J'aborde ce spectacle que je n'ai vu qu'à la télévision, mais qui mérite d'etre salué.
J'y suis allé à reculons, à cause des déclarations du metteur en scène, et du buzz autour : l'anticolonialisme et l'antiracisme sont des sentiments respectables, mais dans un opéra de Mozart, ils sont parfaitement dispensables.
Surtout Honoré a fondé son projet scénaristique sur une idée fausse : les deux tourterelles qui ne reconnaissent pas leurs amants grimés en albanais, ça n'est pas vraisemblable : en effet, c'est vrai, mais ça n'a aucune importance : l'art lyrique n'a jamais été un art réaliste, et le répertoire fourmille de chefs d'oeuvres qui sont truffés d'invraisemblances - on pourrait ouvrir un fil sur le sujet. Donc Honoré veut une mise en scène dans laquelle les deux cacous sont méconnaissables : direction l'Abyssinie, et nos héros ne seront plus des albanais, mais des auxiliaires noirs des troupes mussoliniennes - ce faisant il tombe dans une autre invraisemblance : peut -on réellement croire que deux jeunes italiennes, qui dans la mise en scène sont décrites comme fascistes, deviendraient intimes avec des noirs, allant jusqu'à envisager de les épouser ?
Mais là non plus, ça n'a pas réellement d'importance : la peinture de la domination colonialiste et fasciste est très présente au début de l'oeuvre, et elle meme d'une violence un peu outrancière - mais plus l'oeuvre avance, plus cet aspect devient anecdotique, et en fait largement décoratif - très beau travail scénographique de Alban Van Ho et de Dominique Bruguière.
Honoré parle dans ses commentaires d'une manière condescendante du "marivaudage" du livret - mais impropriété lexicale mise à part, c'est bien là l'essence de l'oeuvre, et il en donne à voir une lecture exemplaire - avec une direction d'acteurs formidable - de cette intrigue cruelle. C'est surtout chez les interprètes féminines que cette interprétation réglée au millimètre est éclatante - Sandrine Piau est évidemment superbe, mais Kate Lindsay et Lenneke Ruiten ne lui cèdent en rien.
Magnifique orchestre sous la direction de Louis Langrée.
Et je n'oublie pas le Cape Town Opera Chorus, qui fournit la "couleur abyssinienne" : je les admire de se laisser piétiner ou sexuellement molester, mais au delà de cet aspect ce sont d'excellents musiciens : j'espère qu'ils seront réinvités !
Ce Cosi mériterait d'etre édité en DVD.
Montfort