L’univers de la musique (post)minimaliste est très diversifié. J’aimerais ici évoquer rapidement l’un de ses courants, que j’appellerais maximalisme-totalisme, réunissant en fait deux branches distinctes mais qui partagent plusieurs caractéristiques et entre lesquelles se sont dévoloppés beaucoup d’échanges (voir par exemple l’histoire de l’ensemble Icebreaker) : la branche néerlandaise (puis belgo-néerlandaise) et la branche new-yorkaise qui nous intéresse donc ici (et qu’on appelle fréquemment
totalism). Comme peuvent l’indiquer les deux termes utilisés, bien que dérivant directement du minimalisme et en particulier de l’héritage de Steve Reich, ces mouvements sont apparus en réaction au minimalisme dominant, si bien que j’ai aussi trouvé le terme de
postminimalism of resistance : alors que le minimalisme mainstream, joué dans les salles prestigieuses, dérivait de plus en plus vers l’
easy listening ou le néo-symphonisme (Glass, Adams, Torke, etc.), le totalisme s’est défini avant tout comme un mouvement issu de la culture
downtown, mais repensée, renouant avec l’idée d’une écriture organisée et rationnelle que la scène downtown mettait au départ en cause (j’ai trouvé cette phrase :
Just as uptown locales have begun to institutionalize downtown, downtown has begun to rethink uptown.). L’une des caractéristique principale de ce courant va dans le sens d’une diversification et d’une complexification, en particulier sur le plan rythmique : rythmes et mètres complexes, polyrythmes (notamment influencé par les théories harmonico-rythmiques de Henry Cowell), fréquents changements de tempo, structures beaucoup moins monolithiques, etc. Une chose qu’on retrouve aussi fréquemment, particulièrement du côté néerlandais, est l’emploi de formes complexes comme les canons, le hoquet, etc. Mais il se distingue également par ses emprunts à la pop culture, et en particulier rock, mais aussi dans certains cas à des cultures non occidentales. D’où le ton généralement énergique et pulsé, la prédominance d’instruments amplifiés et de percussions, et la guitare électrique comme instrument de premier plan. Chez Wolfe en particulier on peut identifier toute une série d’emprunts à la culture folk, pop, au funk, au rock, etc., dont on trouve un écho dans des thèmes comme le monde ouvrier. Si l’idée de ressources minimales et les boucles sont toujours présentes, les éléments hypertonals avoisinnent les dissonances crues, les clusters, glissandos, etc. Avec Michael Goldon et David Lang, Julia Wolfe a fondé Bang on a Can, un collectif de compositeur·rice·s et d’interprètes qui a organisé des sessions de concerts à partir de la fin des années 80.
En 2015 Julia Wolfe a remporté le prix Pulitzer de musique pour son œuvre
Anthracite Fields, que je recommande vivement.