Gouriantchikov : Willard White
Aleia : Eric Stoklossa
Filka Morozov : Stefan Margita
Le Commandant : Jiri Sulzenko
Le Vieux prisonnier : Graham Clark
Skouratov : Ladislav Egr
Kedril : Marian Pavlovic
Chapkine : Peter Hoare
Chichkov : Peter Mattei
Tcherevine : Andreas Conrad
Pantomimes interprétés par seize acteurs
Mise en scène : Patrice Chéreau
Recréée par Peter Mc Clintock, Vincent Huguet, Thierry Thieu Niang
Scénographie : Richard Peduzzi
Costumes : Caroline de Vivaise
Lumières : Bertrand Couderc
Choeurs de l'ONP, José - Luis Basso
Orchestre de l'ONP : Esa - Pekka Salonen
Spectacle d'une force incroyable.
J'avais pu voir en 1988 la création scénique de l'oeuvre à Favart, dans la mise en scène de Schloendorff sous la direction de Mackerras : un bon souvenir, mais là on se situe à un niveau artistique incomparablement plus élevé.
Le livret est tiré du récit de Dostoïevski qui avait passé quatre ans dans un camp de Sibérie : il est fidèle à l'atmosphère d’oppression et de violence qui y règne, mais vise mettre en relief "l'étincelle divine" que recèle l’être humain le plus humble - les temps forts de l'opéra reposent sur quatre récits de prisonniers, qui décrivent leur destin fracassé - ces récits existent bien chez l'écrivain, sans avoir le même relief - il n'y a presque pas de progression dans la narration, les seuls éléments "performatifs" étant au début de l'oeuvre l'arrivée dans le camp de Goriantchikov, prisonnier politique, incarnation de l'écrivain, battu sauvagement par les gardes à son arrivée - puis à la fin sa libération, avec un commandant obséquieux - sans doute un revirement politique..
La musique est passionnante : abrupte, pleine d’arêtes, reposant souvent sur des ostinatos, avec aussi une dimension descriptive : flagellations, bruits de chaines..
A réécouter attentivement : peut etre du niveau de Wozzeck ?
Difficile de restituer avec des mots l'excellence du travail de Chéreau, qui à la fois modèle des scènes d'ensemble, et porte une attention soutenue à chaque individu, pour lui faire exprimer pleinement son individualité - et c'est un tour de force, car si les destins se ressemblent, chacun est bien unique.
Il est difficile de juger cette représentation sur la base des critères habituels de l'art lyrique : il n'y a pas de premier rôle, ni de comparse : chaque personnage est important au moment où il intervient - vocalement certains étaient meilleurs que d'autres, mais finalement cela n'avait pas grande importance : ils étaient tous parfaitement incarnés. Si je devais en distinguer un, ce serait Peter Mattei dont le récit de Chichkov est terrible...
Magnifiques choeurs, intervenants souvent en coulisse, et orchestre somptueux sous la baguette inspirée de Salonen : lorsque la dernière note a été jouée, l'orchestre s'est levé pour applaudir le chef !
J'ai lu ici et là que certains qui avaient vu le spectacle à Aix trouvaient cette reprise inférieure à l'originale : peut etre, mais quelle importance...
Et bravo à Lissner d'avoir su rassembler les forces pour une telle résurrection !
Des critiques :
https://www.forumopera.com/de-la-maison-des-morts-paris-bastille-letincelle-divine-selon-chereau
http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=12747
http://www.altamusica.com/concerts/document.php?action=MoreDocument&DocRef=6384&DossierRef=5850
Belcore
Quelques mots sur l'exposition consacrée à Chéreau : à voir absolument.
Elle recouvre l'ensemble des productions lyriques du metteur en scène : iconographie passionnante, mais il faut prendre le temps de lire les documents et de regarder les vidéos dans lesquelles il explique sa relation compliquée avec l'art lyrique, notamment parce que :
Les chanteurs ont des habitudes scéniques sommaires qu'il faut leur désapprendre : or c'est compliqué parce que le temps consacré aux répétitions est toujours trop court
La prévalence du chant sur le théatre : cela impose au metteur en scène une temporalité parfois contre productive
Les reprises de spectacles anciens : du temps gâché, les chanteurs ont oublié ce qu'ils ont assimilé, et c'est pire si la distribution a changé...