sûrement : le
Stabat Mater. On y retrouve les deux voix aigues et du coup aussi les mêmes petites soucis d'équilibre même si Sunhae Im semble plus à l'aise ici dans un ouvrage qui demande moins de drame et plus de musique. La voix paraît tout de même un peu limitée pour vraiment donner toute sa grandeur à la partition : après les fulgurance d'Ana Quintans il y a quelques mois à Gavaux qui nous traçait avec une voix d'acier pleine de douceur un chant admirable et sensible, la soprano coréenne reste sur des terres plus limitées même si le chant est superbe. Mais lui manque un peu de transparence, des aigus plus dardés et une vocalise plus précise. Chrisophe Dumaux donne comme pour la première partie un chant d'une grande force émotionnelle et la voix se déploie de belle manière, totalement incarné dans la douleur de la pièce. Une vision très retenue et recueillie donc où chef et orchestre sont encore une fois parfaits. Mais qui manque un peu de grandiose à certains moments.
Le concert reste magnifique et les musiciens nous donneront un petit bis : la reprise du « Amen » du Stabat Mater. La salle était conquise !
A noter que René Jacobs a enregistré ces Sept Paroles :