Versions du Clavier bien tempéré de JS BACH

Je pense qu'on ne peut plus rien apporter d'essentiel à cette oeuvre. Il existe des versions dans le marbre. Et puis ce n'est pas Debussy, ni même Beethoven.
Encore de la place pour une vraie nouvelle lecture ? Je ne crois pas.

Sisi, j'attends avec impatience une vraie version qui respire et qui danse, un peu du genre de Kurt Rodarmer pour les Goldberg, et mieux encore, avec de l'irrégularité à la française, comme fait Minko pour la Mécenci.

Zhu Xiao-Mei le fait déjà, je trouve.

Zeno a écrit:

Zhu Xiao-Mei le fait déjà, je trouve.

Ah non, c'est du très bon romantisme pudique, j'aime énormément, mais on est plus du côté de la contemplation que de la danse.

A nuancer... Tu n'as pas tort, certes, et je pense que tirer trop le clavier vers la danse contredirait l'esprit même de l'écriture. Ou alors certains préludes, mais pas la majorité des pièces en tout cas.
Et je doute que Pollini nous fasse valser tout ça, si j'ose dire.

Zeno a écrit:

A nuancer... Tu n'as pas tort, certes, et je pense que tirer trop le clavier vers la danse contredirait l'esprit même de l'écriture.

Oh, trop, ce n'est pas le sujet bien évidemment... mais il reste comme qui dirait de la marge dans le corpus existant. Ne serait-ce que techniquement, parce qu'il faut quand même gérer les voix, les écarts malcommodes, les maladresses mélodiques, les rudesses harmoniques, etc. Comme toute musique moyenne, il faut en prendre soin pour que sa valeur éclate.

je viens de lire les 11 pages ; je suis un fanatique du clavier, avec une préférence pour le piano, mais j'aime aussi le clavecin ; j'adore Richter surtout et pas du tout gould, que je trouve par ailleurs prodigieux dans les partitas et les suites anglaises, comme quoi..
ce qui m'étonne le plus, c'est cette réputation d'aridité "mathématique" du clavier ; en effet, contrairement aux goldberg ou à l'art de la fugue, je trouve le clavier particulièrement expressif, mélodique et mélancolique.. très mélancolique par moment, et j'adore, c'est sublime.

Citation :

contrairement aux goldberg ou à l'art de la fugue, je trouve le clavier particulièrement expressif, mélodique et mélancolique..

Je suis assez partagé sur la question. Contrairement aux deux autres recueils, je ne peux pas écouter le WTK d'une traite, ça finit par me taper sur le système. Surtout si c'est joué "sportif". Et l'émotion est souvent plus faible pour moi.

ben voilà ça confirme ce que je disais et je ne le comprends pas.
Sinon existe-il des versions sur d'autres instruments genre violon, une petite transcription ?

Je sais juste que le quatuor Emerson a enregistré des fugues des deux livres. Et il doit bien exister quelques versions à l'orgue... ?

Zeno a écrit:

Je pense qu'on ne peut plus rien apporter d'essentiel à cette oeuvre. Il existe des versions dans le marbre.

Lesquelles selon toi ?

Je pense que Gould, Richter, pour ne citer qu'eux, ont laissé des lectures "définitives" qu'on peut par ailleurs détester. Mais ils sont allés au bout de quelque chose et moi, j'aime les deux. Parce que je trouve que Bach a l'airain le marbre solide.

Pouvez-vous me conseiller une version ultra-lente ?

HOLLIGER a écrit:

Sinon existe-il des versions sur d'autres instruments genre violon, une petite transcription ?

Mozart a transcrit quelques fugues (je ne sais plus lesquelles) avec, si mon souvenir est bon, des préludes de son propre cru. Il en existe une version du Beaux-Art trio, chez Phillips.

@ Jérôme :

Si tu veux, je te l'enregistre au piano moi-même et te l'envoie. Je te fais tout largo, tu vas voir, c'est sublime.

Connaissez-vous la version du jeune pianiste autrichien Til Felner ? Je l'avais entendu en concert (l'intégrale des deux cahiers, couplée avec les 6 dernières sonates de Beethoven, en trois ou quatre concerts, quel programme !), et je sais qu'il existe au moins le premier livre en disque. C'est du piano complètement assumé, donc il faut aimer, et les fugues notamment y prennent une ampleur digne des fugues pour orgue !
@Jérome : je n'ai pas le minutage en tête, mais je pense que les fugues sont prises plutôt lentement.

@Zeno : Ça ira, j'ai la même à la maison
Et par souci de cohérence, tu fais aussi les tonalités très altérées plus lentes que les autres, j'imagine ?

Tout à fait. A partir de 5 bémols à la clef, je sors le buste de Chopin et le pose sur le piano.

J'ai entendu Pollini à Pleyel dans le premier livre l'année dernière. D'ailleurs, peut être que le disque est une prise de son live ?

Bon, dans mon souvenir, beaucoup de pédales, un parti pris clairement romantique et certainement pas musicalement historique. Je ne sais plus ce que j'en avais pensé d'ailleurs, à part que je n'étais pas sorti spécialement enthousiaste.

En revanche, je l'ai entendu dans la sonate n°2 de Chopin la semaine dernière (ou il y a deux semaines déjà peut être) et c'était autrement plus convaincant. Je suis ressorti sonné par la uissance, la profondeur et l'intensité de l'exécution. Je ne sais pas si le disque peut restituer vraiment cet aspect là du jeu de Pollini.

Pollini, encore et toujours. Avis aux amateurs:

Dans le dernier Classica, que je viens de parcourir, Eric Taver se paye la récente version de l'Italien:
"un désert émotionnel"
"un Clavier bien tempéré [...] tout juste déchiffré, et parfois même ânnoné"
"absence de phrasé, articulation réduite à un note à note, nuances dynamiques grisailleuses"

N'en jetez plus !

Je suis sûr que certains sont très tentés d'essayer maintenant.

Je ne sais pas si ça intéressera beaucoup de monde ici mais je le signale quand même: j'ai déniché la version de Gieseking, en flac* (En CD c'est quasi introuvable dans le commerce depuis belle lurette...)



Gieseking a enregistré ça en 1950 à la Radio de la Sarre, pour le bicentenaire de Bach. Le son est tout petit mais pour du piano seul, et du Bach en plus, ça le fait pas trop mal.

J'ai juste écouté le début pour l'instant, et malgré le son et une rigueur certaine dans le jeu de Gieseking, c'est peut-être plus vivant que ça en a l'air.
Bref, une version rare à découvrir.



*J'ai mis les liens sur Musique Ouverte.

Jean-Christophe a écrit:

Autre version du clavier, décoiffante pour ce que j'en ai écouté, celle de Samuel FEINBERG (Paru chez Russian Compact Disc et disponible chez Abeille).

C'est dérangeant, insupportable ou sublime mais ca ne peut pas laisser indifférent.

En revanche pour ceux qui trouvent Bach musicalement trop chargé et irrespirable faudra penser à l'assitance respiratoire.

Quelqu'un connait-il cette version plus en détail ??

C´est une version sans pareil, poétique, dramatique. Le report sur CD (RussianDisc et al) est tout-de-même très décevant; les vieux microsillons sont largement supérieurs.

Je recommande chaudement la version au clavicorde de Ralph Kirkpatrick. Une interprétation rapide, virtuose, toute en subtilité et en nuance mais sans aucun maniérisme, avec un son exceptionnelle pour l'époque. On entend tout, car tout est rendu transparent par le son du clavicorde.

Une belle preuve qu'il n'y a pas que le clavecin, le piano et l'orgue pour faire des enregistrements faisant date !

Je possède par ailleurs les version de Louis Thiry a l'orgue, de Gleen Gould au piano, ainsi que d'un illustre inconnu au clavecin, pourtant, celle ci demeure ma version préféré car je ne m'y ennuie pas une seule seconde.

Salut,

Cela fait assez longtemps que je recherche le clavier bien tempere de J.S Bach par Vladimir Ashkenazy, c'est une des interpretations qui me manque vraiment.

Est ce que quelqun l'aurait? si oui ou l'avez vous trouve?

http://www.amazon.fr/Clavier-Bien-Temp%C3%A9r%C3%A9-Jean-S%C3%A9bastien-Bach/dp/B000CRQZL4/

Ah tiens

Sur amazone, j'avais pourtant chercher, enfin merci beaucoup alexandreg

je me demande comment c'est joué, je suis plutôt friand de versions au piano..

Il y a beaucoup mieux au piano !

Qui ?
j'aime beaucoup Richter je dois dire, je trouve ça assez mélancolique.
A l'inverse, Gould ne me touche pas, ses manies rythmiques me paraissent hors de propos, alors que je le trouve fabuleux dans les partitas.
je m'aperçois que ne collectionne pas les versions au piano,c'est pourtant une œuvre de chevet!

Zeno a écrit:

Il y a beaucoup mieux au piano !

HOLLIGER a écrit:

Qui ?

Je ne serais pas étonné que Zeno pense à Koroliov.

Ah, Koroliov, le copain des Prazak, je vais regarder cela.
Et toi?

Et il pense à ZhXM évidemment.

DavidLeMarrec a écrit:

Et il pense à ZhXM évidemment.

Ah maintenant que tu le dis, c'est peut-être plutôt ça, en effet.

Oh, ce n'est pas impossible que Koroliov soit aussi dans les parages. Mais pour elle, c'est certain.

J'éprouve naturellement une scandaleuse réticence à tenter les interpétes asiatiques!

DavidLeMarrec a écrit:

Oh, ce n'est pas impossible que Koroliov soit aussi dans les parages. Mais pour elle, c'est certain.

Koroliov, 57 euros pour le clavier, au revoir pour le moment !

HOLLIGER a écrit:

Ah, Koroliov, le copain des Prazak, je vais regarder cela.
Et toi?

J'aime beaucoup Richter, Feinberg et Koroliov justement. Ils sont tous les trois russes mais Richter reste à part, plus personnel, alors que les deux autres sont plus traditionnellement (mais superbement) romantiques.

Sinon, si on en abuse pas, je trouve toujours l'écoute de la version Gould passionnante. Son travail sur la polyphonie reste sans égal et met vraiment le cerveau en ébullition.

Enfin, de temps à autre, retour vers le père Fischer. Une leçon de musicalité (pas toujours très propre diront les rabat-joie.)

Une oeuvre comme cela, c'est un univers en expansion, une promesse d'exploration sans fin. J'use et abuse de mes mots fétiches, mais voilà, lorsqu'on déroule à ce point le tapis rouge devant notre conscience, il y a de la place pour pas mal de monde.

Franchement, Gould, on connaît ses manies, mais c'est assez stupéfiant, fulgurant. Il y a des éclairages qui sont de véritables samadi en termes de dévoilement ultime. Et puis on est nombreux à avoir commencé par lui. Ce type lavait l'âme du diable avec du savon contrapuntique. C'est l'élément feu.

Comment évacuer Richter, c'est impossible ! Il est tellement noble, tellement souverain, tellement là où l'on s'éternise lorsque tout a été dit. Est-ce du piano, de l'orgue, autre chose ? Essayez de calquer votre inspir et votre expir sur certaines pièces jouées par lui, trouvez le tempo qui vous convient et faites l'expérience de la lévitation germinative. C'est l'élément air.

Koroliov est un arc tendu, une arche d'alliance, un équilibriste sur le vide devenu semence, moisson, abondance totale. Il donne à sentir que Bach est parfait mais aussi plein d'énergie en réserve. Voilà un pianiste qui s'enracine jusque dans la minéralité naturelle du compositeur. C'est l'élément terre.

Zhu Xiao-Mei, c'est, aujourd'hui, ma version préférée. Elle me rend Bach intime, vibrant, presque fragile - comme une photo en macro de l'infiniment grand qui deviendrait à mon image, goutte d'eau que je suis. Sa vision de l'oeuvre est marquée du sceau du Juste milieu, elle est, mais je suis peut-être fou, sensiblement bouddhiste au sens où lorsque je l'écoute, je sens la souffrance des hommes (et ce fut celle de la pianiste) rencontrer la plus haute et silencieuse forme de consolation. Par instants, on entend le silence qui dialogue avec nous - toujours est-il qu'elle m'a fait pleurer, par l'expression même de ce yin si féminin, si accueillant, si consolant. C'est l'élément eau.


Voilà, avec ces quatre piliers, on peut passer au clavecin si on veut vraiment quelque chose de différent.

je viens d'écouter des extraits de zhu Xiao-Mei, ça a l'air vraiment superbe.
je vais me le procurer plus tard, c'est vraiment cher aussi!
Ce prélude n°10 en mi mineur pour lequel j'éprouve une tendresse toute particulière, et qui m'évoque "les liaisons dangereuses" de S.Frears.. j'aime comme elle appuie délicatement sur la main gauche, chaque note étant un vrai crève cœur..
Qui peut parler de musique aride ou mécanique après ça ?

Pour Gould, je ne vous comprends pas, Adriano et Zeno, je trouve son travail sur la polyphonie complètement à côté de l'œuvre justement, alors que ça marche dans les toccatas ou les suites anglaises..
Est-ce que ça tient à ma sensibilité, à la votre, tout cela couplé à la nature différente des œuvres ? Zeno, pour reprendre ta quadrilogie, Gould, je n'y vois que du feu, des tics, des hoquets qui violentent la musique inutilement, je n'entends rien de cette suprême caresse constitutive du clavier. Il me heurte, je le trouve grossier, parce qu'à mon sens très personnel, il ne dévoile rien.
Sans toutes ces divergences, il n'y aurait pas de forum!

HOLLIGER a écrit:

Qui peut parler de musique aride ou mécanique après ça ?

Pas moi en tout cas, je trouve ses interprétations merveilleuses. Meilleures que la musique, même, d'une certaine façon.

Bien vu pour le feu !
Mais Bach peut encaisser Gould. Après, c'est une histoire de rencontre phénoménologique pure avec toi, avec d'autres, avec moi... Mais objectivement, ça peut tenir la route.

Qui pourrait épuiser Bach ? Personne.

n'exagérons rien!
c'est juste ton côté sacrilège qui ressort
(pour DLM bien sûr!)

Zeno a écrit:

Bien vu pour le feu !
Mais Bach peut encaisser Gould. Après, c'est une histoire de rencontre phénoménologique pure avec toi, avec d'autres, avec moi... Mais objectivement, ça peut tenir la route.

Qui pourrait épuiser Bach ? Personne.

c'est absolument vrai, personne, et le clavier avec Gould, ça reste le clavier, donc merveilleux.
En revanche, je me régale tellement plus avec Richter!

Alors posons le problème autrement : écouterais-tu Richter avec une telle délectation si, par contraste, tu n'avais pas subi Gould auparavant ?

L'exil provisoire rend le retour à la maison d'autant plus délicieux.

Ben, je ne suis pas sûr d'avoir entendu Gould avant : je ne m'en souviens plus
J'aime aussi avec clavecin, mais l'état d'esprit est différent.
je reviens à Richter ;quand même oui, je l'aimerais autant

L'un est un terreau initial, l'autre est une riche terre, en somme.

Spoiler:

sauf que tu te mélanges les pinceaux : c'est Koroliov que tu avais classé en terre et Richter en l'air.

A force de tout foutre en l'air, tu vas mettre le l'huile sur le feu!

Franchement, foutre Richter en l'air, c'est gonflé !

Oui, d'un matelas de certitudes!!... ça élève!

J'ai craqué!Je me suis acheté le 1er livre allez zhu!