Rubrique nécrologique : ils nous ont quittés...

DavidLeMarrec a écrit:

Là-dessus, j'ai vraiment évolué assez radicalement en vieillissant : je ne comprends pas la fascination que nous nourrissons délibérément pour les « grands hommes », en donnant des noms de généraux aux rues plutôt que ceux de vertus (ou, à tout le moins, de gens qui ont réellement fait du bien, des scientifiques ou des bénévoles…).

Tout de même, il faudrait savoir si la « vénération » dont témoignent ces hommages posthumes (ainsi que ceux dont il faisait déjà l’objet de son vivant) est principalement de nature pavlovienne, liée à la notoriété de l’acteur et à son importance de « people », ou provient réellement de l’émotion éprouvée par un grand nombre de personnes à la vue de certains des films où il joue (ce à quoi je veux bien croire tant j’ai moi-même été bouleversé par certains films – y compris au moins un avec Delon d’ailleurs –, et d’autant plus que la plupart de ces films sont assez grand-public), sinon provoquée par son jeu lui-même (c’était un acteur très populaire)…

C’est certainement un mélange des deux, mais les proportions pourraient faire pencher la balance dans le sens du « « grand homme » » ou dans celui du bienfaiteur (nonobstant toutes ses faces sombres, car beaucoup de scientifiques et de bénévoles en ont eux aussi…).

(Autrement, je suis très en accord avec ton message.)

Songeur a écrit:

Golisande a écrit:

En somme, une sorte de Richard Wagner des acteurs de cinéma (mais j’imagine qu’il y a pas mal de concurrence pour le titre…) (et personnellement je suis beaucoup plus sensible à Wagner qu’à Delon…)

Je ne pense pas que Delon aie participé à une production arrivant à la cheville d’un opéra de maturité de Wagner… j’aurais invoqué Carlo Gesualdo mais ce n’est toujours pas convainquant.

Et puis on imagine pas Wagner parler de lui à la troisième personne.

Je suis déjà sorti.

DavidLeMarrec a écrit:

Je m'apprêtais à partager ma perplexité par la nature des hommages, et en particulier l'emphase mise sur la beauté de l'acteur – il est vrai que moi aussi, comme acteur à proprement parler, je le trouve plus joliment décoratif que profondément subtil, mais est-ce une valeur si cardinale pour en faire une « icône », un « monstre sacré », tandis que les scénaristes et réalisateurs ne sont pas du tout entourés de la même vénération.

D'une manière générale, ça renvoie à l'importance de la beauté comme « valeur » dans la plupart des sociétés, ce qui me laisse toujours assez dubitatif.

… mais entre temps, j'ai vu passer, après la première bordée d'hommages, quelques détails sur sa vie – acoquiné avec la pègre, frappant allègrement toutes ses femmes, et ses enfants, s'en vantant même… Donc la société estime qu'être un nuisible ou un malveillant, c'est pas grave si on est joli et célèbre, manifestement, et qu'il faut honorer collectivement des sociopathes.

Là-dessus, j'ai vraiment évolué assez radicalement en vieillissant : je ne comprends pas la fascination que nous nourrissons délibérément pour les « grands hommes », en donnant des noms de généraux aux rues plutôt que ceux de vertus (ou, à tout le moins, de gens qui ont réellement fait du bien, des scientifiques ou des bénévoles…).

J'entends très bien qu'on le conçoive autrement, bien sûr, et que « la beauté du cinéma transcende l'être humain », mais je pense que c'est un très mauvais exemple qu'on donne à toute la société, de penser que la malveillance est excusable si l'on a du succès ; cela valide, au fond, les comportements toxiques. (Mon hypothèse est que cela tient à la structuration de notre espèce de primates, génétiquement programmée pour suivre le chef d'un groupe.)

Navré, c'est un peu hors sujet, mais comme vous êtes de bonne compagnie, j'imagine qu'il est loisible d'ouvrir la question auprès de vous.

Débat très intéressant que tu soulèves.

Bon cela dit, poserais-tu un tel débat si tu aimais beaucoup le cinéma ? Poser la question, c'est un peu y répondre
Je préfère l'hypothèse qu'un artiste, surtout dans un art de masse comme le cinéma ... touche forcément beaucoup plus qu'un scientifique dont les travaux réclament un billet d'entrée très élevé ... et même quand on vulgarise d'ailleurs ...

Pour ce qui est de la toxicité ... il faut sûrement plus chercher du côté de comment on fait carrière. Peut-on faire carrière en étant un agneau ? Je ne sais pas. Je ne crois pas au fait qu'on aime les toxiques ...

Cololi a écrit:

Bon cela dit, poserais-tu un tel débat si tu aimais beaucoup le cinéma ?

Ceux qui me fréquente régulièrement savent que je pense sincèrement (mais sans certitude) que, pour l'humanité, il eût peut-être mieux valu que Wagner n'eût pas vécu. Ses productions artistiques, nous ne saurions pas qu'elles nous manquent puisqu'elles n'existeraient pas ; en revanche le mal qu'il a fait à ses contemporains, il a bel et bien été vécu.

Et je ne pense pas être suspect d'aimer tièdement la musique germanique du XIXe.

Citation :

Je préfère l'hypothèse qu'un artiste, surtout dans un art de masse comme le cinéma ... touche forcément beaucoup plus qu'un scientifique dont les travaux réclament un billet d'entrée très élevé ... et même quand on vulgarise d'ailleurs ...

Il ne s'agit pas de comprendre les travaux, mais de constater les résultats. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu'un docteur en médecine (avec le risque, à nouveau, que ce soit une ordure dans le privé), avec sa découverte, a sauvé notre peau.

On peut aussi, comme les Révolutionnaires, honorer des objets ou des concepts.

« Rue du rat-taupe nu. »

« Place des surfaces lagrangiennes. »

Cololi a écrit:

Pour ce qui est de la toxicité ... il faut sûrement plus chercher du côté de comment on fait carrière. Peut-on faire carrière en étant un agneau ? Je ne sais pas.

Pour être homme politique ou chef d'orchestre, c'est à peu près certain. Pour être acteur, je ne sais pas. (Être un peu autocentré, sûrement, mais frapper sa femme et en être satisfait, je ne pense pas que ce soit un prérequis.)

Citation :

Je ne crois pas au fait qu'on aime les toxiques ...

Observe les premières amours de tes élèves et on en reparle. Je pense qu'il y a une part de notre génétique là-dedans, mais comme l'imaginaire artistique et le discours social ne le remettent pas en question, il n'y a rien pour le tempérer et ça produit ce genre de résultat.

(Je précise que je ne dis pas que je suis révolté qu'on célèbre Delon, je suis assez résigné à la vérité. Mais ça me pose toutes sortes de questions plus larges sur les choix de société que nous faisons sans y penser, y compris via la fiction. L'homme idéal taiseux et alcoolique comme les personnages de Bogart ou taiseux et violent comme ceux de Delon, la représentation nourrit les aspirations des hommes réels.)

Songeur a écrit:

Golisande a écrit:

En somme, une sorte de Richard Wagner des acteurs de cinéma (mais j’imagine qu’il y a pas mal de concurrence pour le titre…) (et personnellement je suis beaucoup plus sensible à Wagner qu’à Delon…)

Je ne pense pas que Delon aie participé à une production arrivant à la cheville d’un opéra de maturité de Wagner…

Ben si.
On parle quand même de quelqu'un qui a participé à Plein Soleil, au Guépard, à Rocco et ses frères, à Monsieur Klein, sans parler même de ses rôles chez Melville. Des films qui sont parmi les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, les deux Visconti en particulier sont assez incontestables. Je ne dit pas qu'on ne peut pas ne pas les aimer, mais ils comptent, tout comme comptent les opéras de Wagner dans l'histoire de la musique.
Je veux bien qu'on ne s’intéresse pas particulièrement au cinéma ou qu'on le connaisse mal, mais je n'imagine pas quelqu'un qui ne s’intéresse pas particulièrement à la musique (et en particulier au classique) et qui la connait mal se laisser aller à ce genre de commentaire assez condescendant sur Wagner ou de n'importe quel autre compositeur même considéré comme plus mineur.

En ce qui concerne le débat moral... Delon est un grand acteur qu'on le veuille ou non et on ne peut pas le réduire à l'idéalisation du taiseux violents. Son rôle dans Le Guépard n'est pas du tout dans cet esprit et son personnage est très loin d'être positif ou glorifié (et cela est reflété dans le jeu de l'acteur), dans Monsieur Klein non plus et il n'y a pas la moindre trace d'idéalisation ici. Cette après midi j'ai revu Les Aventuriers de Robert Enrico, ce n'est pas un très grand film, mais c'est plutôt sympathique et la violence n'est pas à l'initiative des personnages principaux Delon et Ventura qui ne sont pas ici les caricatures d'hommes taiseux et violents auxquels on peut parfois les réduire. Par ailleurs le film ou Delon incarne de façon paradigmatique le taiseux violents en fait une figure fondamentalement tragique et fantomatique déjà morte avant même que le film est commencé. Alors certes ce film joue sur une certaine ambiguïté en iconisant ce personnage ce qui peut le rendre désirable mais il n'est aucun cas présenté comme un modèle (après il faut avoir vu le film et pas seulement les photos de Delon qui ne retienne que sont charisme sans le développe narratif qui permet ces nuances).

Alors je suis tout à fait pour qu'on rappelle qui était Delon, mais l'acteur et ses films ne vont pas disparaitre, et les réactions émotionnelle qu'ils suscitent ne peuvent pas simplement être réduit à leur influence supposé sur la société. Influence qui existe bien sur, mais qui n'a rien de mécanique, la violence masculine n'existe pas à cause de Delon (oui on peut dire que certains de ses rôles et films contribuent à entretenir une culture qui la favorise mais ça n'est pas aussi simple non plus surtout autour d'un personnage aussi ambigu que Delon) et on ne devient pas non plus alcoolique parce qu'on trouve que Bogart est cool. Les représentations ont une influence oui et il est important de les questionner, mais ce n'est pas non plus à l'art (quel qu'il soit et quelque soit son degrès de réussite) de dire à la population comment elle doit se comporter, et il est encore heureux que l'ambiguïté et la complexité puisse exister dans les représentations (et dans nos désirs).
On peut regretter l'existence de Delon ou de Wagner, mais enfin ça me parait un exercice assez vain quand même et apprécier leurs oeuvres ne signifie pas adhérer sans distance critique à tout ce qu'ils peuvent représenter.

Je précise quand même, car ce n'est pas tout a fait clair. Je ne crois pas que l'art excuse quoique ce soit. Polanski aurait dû faire de la prison (plus qu'il n'en a fait) mais je crois  que l'on peut séparer l'homme de l'artiste, du moins considérer que l'appréciation de ses oeuvre ne vaut pas validation. Bien sûr on peut estimer qu'à partir du moment où l'on sait on devrait s'abstenir de soutenir. Mais en même temps les œuvres existantes ne vont pas disparaître et ce genre de polémique avec appel au boycott attire souvent les curieux. C'est pour cela que je considère qu'on devrait traiter ces questions séparément, respecter le travail d'un artiste ne vaut pas adhésion à a tout ses comportements et opinions. Bien sûr cela ne serait possible que si la justice était parfaitement fonctionnelle et véritablement la même pour tout le monde, et ce n'est pas le cas. Mais pour autant les discours un peu moraliste et les injonctions au boycott que l'on voit chez certains me semblent plutôt contre-productives en plus de relever souvent de la vertu ostentatoire (cela ne vise évidemment personne sur le forum je tiens à le preciser).

Décès de Catherine Ribeiro à l'âge de 82 ans. On aime ou on aime pas, mais au moins elle a essayé de remuer le cocotier...

Benny Golson saxophoniste, compositeur et arrangeur hors pair qui marqua de son empreinte le hard-bop.
Inoubliables albums avec les jazz messengers d'Art Blakey.

Et le quintet avec Art Farmer !

Tu m'apprends la nouvelle.
Je l'avais vu il y a une dizaine d'années dans un concert très pro empli de ses légendaires compositions.
Bon, 95 ans quand même, on ne peut pas dire qu'il soit parti trop vite comme trop nombreux le furent.

Surpris que personne n'en est parlé, mais l'immense Maggie SMith

Elle était pourtant aussi (occasionnellement) chanteuse

Ici dans Oh What a Lovely War une "comédie musicale" sur la première guerre mondiale (composé exclusivement de chanson d'époque) dans un mémorable et terrifiant numéro de cabaret pour recruter des soldats, c'est l'une des meilleurs de ce film intéressant et le premier et probablement le meilleur de son réalisateur Richard Attenborough : https://www.youtube.com/watch?v=ynEWZF1bkLQ

(et puis même si c'est surtout Diana Rigg on peut difficilement oublié ce duo ultra camp sur You're the top de Cole Porter dans Evil Under the Sun https://www.youtube.com/watch?v=dvGgaaRjzdE )

J'en ai parlé dans votre déception du jour. Une comédienne inégalable nous a quités vendredi ; Maggie Smith passait sans efforts du théâtre au cinéma (même si elle avait une préférence très marquée pour le premier) de la tragédie à la comédie. Bref, une Artiste, une vraie, qui imprimait sa marque avec beaucoup d'humour (les témoignages de ses partenaires vont tous dans ce sens).

Elle était géniale dans Chambre avec vue (1985) même si elle n'avait que deux courts rôles. Si elle était drôlatique dans Sister Act (1 et 2) c'est surtout la série Downton Abbey (6 saisons + 2 films) ou elle incarnait une Lady Violet Craawley inénarrable qui l'a fait exploser à l'international. Bein sûr Harry Potter (professeur MacGonagall films 1 à 6 + film 8 [les reliques de la mort IIe partie]) a encore renforcé sa popularité. Bref, depuis vendredi, je ressens un grand vide (un de plus)

Jacques Réda.
Alifie et Néthou en parleront mieux que moi...

Dite moi que c'est un malentendu !

C'est à n'en pas douter une forme de conclusion.

Cololi a écrit:

Dite moi que c'est un malentendu !

J'aimerais bien . Apparemment il a succombé à un choc anaphilactique. Deux jours après Maggie Smith ça commence à faire beaucoup.

S'il devait y en avoir un(e) troisième dans les deux ou trois jours à venir, je crois que je vais péter un plomb

arnaud bellemontagne a écrit:

C'est à n'en pas douter une forme de conclusion.

Bordel, elle est violente celle-là

A dire vrai, je l'aimais bien. Il incarnait un personnage très attachant.

Tous les témoignages vont dans ce sens. Attachant, intelligent très drôle mais aussi fragile ... Bref, une ribambelle d'éloges ...

Paul Di'Anno, le premier chanteur d'Iron Maiden.

C'est terrible comme nouvelle, il n'avait Que 66 ans !
R.I.P. Paul

Oui, enfin son hygiène de vie n'était pas des plus irréprochables.

Phil Lesh

https://www.bbc.com/news/articles/ce9gjy4lpkpo?fbclid=IwY2xjawGJBClleHRuA2FlbQIxMQABHY2lvEJ7DLWH3GCVsgZXBFVNdYvUv4vD7PmmL5_CrJQG5mF7XKJJ68O8fg_aem_Ny4kgW8ZadtDq4DACFz5Eg

arnaud bellemontagne a écrit:

Oui, enfin son hygiène de vie n'était pas des plus irréprochables.

Oui, oui c'est évident...
Tu paie tout ou tard les coneries que tu as faîtes....
Non c'était juste personnel j'ai tellement autour de mou moi perdus des gens que quand cela arrive j'ai trop de peine

Christine Boisson

Spoiler:

Quincy Jones

Oui, au delà du producteur consacré de Michael Jackson, un musicien et un arrangeur hors-pair comme le prouve avec brio ce disque superbe :

Sans oublier ses superbes musiques de film... Rest in Peace Maestro.

J'ajoute qu'il a étudié avec Messiaen et Nadia Boulanger.